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Critique de afriqueah



Personne ne semble penser que philosopher sur la solitude ou l'ennui aboutira à les faire disparaître, et pourtant, penser l'amour ne semble pas un sujet philosophique, comme si sa connaissance devait être aussi intuitive et sans explications que l'amour lui même, et que essayer de penser le concept d'amour risquerait d'en perdre le sel.

Ruwen Ogien, nonobstant, essaie de penser ce que derrière l'idéologie de l'amour romantique, avec l'idée d'un amour unique et irremplaçable, et d'autre part, nos moeurs , où plus personne ne juge le divorce, le remariage ou la séparation comme des infamies, ce que aimer veut dire.
C'était un libertaire, ce RO, pour les intimes que vous allez être, et dans son livre « Philosopher ou faire l'amour » il annonce la couleur : il ne nous donnera pas une définition, l'amour c'est ça, point. Mais il décortique, il déchiffre, il analyse.

Il énumère d'abord les six idées de base des différentes formes de l'amour :

1- l'amour est plus important que tout : oui, mais R O a au début de son livre rappelé le Banquet de Platon, et les trois sortes d'amour rappelées par Comte Sponville dans « le sexe ni la mort », l'amour charnel : Eros, l'amitié, le respect : Philia, et l'amour presque mystique : Agapé. Les invités de ce Banquet sont un peu ivres lorsqu'ils parlent de l'amour, mais, bon. La question est : quelle sorte d'amour a t elle une importance suprême ? Pour Kant, ce serait le respect qui primerait. Pour la sensibilité moderne, la liberté primerait sans doute sur l'amour. Etre un individu libre.

2- l'être aimé est irremplaçable : encore le Banquet, avec le récit un peu fou d'Aristophane qui a bu et voit double: nous les hommes étions au début du monde tous ronds comme des oranges (non, pas comme des coings), très rapides, puissants et arrogants, si bien que les dieux nous ont coupés en deux. Depuis, nous cherchons désespérément cette moitié perdue, et seuls certains privilégiés, malgré toute la littérature trompeuse, la retrouvent. Les deux êtres, homme/ femme ou mêmes sexes, se fondent l'un dans l'autre, redeviennent un. Nous connaissons tous des couples qui disent : « nous avons aimé l'Italie, nous avons un perroquet, nous t'embrassons, nous venons de lire RO».

Cependant, dit RO, on n'est pas pas irremplaçable, on le devient. Un des moyens de le devenir, c'est de montrer à notre partenaire que le coût de notre remplacement serait extrêmement élevé !!! Et puis on peut avoir des enfants ou des biens importants en commun, d'où l'impossibilité de couper le lien.

3-on peut aimer sans raison : Pourquoi aimons nous ? « je l'aime parce qu'il est bête et méchant », ce serait une raison d'aimer douteuse, non ? Pourtant, quand Montaigne dit « parce que c'est lui, parce que c'est moi », il avoue par là même qu'il ne connaît pas la raison. Et on accepte aussi la proposition : « je l'aime parce qu'il est un peu macho, un peu menteur », ou « je l'aime parce qu'il est beau ». Finalement, les raisons qui justifient que l'on aime importent peu.

4-l'amour est au delà du bien et du mal :Y a t il une moralité à aimer un être particulier , plus que les autres ? Cas de figure : je peux donner mon rein à ma mère qui en a besoin, ou à d'autres patients qui en ont plus besoin. Que faire, où est l'acte moral ?
Autre cas de figure : un capitaine de bateau qui sauverait sa femme de préférence à d'autres passagers serait il moral ? l'amour qu'il lui porte suffirait il à justifier son choix ?
Ou alors on doit admettre que l'amour n'est pas au dessus des lois morales, et qu'il peut/doit être impartial. Il se rapprocherait en ce cas plus de la bienveillance, de la charité que de l'amour fusion.

5-on ne peut pas aimer sur commande : L'amour est plus fort que la volonté, on aime malgré tout. Cupidon est un capricieux qui frappe aveuglément. On tombe amoureux, mais on aime sa mère. On peut décider d'arrêter de fumer le 31 décembre mais pas d'arrêter d'aimer Lola le 1 janvier.
On pouvait décider de croire en l'existence de Dieu, lorsque les tortures de l'Inquisition vous faisaient trop peur, ou bien dans l'espoir d'une vie éternelle.
de nos jours, on peut pragmatiquement décider de croire ce qui nous semble utile à l'avancement de la science, même lorsque les preuves sont insuffisantes, mais cette volonté peut être bouleversée par d'autres données. On croit au danger de la pandémie, puis on s'aperçoit que l'on nous a gonflés.
C'est Kant qui a remis en doute les principes moraux lorsqu'ils sont basés sur la peur, ou sur la contrainte, car il y a selon lui une seule forme d'amour que l'on ne peut commander, celle qui consiste à oeuvrer pour le bien d'autrui. « Tu aimeras ton prochain, » dit Kant, c'est bien gentil, mais l'amour en tant que sentiment ne peut pas se commander. Sauf que oeuvrer pour le bien d'autrui, ce serait plutôt de la bienveillance, ou une règle du métier que l'on exerce, médecins, enseignants, soignants.
Est ce de l'amour au sens où nous l'entendons ? non.

6-l'amour qui ne dure pas n'est pas un amour véritable : le bonheur pour les Anciens n'avait rien à voir avec la définition « idée neuve en Europe » qu'en donne Saint-Just , quelques mois avant de perdre la tête sur l'échafaud. Pour les anciens, le bonheur est relativement ascétique, rien à voir avec les plaisirs du corps, religieux, car ce n'est pas un bien terrestre, et élitiste, réservé aux sages.
Est ce cela que nous entendons quand nous parlons d'un amour éternel, romantique, céleste ? non réductible au sexe, religieux en ce sens qu'il affirme une éternité de sentiment sans savoir vraiment ce qui adviendra, et élitiste puisque trouver sa moitié d'orange, tout le monde en convient, c'est rare. Ou alors, ainsi que l'idée du bonheur démocratique , désacralisée, attentive au bien être du plus grand nombre, idée de Saint Just, si elle s'étend à la définition de l'amour, serait elle une autre approche plus proche de nos réalités?

En fait, RO en voulant non pas donner une définition de l'amour, mais explorer le sens moral du concept d'aimer, l'a étendu a toutes les formes, Dieu, le chocolat, mon mari, mes enfants, ma famille, et l'ensemble finit par être un peu obscur.

J'ai essayé malgré tout de faire un résumé de ce livre savoureux et qui pose plein de questions morales.
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