Elle avait toujours voulu des mots. Elle les aimait, ils l’aidaient à grandir. Les mots lui donnaient lucidité, raison et forme. Moi qui croyais que les mots gauchissaient les émotions comme les bâtons dans l’eau.
Ils découvrirent que l’amour était une civilisation, un pays qu’ils n’avaient pas encore atteint.
Sa vie avec les autres ne l’intéresse plus. Il ne veut que sa beauté hautaine, le théâtre de ses expressions. Il veut l’image secrète et minuscule qu’il y a entre eux, la profondeur de champ minimale, leur intimité étrangère, comme deux pages d’un livre fermé.
« Certains êtres sont comme des planètes. Je pense que tu en fais partie. Tu déranges, tu sèmes le désordre. Tu nous as désalignés. »
« Si je vous donnais ma vie, vous la laisseriez tomber, n’est-ce pas ? »
« Embrasse-moi. C’est de ta bouche dont je suis le plus purement amoureuse. De tes dents. »
Vois-tu, je pense qu’il est plus facile de tomber amoureux de lui que de toi. Pourquoi ? Pour la simple raison que nous voulons savoir des choses, savoir comment les pièces du puzzle s’emboîtent. Les bavards séduisent. Les mots nous mènent à des impasses. Nous voulons avant tout grandir et changer.
Il y a des moments où j’aime vraiment mieux parler que baiser. Des phrases. Par milliers. L’ennui avec les mots, c’est qu’à force de parler on finit parfois par se prendre tout seul à son propre piège. Ce qui ne risque pas d’arriver quand on baise.
Une histoire d’amour, ce ne sont pas des êtres qui perdent leur coeur mais plutôt des êtres qui découvrent cet habitant acariâtre qui, lorsqu’on se heurte à lui, laisse à entendre que le corps ne saurait tromper qui que ce soit, ni quoi que ce soit : ni la sagesse du sommeil, ni l’habitude des courbettes. C’est une destruction de l’être et du passé.
Rescapé de ses peurs et de sa propre paranoïa, il évitait tout ce qui aurait pu paraître suspect, mais répondait à son regard comme s’il se prétendait capable de faire face à tout.