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Critique de KiriHara


Olivier Norek est un auteur que j'ai découvert avec son premier roman, peu de temps après sa sortie, à une époque où Olivier Norek était à l'affût de la moindre critique de son travail, ce qui est normal quand on vient de sortir son premier livre. Effectivement, l'auteur était venu sur ce blog lire ma chronique sur son roman « Code 93 » comme peuvent le prouver les remerciements de son second livre dans lesquels il remercie certains blogueurs, dont, mézigue.

À l'époque, je terminais ma chronique par mon « Au final » coutumier, qui résume concisément ce que je peux penser du livre critiqué et celui-ci était :

Au final, « Code 93 » est un roman très prometteur qui laisse présager un bon avenir littéraire à son auteur. D'ailleurs, l'éditeur de son premier roman lui en a commandé un second qu'Olivier Norek a déjà commencé à écrire et il semblerait que l'auteur ait déjà l'idée de son troisième roman. Dans tous les cas, si, comme l'on peut s'y attendre, l'écrivain s'améliore au fil de ses ouvrages alors, on peut espérer que d'excellents romans suivront ce premier très bon roman.

Depuis, j'ai dévoré son second roman, « Territoires » pour lequel mon « Au final » était :

Au final, sachez que, bien qu'Olivier Norek ait cité mon blog dans ses remerciements, je n'aurais pas hésité un seul instant à flinguer son livre s'il le méritait. Mais, heureusement pour lui, en tant qu'auteur, et pour moi, en tant que lecteur, son second roman ne mérite que louanges. Alors je dis : vivement son troisième livre !

Puis, son troisième roman « Surtensions » :

Au final, Olivier Norek se « professionnalise » dans son troisième roman, ce qui le rendra plus commercial et agrandira son cercle de lecteurs, mais ce qui me déplaît un peu et minimise mon plaisir de lecture. Pour autant, ce livre se situe dans le haut du panier du genre et saura provoquer des sentiments différents aux lecteurs (notamment les scènes de prison).

Autant vous dire que je redoutais ce quatrième roman. Alors que je m'étais précipité sur les précédents livres de l'auteur, celui-ci est resté quelques jours dans ma Pile à Lire avant que je me décide enfin à me lancer dans sa lecture. J'avais effectivement peur que l'auteur, comme nombre de ses confrères, se formate de plus en plus, autant dans sa narration que dans son style, afin de plaire à un public plus large. Puis, le sujet me laissait dubitatif...
L'auteur nous propose, dans son début de roman, de découvrir Adam Sarkis, sa femme Nora et sa fille Maya.

Adam est un flic syrien qui a intégré la police de Bachar El Assad dans l'espoir de faire tomber le régime de l'intérieur à l'aide de rebelles. Mais l'un d'entre eux est arrêté par la police et Adam sait, désormais, que ses heures sont comptées et que l'homme va probablement tout avouer sous la torture. Aussi, s'organise-t-il pour faire partir sa femme et sa fille, grâce à des passeurs et les envoyer à la Jungle de Calais, dans l'espoir de les y rejoindre avant de se rendre, avec eux, en Angleterre.

Mais les choses ne se passent pas comme il l'espère et, quand il débarque à Calais, il ne trouve aucune trace de sa famille.

Un soir, alors qu'il entend un enfant pleurer dans une tente voisine, ses réflexes de policier prennent le dessus sur l'envie d'éviter les ennuis et il intervient pour interrompre le viol d'un petit noir par un Afghan, se mettant à dos la communauté la plus représentée dans la Jungle et celle qui y fait la loi.

Dès lors Adam va devoir s'occuper du garçon, chercher sa femme et sa fille, tout en évitant soigneusement les Afghans.

« Entre deux mondes », contrairement aux précédents livres d'Olivier Norek, n'est pas un polar, même si des crimes sont commis, même si les personnages principaux sont des policiers, même si le travail de la police est au coeur de l'ouvrage.

Non, « Entre deux mondes » est un livre multiple, faisant se confronter deux mondes. Celui des migrants qui, venant en France au risque de leur vie, empêchés de se rendre en Angleterre, se regroupent à Calais en attendant de réussir le passage. Celui des policiers, chargés, habituellement de défendre la population et de faire régner la loi et l'ordre et qui, à Calais, se voient contraints d'empêcher de pauvres gens de quitter le pays dans l'espoir d'un monde meilleur, jouant les gardes-barrières, et confrontés, d'une part, à la misère de cette population migrante qui tente de fuir tout en les laissant, dans la Jungle, livrés à leur propre sort, à la loi du plus fort, sans intervenir. La Jungle, zone de non-droit, est alors le cauchemar des deux mondes.

Puis, vient Adam Sarkis, un migrant, mais également un policier, qui va et vient dans la Jungle, confronté aux deux mondes, il est le lien entre les deux univers, le seul à se déplacer aussi bien dans la Jungle que dans un commissariat.

C'est donc cet « entre deux mondes » que le roman tente de saisir tout en définissant deux mondes gris (les migrants d'un côté, la police de l'autre) dans toutes leurs horreurs. L'horreur d'une jungle dans tous les sens du terme, mais, auparavant, du terrible voyage que tous ces migrants subissent pour trouver leur « Eldorado ». Mais aussi toute la misère qui mine des policiers qui n'ont même plus la satisfaction de défendre la veuve et l'orphelin comme bouclier pour éviter d'être rongés par la situation inextricable et misérable de toutes ces personnes qu'ils sont chargés de contenir et d'empêcher d'atteindre leur but ultime.

L'atout principal des romans de Olivier Norek est d'immerger le lecteur grâce à une écriture sans fioriture, sèche et sincère, propre à celui qui sait de quoi il parle. C'était le cas dans « Territoire » avec la description sordide des conditions de détention. C'est encore le cas ici, avec une autre sorte de détention, un monde qui ne nous touchait pas, jusqu'à la lecture de ce roman.

Car l'auteur nous force à nous poser des questions sur les comportements des uns et des autres. Des questions auxquelles on ne trouve pas réellement de réponse si ce n'est : Mais pourquoi ne pas laisser passer les migrants ? Pour des raisons politiques et pécuniaires.

La relation entre l'homme et l'enfant est au centre de séquence touchante, mais, également, de la plus terrible du roman que je vous laisserais découvrir. Car, ces deux êtres qui ont tout perdu, n'ont plus que l'autre comme bouée, pour demeurer quelque peu humain, par un attachement « filial ». Et, demeurer humain, dans ce monde inhumain, est un luxe que plus personne ne peut se payer, ni d'un côté de la barrière ni de l'autre.

Norek explique par cette incapacité, des uns et des autres, certains débordements, sans jamais les excuser.

L'auteur esquisse d'ailleurs plusieurs idées qui demeurent en suspens, notamment la Jungle comme lieu idéal de recrutement pour les cellules terroristes, les associations d'entre-aide, le ras-le-bol de flics qui se retrouvent autant dans une impasse, à Calais, que les migrants contre qui ils doivent lutter.

Car c'est humainement vers Kilani, ce gamin, violé, mutilé (il n'a plus de langue), qui a déjà vécu maints enfers à son jeune âge, que Norek se tourne. Humainement, car c'est le centre névralgique du roman et de l'avenir : comment se reconstruire après une telle enfance ? La violence est-elle innée ? Un assassin est-il forcément un coupable ? Peut-on se passer du sang lorsqu'on y a goûté ???

Humainement, surtout, parce que l'on a tellement envie qu'Adam et Kilani poursuivent leurs chemins ensemble...

Au final, plus qu'un polar, plus qu'un roman sociétal, Olivier Norek nous livre un roman fort, émouvant, bouleversant, qui, jusqu'au point final, attrapera le lecteur par le coeur et l'âme sans jamais le lâcher. Un roman qui, sans être un pur témoignage, devient plus qu'une histoire.

N.B. Malheureusement, je trouve la couverture bien en deçà de celles des précédents romans de l'auteur.
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