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Critique de HordeDuContrevent


La vieillesse est un naufrage disait un certain De Gaulle. Elle l'est d'autant plus pour une magnifique femme, qui plus est obsédée par sa beauté et sa jeunesse. Comment accepter ce naufrage, comment accepter de se faner ?

Cela est difficile voire impossible pour Gladys Eisenach, se consumer oui, flétrir jamais. Voilà le thème central de ce beau livre qui s'ouvre sur le procès animé et mondain de Gladys qui est jugée en effet pour avoir tué son amant. Nous sommes en 1934. L'affaire semble somme toute assez banale de prime abord : la très riche et belle Gladys a régulièrement des amants et ce Bernard Martin, fils sans le sou d'un maitre d'hôtel, âgé de vingt ans, le dernier amant en date, a été tué pour ne pas céder à une menace de chantage concernant le comte Monti, son amant en titre. Simple vaudeville futile et bourgeois me direz-vous jugé en un procès médiatisé pour cette femme trop belle, trop riche, trop libre. En fait c'est plus subtil que ça, il est question d'une tragédie, la tragédie de la quarantaine pour une femme encore belle, adulée, passionnée, amoureuse de son image, habituée aux regards flatteurs, mais qui n'est plus très jeune et qui pressent le naufrage. le drame sans solution des « deux fois vingt ».

La structure du livre me fait l'effet d'une image prise avec un appareil photo…d'abord flou et incertaine, puis peu à peu le focus se fait, à différents endroits dans un premier temps, pour enfin révéler l'image dans sa terrible netteté. Les chapitres qui suivent le procès mettent en effet en lumière les différents visages de Gladys, en dévoilant des pans de sa vie depuis sa tendre jeunesse à la femme d'aujourd'hui, flash-back superbement mené permettant de découvrir une Gladys tour à tour enfantine, tendre, obsédée, consciente du pouvoir que lui procure sa beauté, séductrice, cruelle… ambiguïté et richesse des points de vue, Cette femme, dont le portrait précis s'ajuste peu à peu, se révèle être démoniaque en séductrice maladive… « Pourquoi vous et vos pareilles craignez-vous tant que l'on sache votre âge ?...Si vous aviez commis un crime, vous en auriez moins honte. ». Un extrait qui résume bien l'essence du livre. Irène Némirovsky aborde ce thème éternel avec une grande finesse, une certaine délicatesse et en déployant avec subtilité les facettes qui le composent : la réalité derrière les apparences, la puissance des non-dits, les ambivalences affectives, les contradictions de l'âme, les angoisses de la décrépitude.

Notons le choix de ce titre par l'auteure : Jézabel est une figure biblique qui a détourné son époux de Dieu pour le culte de Baal. Dans la bible, pour apaiser cette idole monstrueuse il fallait pratiquer une sexualité débridée et sacrifier son enfant premier-né. Et Gladys en effet veut attirer toutes les adorations et pour cela elle est prête à sacrifier son enfant et à détourner le temps.

Un portrait de femme certes fascinant mais que j'ai trouvé trop marqué, trop péremptoire, manquant parfois de nuance et qui m'a par moment agacée, que je voulais secouer, sans doute parce que je trouve personnellement que le plus grand courage dans la vie est précisément d'accepter ce naufrage, de savoir en sortir grandie et pleine de sagesse. Peut-être, sans doute, ce portrait m'a-t-il mis sous les yeux ce dont je redoute le plus : ne pas s'accepter et en faire payer le prix à ses proches jusqu'à les sacrifier. Une folie qui me fait frémir.

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