Mais sait-on pourquoi, à un moment de la vie, la tête ne fonctionne plus comme elle devrait, puis décide que la folie du monde est insupportable et qu'il vaut mieux se mettre en quarantaine ?
La généalogie -tels sont sa séduction et son piège - fournit une cohérence et une séduction à bon compte.
Je cherchais le cadavre planqué sous le parquet de ta vie bien rangée, et ne me contentais pas du mot de résilience qui rassure et écrase.
Devoir la nationalité à cet homme, à sa déraison me suggérait, malgré l'absence de lien affectif et matériel, qu'il me léguait quelque chose comme un héritage.
Le choix du silence alla de pair avec un surcroît d'écoute - on entend mieux quand on se tait - et je devins attentif au déni du mal presque autant qu'au mal lui-même.
Le cercle du canon s’imprime sur ton cuir chevelu et dessine le trou qui va perforer ta tête. Une lutte à la vie à la mort s’engage entre le plein des nerfs et le vide de la perforation. L’éternité se loge au cœur de cet anneau qui marque ton crâne comme un tatouage indélébile.
dans les situations exceptionnelles, le vernis social, si fragile, s’écaille, observes-tu, et les individus se révèlent lâches, menteurs, généreux ou courageux. Des gens qui n’étaient rien deviennent quelque chose, et d’autres, qui étaient quelque chose, se réduisent à rien.
« Eux ils sont deux, mais nous on est tout seuls. » Lorsqu’on est un paria, on n’appartient plus à aucune communauté, sauf dans le regard des bourreaux.
Parmi les questions posées à un individu sur son identité, on lui demande d'où il est, car il est censé connaître ses origines, sa famille, sa ville, sa région ou son pays. La difficulté que j'ai toujours éprouvée, et que j'éprouve encore aujourd'hui, à définir ces affiliations, et le recours à des périphrases pour y répondre bien que je sois français, doivent sans doute à cette vie avec mon père, plus conjugale que familiale. Lui seul fut ma patrie, celle qui a fait de moi un fils et un compatriote.
Bien qu'il fût "engagé volontaire juif" en 14-18, bien qu'il eût combattu dans les tranchées, bien qu'il eût reçu une bombe de gaz moutarde, bien qu'il eût passé la moitié de sa vie à l'asile en tant que mutilé du cerveau à cause de la guerre, Chaïm n'avait droit qu'au mur du fond, juste fou, pas fou de guerre, pas fou pour la France. Exclu du carré des anciens combattants. Oublié une deuxième fois dans ce cimetière des oubliés rénové. Oublié au carré !