Il trouve un argument, — selon lui décisif ; — et cette
découverte le remplit d’une telle joie, d’une telle estime
pour lui-même, qu’il se redresse comme un petit coq de
Cayenne et me parle de très haut, si j’ose m’exprimer ainsi
quand il s’agit d’un pareil gnome
Les sourcils de Bid’homme se hérissent de plus en plus
Là-dessus il fait une belle sortie sur les pointes gigantesques de ses pieds, en m’adressant une quantité de
gestes avertisseurs qui me recommandent, sans doute, la
discrétion, la prudence, une circonspection extrême dans
mes rapports avec le terrible petit médecin.
Voici qu’une nouvelle idée me traverse le cerveau : une
idée de fou, certainement. Je me rappelle, à présent, avoir
parlé au Directeur, mais il me semble qu’à peu de minutes
d’intervalle il a subi une métamorphose complète : d’abord
grand, gros, peut-être sexagénaire, il est devenu tout à
coup jeune, de taille et d’embonpoint plus que médiocres,
son poil grisonnant a pris des teintes d’un fauve roux. La
voix seule ne changeait pas. Je confie ma singulière impression à mon gardien, tout en prenant soin de la « traduire » de manière aussi peu démente que possible.
Quoi qu’il en soit, puisqu’il compatit évidemment à mon
malheur, j’aurais bien tort de l’indisposer contre moi ; il
a la langue longue, il peut donc m’être utile quand j’aurai
besoin d’être renseigné...
— Donnez-moi à manger... n’importe quoi ! Mais auparavant... pourriez-vous me dire ce que je fais ici ?
Tu n’avais jamais vu cela, un homme habité comme un fruit véreux ? Tu en as, de ces expressions ! Je parie que tu vas me prendre pour un diable et te faire exorciser ! Buffle ! crétin ! triste veau ! Ce n’est pas cela qui me délogera, va !
Oui LA FORCE ENNEMIE existe ! Elle s’empare souvent de moi, me pénètre, m’envahit, puisque je vois tout à coup des choses troubles, effroyables, dont les éléments n’étaient pas en moi et qu’aucun mot du langage humain ne peut traduire… Oh ! l’Univers vrai n’est-il que terreur et horreur !…