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Critique de Blok


Blok
11 décembre 2023
On ne peut parler de ce livre sans faire mention de la Part des Ténèbres » de Stephen King, alias Richard Bachman, ni sans esquisser un rapprochement entre les auteurs des deux livres.
Stephen King et Joyce Carol Oates sont deux écrivains jouissant à la fois d'une bonne réputation littéraire, mais sans doute pas aussi bonne qu'elle devrait l'être (je les classe pour ma part parmi les plus grands écrivains américains), et d'un beau succès commercial, particulièrement King, qui n'est sans doute pas sans rapport avec leur sous-estimation positive, non plus peut-être que l'importance quantitative de leurs productions respectives, la parcimonie en matière littéraire étant souvent tenue par les critiques pour un gage de qualité,malgré les contre-exemples De Balzac, Hogo, Dickens...
Si Oates est en principe auteur de livres réalistes et King d'ouvrages fantastiques, l'oeuvre de la première est souvent en limite de ce dernier domaine, pourtant souvent avec ce dernier domaine, alors que le fantastique du second, d'ailleurs l'auteur d'un certain nombre d'ouvrages ancré dans la réalité courante, est sans doute moins onirique.
Enfin, ils ont tous deux des alias, Joyce Carol Oates ayant publié sous les pseudonymes de Rosamond Smith et Helen Kelly, et Stephen King sous celui de Richard Bachman, cette question des alias joutant d'ailleurs un rête important dans l'un ou l'autre livre.
Une question à régler tout de suite : bienque le livre de Stephen King ait été écrit en 1989, et celui de Joyce Carol Oates en 2015, il ne peut en aucun cas être considéré comme un plagiat du premier, même s'il est vrai que la seconde joue avec le premier et fait des incursions dans son oeuvre, qu'il faut prendre comme une forme d'hommage. Elle joue aussi avec les ressemblances, puisque qu'Andrew J.Rush, personnage principal de Valet de Pique, est victime d'une accusation de plagiat...qui vise aussi Stephen King !
Les alias de Joyce Carol Oates n'ont pas d' importance particulière dans le cadre de cette chronique.
En revanche, Richard Bachman y joue un rôle important. Sous ce King a d'abord publié des ouvrages plus éloignés de sa veine fantastique, mais se rapprochant davantage des cadres du thriller, avec des intrigues comportant plus de violence que celles des livres signés de son nom. puis les productions se sont rapprochées, jusqu'à ce que Stephen King mette fin à la carrière de son alias avec La part des Ténèbres en 1989 (*). le héros de ce roman, Thad Beaumont, est écrivain « mainstream », estimé de la critique, mais n'obtenant qu'un médiocre sucés commercial , contrairement aux thrillers qu'il écrit sous le pseudonyme de George Stark il écrit aussi des thrillers ultra-violents, sous le pseudonyme de George Stark, qui deviennent des best-sellers. Il décide de se débarrasser de son alias, en enterrant symboliquement George Stark dans le cimetière de Castel Rock (oui, Castel Rock, nous sommes bien chez Stephen King, d'autant de Beaumont peine à se débarrasser de son addiction à l'alcool)(**) . Mais cela n'est pas du goût du personnage récurrent de Stark, le serial killer Alexis Machine, qui fait irruption dans la réalité, et...mais je m'arrête là, peut-être que ma chronique va vous donner envie de lire La part des Ténèbres, et dans ce cas je ne voudrais pas vous spoiler, il paraît que je le fais déjà trop.
Donc le Valet de Pique. le personnage principal, Andrew J.Rush, est li aussi romancier ; il écrit des romans policiers classiques, qui se vendent assez bien, mais sans devenir pour autant des best-sellers ; dans ce domaine, il envie le succès de Stephen King, d'autant que certains l'ont affublé du sobriquet commercial un peu ridicule de « Stephen King du gentleman » (Je l'ai écrit ici à plusieurs reprises, et encore récemment au sujet de Maxime Chattam, c'est toujours une mauvaise idée de comparer un écrivain à Stephen King ; il n'y a qu'un seul Stephen King et il ne peut y en avoir d'autres!). Il est aussi frustré en temps qu'auteur de littérature de genre, car il regrette de ne pas obtenir la considération d'un auteur mainstream.
A l'instar de Stephen King, il donne naissance à un double maléfique et clandestin, Valet de pique, qui, lui écrit des ouvrages comparables à ceux de George Stark (pas de Bachman, car il ne faut pas pousser le parallèle trop loin ; Bachman est beaucoup plus convenable que Beaumont.)
Ça va, vous suivez ? Avec les auteurs, les alias, les personnages, çà devient compliqué. Non, Alexis Machine n'est pas un personnage de Valet de Pique !
Et c'est Rush qui a le plus de difficultés avec son alias ; bien que Valet de Pique ne surgisse pas du livre pour l'attaquer physiquement, il incarne ses démons personnels et le dévore intellectuellement et moralement, l'entraînant dans une déchéance qui ira assez loin ; sur le plan moral, il est vrai, il n' a guère de besogne à accomplir, Oates nous révélant par petites touches tout au long de l'oeuvre, par un procédé où elle excelle, et qu'on retrouve souvent dans ses livres, que ce n'est pas vraiment un type bien (litote). le tout avec le style inimitable de l'auteur, son écriture à fleur de peau de personnages hantés, à travers les yeux desquels le lecteur assiste à l 'action, sans être le plus souvent vraiment sûr, à l'instar des personnages, de ce qui se passe réellement.
C'est par là que son écriture touche en permanence au fantastique, plus appuyé dans ce qu'il est convenu d'appeller son cycle gothique, notamment Les Mystères de Winterthurn et La légende de Bloodsmoor, peut—être son chef d'oeuvre.
Et c'est par cette dimension fantastique évidemment que son oeuvre touche aussi à celle de Stephen King, dont je me demande finalement si le fantastique n'est pas plus matérialiste et réaliste, bien que rarement montré explicitement.
Certains me reprocheront peut-être d'avoir finalement parlé presque autant de Stephen King et de la Part des Ténèbres que de Joyce C arol Oates et de Valet de Pique. Compte tenu des parentés des deux ouvrages (et jusqu'à un certain point des deux auteurs) je n'ai pas vu le moyen de faire autrement.

(*)il l'a cependant ressuscité en 1996 avec le dyptique Désolation (signé King) et Les Régulateurs (signé Bachman), une oeuvre très curieuse. Mais ne digressons pas trop

(**) Notons d'Andrew J. Rush l, personnage princial de Valet de Pique, sombre aussi dans l'alcoolisme
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