Est-ce que c’est ça le deuil? Etre confronté au silence? Se fracasser constamment contre le mur de l’absence? Chialer tout en conservant l’espoir d’un miracle?
J'aime les mots, leur sens ancien, les passerelles que ça crée. L'impression d'un ordre, d'une cohérence, d'un enracinement, le seul qui tienne dans ce monde de folie.
Etre lu, c'est être caressé.
Et si l'imaginaire dopait les intuitions ?
La brûlure de l'alcool m'aida à soutenir son regard. Pourquoi se moque-t-on des garçons qui disent aux filles qu'elles ont de beaux yeux ? L'érotisme est dans le visage. Dans le dessin d'une lèvre, une fossette, le froncement d'un sourcil.
Les larmes sont inutiles aux morts.
À l'heure de la dépendance à l'immédiateté, l'information n'informait plus.
A l’heure de la dépendance à l’immédiateté, l’information devenait inactuelle : la suivre, c’était mourir d’essoufflement. Il fallait donc la devancer, couper par d’autres chemins moins autoroutiers. Etre buissonnier, peut-être pirate, proposer un regard, un ton, un style, des histoires différentes. Notre monde en regorgeait. Et le besoin de récits, d’oxygène narratif, n’avait jamais été aussi grand dans un monde paradoxalement rétréci par l’hypercommunication. Il fallait juste prendre le temps, écouter, en finir avec l’impatience qui épuisait, le désenchantement qui gagnait. Prendre de la hauteur ou voler sous les radars, avoir l’œil de l’aigle.
[...] - je pensais souvent aux attentats du 7 janvier, qui avaient tranché net l'existence des êtres les plus libres du monde, et, pour certains, les plus bienveillants, l'ami Georges par exemple. Était-il vrai qu'il avait fait aux tueurs, juste avant d'être fauché par le feu pathétique, un bras d'honneur ? J'aimais le croire.
Autour de moi il y a les autres pensionnaires de l'hôtel. Trois tables. Les conversations sont feutrées, les gens écoutent l'été, le bruit des insectes, la clameur sourde des vagues. On pourrait presque toucher le temps qui passe.