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Critique de Antyryia



Aussi loin que je m'en souvienne, j'ai toujours aimé lire.

A l'instar d'Ange, l'héroïne des Aérostats, ce sont des auteurs comme Hector Malot ou la Comtesse de Ségur qui ont accompagné mon enfance.
Sans oublier les bibliothèques roses puis vertes, les aventures de Bob Morane, les livres dont vous êtes le héros et mes premiers romans policiers dès l'âge de treize ans avec Agatha Christie et Charles Exbrayat.

Ce goût pour la lecture, c'est mon père qui me l'a transmis, et j'en profite encore pour le remercier et lui rendre hommage.
Sans lui je ne serais pas le même lecteur, peut-être même que je ne lirais pas du tout.

Je me souviens encore de ma première lecture imposée, en sixième.
C'était le soleil d'Olympie, de Jean Séverin.
Je n'en n'ai plus aucun souvenir si ce n'est celui d'un profond ennui.
Heureusement que je savais que la littérature ne s'arrêtait pas à ça.

Ange est une étudiante en philologie, à Bruxelles. Elle a dix-neuf ans.
"En Allemagne et en Belgique, la philologie englobe toutes les sciences du langage et suppose une connaissance approfondie du latin et du grec ancien."
Afin de gagner un peu d'argent, elle va proposer des cours de soutien de français à domicile. Grégoire Roussaire la contactera afin qu'elle puisse soigner la dyslexie de son fils Pie, seize ans, auquel la lecture du Rouge et du Noir est imposée.

J'ai trouvé une réflexion très intéressante au sein du roman : "Nous vivions dans une époque ridicule où imposer à un jeune de lire un roman en entier était comme contraire aux droits de l'homme."
Honnêtement, j'ignore quels livres sont désormais proposés au collège ou au lycée désormais. Mais j'ose espérer que ce sont des romans plus attrayants que par le passé. Si les jeunes lisent beaucoup moins que par le passé, c'est aussi parce que leurs parents ne lisent pas.
Inutile de tout mettre sur le dos d'internet et des réseaux sociaux.
Autant à mon sens l'éducation relève du rôle parental, autant le goût de la lecture ( et par son intermédiaire celui de l'orthographe et de la grammaire ) devrait être assuré par l'éducation nationale.
Et je crois sincèrement que les classiques ne peuvent plus remplir cette mission puisque leur lecture est davantage une corvée et qu'il est presque normal de n'en lire qu'un résumé avec une brève analyse sur un site de la toile.

Ne m'en veuillez pas si vous avez adoré leurs livres, mais du collège à la faculté de lettres modernes j'aurais pu être dégoûté de la lecture par Maurice Genevoix, Jean Giono, Stendhal, Racine , Michel Butor et bien d'autres auteurs dont l'exigence avait entraîné le désintérêt.
A l'inverse, c'est avec un certain plaisir que j'ai découvert Herman Hesse, Fiodor Dostoïevski, Emile Zola, Julien Green ou Franz Kafka.
Je garderais toujours en mémoire mon professeur de français de seconde, qui n'a pas hésité à sortir un peu du programme et à nous imposer une vingtaine de fiches de lecture sur des romans ou pièces de théâtre souvent court(e)s pour élargir notre horizon littéraire.

Pour revenir au nouveau roman d'Amélie Nothomb, Ange va très rapidement venir à bout de la dyslexie de son élève, le rouge et le Noir suffira en effet à guérir son élève quand il en lira un extrait à voix haute après l'avoir lu en quarante-huit heures.
Trop fort Pie ! Un jeune homme isolé, malheureux, qui n'avait jamais rien lu d'autre que des articles d'armes sur internet et qui vient à bout en deux jours du pavé De Stendhal tout en étant capable d'en débattre avec son attachante professeur particulière.
Et en vingt-quatre heures, après une nuit blanche, il viendra à bout de l'Iliade d'Homère.

Toute vraisemblance mise de côté, ce millésime 2020 d'Amélie Nothomb n'évoque pas seulement cette façon qu'aura Ange de donner le goût de lire à Pie au travers de différents classiques tels que L'idiot de Dostoïevski, La métamorphose de Kafka ou encore La princesse de Clèves de Madame de la Fayette.
Les aérostats offre différents points de vue sur la richesse de la lecture, et sur les différences qu'il peut y avoir entre les lecteurs qui ont lu un même ouvrage. Ils ne vont pas forcément s'identifier aux même protagonistes, ils ne vont pas forcément interpréter le roman et ses éventuelles métaphores de la même façon, ils n'ont pas non plus les mêmes critères d'appréciation.
"Aimer un roman ne signifie pas nécessairement qu'on aime les personnages."
Et on le voit bien sur Babelio. Aucun roman ne fait l'unanimité parce que tous les lecteurs sont différents, ont une sensibilité propre, et ne recherchent pas la même chose.
Quant aux romans qui plaisent au plus grand nombre, les raisons sont là encore variable. L'un va avoir été envoûté par l'écriture, un autre fasciné par les personnages, un troisième transporté par l'intrigue.
Et il y fort à parier que Les aérostats recevra des critiques enthousiastes, des avis très négatifs ou encore des opinions un peu plus partagées comme la mienne.
Donner un avis sur un livre, c'est presque comme écrire un commentaire composé au baccalauréat. Chacun interprétera ce que l'auteur a rédigé même si ce dernier l'a fait de façon parfois totalement involontaire.

Et puis lire, c'est aussi être libre. Libre de choisir, libre de s'évader.
Et la liberté est l'autre thème principal du roman. Symbolisée par ailleurs par la présence de ces anciens zeppelins gigantesques dans le ciel auxquels le titre fait référence.
Cette liberté, Pie en est totalement dépourvu. Ses parents sont aussi étranges l'un que l'autre, en particulier le père qui surveille chacune des leçons données par notre étudiante.
Prisonnier au sens propre comme au figuré, Pie verra en Ange une personne capable de le sauver, et pas uniquement par le biais de la littérature.
"Quand vous arrivez ici, c'est comme si la vie débarquait. Lorsque vous partez, tout s'éteint."
"Ce garçon était conscient du drame qu'il vivait, il m'appelait à l'aide."
Mais comment l'aider ? Comment s'interposer face à un père odieux qui veut tout contrôler ?

Comme dans la majorité de ses romans, avec une économie de mots propre à son style, Amélie Nothomb va droit à l'essentiel.
Et c'est dommage.
Dommage parce que les personnages d'Ange et de Pie auraient réellement pu être attachants si leur histoire et leur personnalité avaient davantage été mises en relief. Là ils n'auront rien d'inoubliable.
Dommage parce que les réflexions autour de la littérature et des goûts littéraires de chacun autour de débats souvent passionnés entre l'élève et son enseignante ne sont qu'effleurés alors qu'elles auraient méritées d'être approfondies.
Ces différences de ressentis tout comme les appréciations communes après des lectures qui peuvent parfois nous parler ou pas, être interprétées de tellement de façons différentes, auraient pu je pense rendre le roman bien plus riche si l'auteure avait davantage poussé sa réflexion.
D'autant qu'elle est importante puisque notre rôle sur ce site ne consiste pas à mon avis à juste donner son opinion sur une lecture mais aussi à comprendre pourquoi d'autres internautes ont adoré ou détesté la même oeuvre quand leurs avis sont argumentés.
On apprend d'ailleurs qu'il existait déjà des critiques littéraires cinq siècles avant Jésus Christ, à l'époque de l'Iliade et de l'Odyssée.
"Avec l'édition est née la critique littéraire. Et il s'est trouvé un critique, Zoïle, pour déclarer qu'Homère écrivait comme un tâcheron. Eh bien, le public s'est emparé de Zoïle et l'a pendu."

Et puis j'ai trouvé quand même exagéré qu'un jeune homme dyslexique de seize ans n'ayant quasiment jamais lu un livre de sa vie vibre autant à la lecture des grands classiques de la littérature internationale et intemporelle du jour au lendemain. Si je n'avais pas lu depuis mon plus jeune âge, je ne crois pas beaucoup m'avancer en disant que ni Stendhal, ni Homère, ne m'auraient fait passer des nuits blanches, même pour les beaux yeux de ma prof particulière. Certes Pie est un garçon à part mais il aime les mathématiques et pas le français et ça me paraît d'autant plus inconcevable que du jour au lendemain il tombe amoureux des livres sans passer auparavant par des romans young adult à la mode ou des livres adultes à la portée de tous.
En outre il reste quand même beaucoup de zones d'ombre une fois la lecture achevée.

Les aérostats marque donc le retour à la normale d'Amélie Nothomb après l'ambitieux et déconcertant Soif auquel je n'avais pas du tout accroché l'année dernière.
C'est un court roman agréable à lire, sujet à quelques souvenirs pour ma part, qui évoque rapidement quelques idées intéressantes, qui réserve également quelques surprises.
Mais qui à mes yeux n'est tout simplement pas tout à fait abouti.

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