ISBN : 9782954605652
Editions Insula
Nous tenons à remercier les Editions Insula qui, par l'intermédiaire d'une opération "Masse Critique" organisée par Babélio, nous ont offert un exemplaire de cet ouvrage.
Pour quelqu'un qui aime les mots, cet ouvrage est une énigme. Entièrement dessiné en noir et blanc, sa trame est, pour un littéraire pur-sang, assez difficile à suivre. J'entends par là que, comme il n'y a aucun dialogue, aucune bulle, rien que des dessins, le lecteur doit s'élever en quelque sorte au-dessus de tout cela et le "traduire" en quelque chose qui lui soit accessible. Ce qui peut paraître périlleux car nous ne comprendrons pas tous la même chose.
Personnellement, j'ai un peu triché, je l'avoue. ;o) J'ai demandé à ma fille cadette, qui s'y connaît pas mal en dessin, de me dire ce qu'elle voyait là-dedans. Eh ! bien, ça a fonctionné ! En somme, c'était un peu comme me faire traduire du français en inuit. L'oeil et la sensibilité d'un dessinateur, surtout s'il a choisi le dessin et rien que celui-ci pour s'exprimer, nous font découvrir une autre façon de raconter, à défaut de saisir l'histoire exacte.
Bien, la trame, c'est une jeune femme, célibataire, qui vit avec son chien. Celui-ci l'attend dès le début. Elle rentre, de son travail ou des courses. Elle se couche. le lendemain, après que le chien a déjà grogné en direction de la salle-de-bains, pourtant vide en apparence, la jeune femme prend une douche. Et l'on voit apparaître alors à ses côtés (il s'agit d'une baignoire-douche) une forme triangulaire, style petite tente débraillée en fil de fer, le fameux "organisme" sans nul doute. Que fait-il là ? Est-il un produit de la douche de la jeune femme ? Ou était-il déjà présent puisque le chien a grogné avant que sa maîtresse n'allât se doucher ?
Quoi qu'il en soit, maîtresse et chien sont assez ennuyés par la présence de cet intrus bien que, au premier abord, il ne se montre guère hostile. Il s'installe sur le canapé, dans une attitude contemplative. Et il attend. Quoi ? Qui ? A moins que ce soit tout bêtement son mode de vie. Pourquoi pas ?
La jeune femme tente de se débarrasser de lui en le fourrant dans un rayon, dans un centre commercial. Piteux résultat : au retour, une espèce de gribouillage, de la taille de
l'organisme, s'étale à nouveau sur le divan. Peu à peu, il reprend sa forme normale. Puis, la femme le touchant, un pied par ci, une main par là, il finit non par l'avaler mais par se fondre avec elle. Un organisme-femme ou une femme-organisme, voilà ce que nous avons maintenant. Pendant ce temps, il semble - attention : j'écris "il semble" - que le chien se soit transformé pour aider sa maîtresse. Il a maintenant deux jambes et suit sa maîtresse-organisme, encombrée d'une valise dont on ne comprend absolument pas ce qu'elle contient (les restes de
l'organisme, comme des espèces de toxines ? les restes de la femme, sous la même forme ?), dans un train mystérieux où, à une fenêtre, on entrevoit une tête de mort.
A la descente du train, aidée par son chien à jambes, la femme-organisme prend la valise et l'emmène en pleine campagne où elle l'ouvre dans une espèce de sorte de grotte. En sort alors
l'organisme originel (en forme de tente), assez heureux de se retrouver dans son élément naturel. du coup, la femme redevient normale, son chien aussi et, laissant
l'organisme derrière eux, ils reprennent, l'un derrière l'autre, le chemin de la maison.
Mais qu'y trouveront-ils ?
Plusieurs méthodes de lecture sont possibles : la lecture classique, la lecture à l'envers, un grand souci des détails, éventuellement la question de savoir si les cases sont disposées volontairement (et parfois seulement) dans un ordre qui brouille tout, une observation assidue des traits qui encadrent chaque page.
L'auteur et les Editions parlent de "voyage initiatique." En ce cas, serait-ce
l'organisme qui aurait tenté une exploration chez les humains, faisant peu à peu comprendre à ceux-ci que, s'ils font un effort, eux-mêmes comprendront d'où il vient et où il sera heureux ?
Pour moi, je l'avoue, ce livre reste une énigme. Je ne le qualifie pas de BD - ce n'en est pas une au sens classique. Ce n'est évidemment pas un manga. C'est un album insolite, avec un scénario insolite (presque "à trous" ou à "non-dits") raconté de façon insolite, et dont, je l'avoue, j'eusse aimé rencontrer l'auteur car son imaginaire me semble riche.
Ai-je aimé ? Au début, non : j'aime comprendre. Après les explications de ma fille sur la façon de lire les dessins, ça allait mieux.
Alors oui, j'ai aimé.
Mais je n'ai pas tout compris - pire, je n'ai peut-être rien compris du tout. Et ça me désole un peu.
Mais peut-être était-ce le but de
Natalia Novia à laquelle je souhaite une belle carrière. ;o)