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Critique de Annabelle19


Anno Dracula est un roman assez inclassable, une sorte de dystopie fantastique, je dirais. Les personnalités de l'époque victorienne ayant réellement existé croisent les personnages des romans de cette époque, et tout cela paraît parfaitement naturel. On trouve aussi un habile mélange entre enquête policière (au premier plan) et intrigues politiques (au second plan). le roman est d'une grande profondeur, on sent que c'est tout un monde, soigneusement construit et pensé, qui s'ouvre à nous, un univers à plusieurs strates.
Je crois n'avoir jamais encore lu de roman vampirique aussi bien intégré à notre monde et notre réalité. Les faits de société abordés restent fidèles au contexte historiques, avec les oppositions entre richesse et pauvreté, la place des femmes, les manipulations politiques, la misère qui règne dans certains quartiers...

Anno Dracula part en fait du principe que le Dracula de Stocker, à la fin du livre éponyme, est parvenue à vaincre le groupe formé par van Helsing, Mina Harker, Arthur Holmwood et les autres, plutôt que de se faire couper l'herbe sous le pied à peine arrivé en Grande Bretagne.
Dracula a donc pu continuer à mettre à exécution ses plans de prise de contrôle de la Grande Bretagne. Si je me souviens bien, c'est en effet exactement ce qu'évoque le Prince Dracula, dans le roman de Bram Stoker : son but est de régner sur le pays et d'en prendre le contrôle en faisant de ses habitants des vampires. Je n'y avais jamais pensé, mais j'avoue que la question de savoir comment cette prise de pouvoir aurait pu se dérouler est assez passionnante, et Kim Newman fait un excellent boulot en nous plongeant dans ce monde-là.

Le roman m'a un peu perdue, au début, parce qu'il y a beaucoup de personnages et que l'univers est assez complexe, il faut prendre ses repères. Mais après une petite centaine de pages, une fois qu'on a repéré les personnages important et qu'on a vraiment commencé à s'intéresser à leur histoire, tout devient beaucoup plus fluide. Je dois dire que je suis même devenue accroc à cette lecture, j'avais hâte de pouvoir reprendre mon livre chaque jour. Il y a beaucoup de personnages intéressants, comme Lord Godalming, Penelope ou Jack Seward. Je me suis beaucoup attachés aux personnages de Geneviève et Charles Beauregard. Tous ont leurs failles, leurs secrets, leurs doutes, tous sont très bien développés, même les personnages secondaires, et l'on suit leurs destinées avec un intérêt grandissant.

La construction du roman est, pour moi, assez prodigieuse, en ce sens qu'elle nous plonge dans un univers qui parait sans limites, au-delà de l'aspect historique déjà assez complexe, c'est un tout nouveau monde qu'on nous décrit, avec ses nouvelles règles. On va passer du plus bas de l'échelle (Whitechapel) au plus haut (la cour royale et les quartiers du Premier ministre). On pourrait facilement se perdre dans un tel univers, mais cela demeure en arrière plan, c'est l'atmosphère dans laquelle on baigne. le fil rouge du roman, ce sont les meurtres de Whitechapel et l'enquête qui en résulte. Jack Seward n'a plus toute sa tête depuis sa confrontation avec Dracula, et il lui arrive d'assassiner des prostituées vampires avec son scalpel en argent, tout en restant persuadé de "bien faire", en suivant les préceptes de van Helsing... (on apprend l'identité du tueur dès les premières pages)
C'était une super idée de reprendre le mythique Jack l'éventreur, mais, dans ce monde rempli de vampire, de faire d'un humain le tueur et des vampires les victimes. Une vision inversée des choses dans un roman qui, décidément, parvient à éviter tous les clichés.

Le personnage de Dracula apparaît tardivement dans le récit, même si son ombre plane en permanence sur l'histoire (à travers les souvenirs de certains, la situation de Londres qu'il a lui-même causée et sa garde royale particulièrement barbare). le moment où la cour royale de Dracula nous est révélée est assez géniale, je trouve. Imaginer une cour faite de vampires débauchés, barbares, assoiffés de sang et cruels, c'est une vision tellement glauque et sublime à la fois. Comme le retour à la sauvagerie primitive de l'aspect le plus élevé de la société de cette époque.
Le prince Dracula, même si on le voit peu, renvoit une sacrée dose de charisme. Son petit discours adressé à Geneviève, à la fois suave et menaçant, intelligent et fou, m'a rappelé celui qu'il fait à van Helsing et son équipe dans le Dracula original.
Kim Newman connaît son sujet, c'est indéniable, à tel point que Anno Dracula pourrait passer pour une véritable bible des vampires.

En bref : Anno Dracula est juste excellent, c'est à la fois un bon roman fantastique, qui reprend le mythe du vampire et l'étend au maximum, sans jamais le dénaturer, et une reconstitution assez immersive du Londres victorien, avec ses salons où se retrouvent toutes les figures de la haute société et ses ruelles sombre où se rassemble la misère de la ville. le tout est bourré de clins d'oeil, que ce soit à des figures historiques, des oeuvres littéraires ou des théories à propos de faits tels que l'identité de Jack l'éventreur.
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