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Le bureau d'éclaircissement des destins" recouvre en fait le centre d'archives et de documentations sur les persécutions nazies, et procure aux anciennes victimes et à leurs descendants des informations sur toute la période "seconde guerre mondiale et après-guerre", voire leur restitue des objets retrouvés ayant appartenus à leurs ascendants.
Les documents conservés dans ces archives font à présent partie de la "Mémoire du Monde".
C'est à cette tâche mémorielle que se consacre Irène, française (ex-)mariée à un allemand, et elle-même concernée par des séparations douloureuses.
Irène qui enquête et qui fouille dans ce passé violent et torturé, pour tenter de restituer des morceaux d'histoires familiales par le biais d'objets tels une lettre, un mouchoir, un petit pantin...
Irène qui doute aussi du bien-fondé de ses démarches :
aide-t-elle les gens à reconstituer des puzzles aux pièces manquantes ou les perturbe-t-elle en les mettant face à un passé tu ou ignoré, mais toujours déstabilisant ?
Et s'il faut du courage et de la détermination à Irène pour se frayer un chemin au sein de toutes les tragédies jonchées de cadavres et d'innocences sacrifiées, il en faut aussi aux descendants identifiés pour intégrer les éléments qu'elle leur apporte.
Car ce "devoir de mémoire", pour "faire connaître" et barrer la route à l'ignorance n'est pas indemne de souffrances.
Cette quête de vérité qui peut libérer est aussi prise de risques...Et Gaelle Nohant, en retissant les fils de destins brisés nous entraîne, avec méthode et beaucoup d'émotions du coeur de l'enfer à un peu plus d'espoir et de lumière.
Et les questionnements d'Irène trouvent une réponse.
Car il existe une souffrance chevillée au corps des descendants de victimes, mais une souffrance qu'ils n'arrivent pas toujours à identifier, par ignorance ou enfouissement du passé. Ils sont une génération dépositaire de traumatismes qui ne sont pas les leurs...raison pour laquelle il faut sans doute mettre des mots, même sur l'indicible, pour libérer.
Car ce supplément d'une âme qu'ils ne connaissent pas ou ne reconnaissent pas, pèse sur eux, les remplit de fêlures incompréhensibles et fait de leurs vies quelque chose en pointillés.
Mais lorsqu'arrivent des explications, alors, ce supplément d'âme qu'ils portaient sans l'identifier, les délivre souvent d'un mal-être jusqu'alors existentiel.
Et peut permettre de réparer des deuils impossibles et des vides dans la filiation.
Cette enquête, certes romancée de Gaelle Nohant, montre d'abord un réel travail de documentation. Elle la mène avec beaucoup de sensibilité et d'émotivité. Je ne sais si l'on peut parler de suspense dans un tel contexte, mais il est vrai que je souhaitais ardemment qu'elle parvienne à reconstruire les vivants de son roman.
Même s'il faut pour cela en passer par l'exhumation de secrets plus ou moins avouables.
Mise en évidence de la présence "éternelle" des disparus et d'un certain héritage de "traumatismes transgénérationnels".