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Critique de kuroineko


Il était une fois une jolie maison de ferme, aux murs couleur lavande, dans le comté de Chautauqua, État de New-York, États-Unis. Là vivait tous ensemble une belle et grande famille, les Mulvaney de High Point Farm.
Il y avait Papa Michael, dit le Bouclé, solide, charmant, cordial et travailleur, faisant fructifier son entreprise de couverture et sa sociabilité.
Et puis Maman Corinne, Sifflet pour ses proches, longiligne rouquine aux rires éclatants, un sifflotement à la bouche et la lumière divine brûlant en elle.

Cet heureux couple eut quatre beaux enfants:
Michael junior, dit aussi Mulet, version plus récente de son père. Star du football au lycée, plus prompt avec un ballon et ses copains qu'avec les études.
Patrick, alias Pinch, l'intellectuel de la famille, scientifique dégingandé, curieux de tout et doté d'une pensée où rigueur des sciences pures et métaphysique de l'évolution s'entremêlent.
Marianne, également Bouton ou Mésange. La perle fine de cet écrin. Belle, radieuse, le coeur empli de bienveillance et de Jésus, populaire et bon élève... Un rêve.
Enfin Judd, aka Ranger ou le Gosse, le benjamin, futur journaliste et narrateur de cette monographie familiale. En recherche de sa place après ses aînés.
Et gravitant autour de cette troupe joyeuse, bruyante, taquine et dynamique, des chats, des chiens, des chevaux, quelques poules et vaches, deux chèvres et Plumes un canari, roi de la cuisine.
La vie se déroule sans heurts notoires dans ce cadre idyllique, entre le travail, l'école, les corvées ménagères ou de ferme, les discussions, les plaisanteries et les services dominicaux pour les bons chrétiens de la troupe.

14 février 1976: cette existence vole en éclat. Définitivement. Chassés du jardin d'Eden... ou peu s'en faut. L'horreur frappe les Mulvaney de plein fouet même si la douce et pure Marianne est la véritable victime. Victime d'un viol atroce lors du bal de la Saint-Valentin du lycée de Mont-Ephraim. Persuadée d'être responsable de ce qui lui est arrivé, elle refuse de porter plainte contre le lycéen coupable du crime.
La grande écrivain qu'est Joyce Carol Oates dépeint les affres psychologiques de cette jeune fille naïve, violentée et violée, salie en son corps et son âme par un sale type persuadé de son bon droit de mâle. Comment ne pas se sentir plein de compassion pour Marianne qui puise dans sa foi le courage de ne pas sombrer totalement.
L'impact de cette tragique soirée fait exploser la cohésion familiale et c'est tout le talent de Mme Oates de représenter la déréliction et la déchéance des Mulvaney.

La suite de cette histoire? Je vous invite à la découvrir en vous plongeant dans cette extraordinaire fresque familiale.

Plus je lis les oeuvres de Joyce Carol Oates, plus je suis époustouflée par son talent et la maîtrise dont elle fait preuve. Il est assez rare, à mon avis, d'être aussi prolifique et de qualité, en littérature. Elle renouvelle ses thèmes, ses angles de vue. Ses sujets égratignent toujours le vernis brillant de l'American way of life. Elle dresse dans ses romans une galerie de personnages bien construits, à la psychologie dense et complexe. Nous étions les Mulvaney en est un exemple frappant.
Quant à l'écriture, son style frappe juste, chaque phrase ciselée avec l'art consommé de la grande dame de la littérature qu'elle est. La prose est riche, dense et limpide. Que ce soit dans ses descriptions ou dans les moments plus introspectifs, sa plume fascine et ravit par sa puissance évocatrice.
"Le marais. Les arbres mourants dénudés de leurs feuilles, perdant par lambeaux une écorce couleur papier journal moisi. Une odeur de pourriture, d'égout. On n'était qu'à la mi-avril et la vie grouillante, bourdonnante, du marais n'avait pas encore commencé, mais l'atmosphère avait quelque chose de dense, de compact; comme si des formes invisibles, affamées, toutes en bouches et en gosiers, rôdaient aux alentours."

J'ai définitivement trouvé en elle la femme de ma vie littéraire!
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