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Critique de SZRAMOWO


Privilège de l'âge, j'ai retrouvé dans les arrières rayons de ma bibliothèque une édition de LA VACHE ENRAGEE de Georges Orwell, dépôt légal 1935, imprimé en novembre 1957.
Il me souvient avoir acheté ce volume dans les années 1980.
Dans la somptueuse préface de Istrati Panaït, écrite à Bucarest en mars 1935 figure un avertissement dès la première ligne dont le lecteur se souviendra en fermant le livre, "Je ne sais pas quel est le genre des romans qu'écrit habituellement Georges Orwell, mais la Vache Enragée est une oeuvre rarissime à notre époque, principalement par la pureté de sa facture, je veux dire par l'absence totale de phraséologie littéraire."
Tout est dit dans ces quelques mots.
La situation dans laquelle se trouve alors le lecteur contemporain qui vient à la Vache Enragée après 1984 est l'exact contrepoint dee celle dans laquelle se trouvait Istrati Panaït, lui qui ignorait encore que l'auteur peu connu dont il préfaçait un ouvrage écrirait un jour 1984.
Et de conclure ""L'art littéraire retrouvera ce naturel-là, ou bien il mourra pour longtemps"
Il fallait que cela fut dit.
Le roman commence Rue du Coq d'Or à Paris à sept heures du matin, et se termine à l'asile de Lower Binfield à Cromley près de Londres.
Entre les deux, un parcours vertigineux chez les les chemineaux, les mendiants et les chômeurs.
"Le sujet de mon livre c'est la mouise, et c'est là que j'ai pris contact avec elle, pour la première fois."
Jules, le Roumain, Roucolle, l'avare, Furex le maçon limousin, le père Laurent, le chiffonnier, furent ses compagnons. Ses maîtres. Ses initiateurs à la débrouille.
Orwell décrit sans emphase mais avec une grande précision la vie au Coq d'Or, au bistrot du rez-de-chaussée de l'Hôtel des Trois Moineaux.
Madame Monce invective ses clients. La boulangère se soucie peu de vous couper un morceau de pain dont le prix dépassera les vingt sous que vous pouviez consacrer à cet achat. Et pour y parvenir Orwell travaille quatorze heures par jour à laver la vaisselle de la salle à manger.
Avec un sérieux que l'on a du mal à imaginer venant de quelquun qui est sous la contrainte permanente du temps, Orwell aligne les détails sur la façon dont se passe la plonge, les facéties des serveurs, la bonhommie apparente des bistrotiers qui sont de véritables négriers et la passivité des clients auxquels on fait avaler n'importe quoi dans la bonne humeur.
Cela sans compter les vingt-deux kilomètres parcourus chaque jour, et la fatigue "plus cérébrale que musculaire" nous dit Orwell.
"Il reste trente francs par semaine à dépenser pour boire."
Rien ne nous empêche de penser que la situation des serveurs aujourd'hui n'est guère plus enviable...
A Londres, la mouise est plus british...
"J'étais dans la rue avant qu'il me fut venu à l'esprit d'emprunter quelque argent."
Impossible pour Orwell d'attendre le retour de ses employeurs potentiels dans un mois, avec seulement une livre en poche.
Une seule solution, les asiles de l'Armée du Salut, qu'on ne peut fréquenter deux nuits de suite, le ramassage des mégots dans les rues avec l'Irlandais, les chants religieux obligatoires, l'observation des météores avec Bozo, toutes sortes d'occupation pour passer le temps et économiser sur le quotidien.
Vingt quatre kilomètres à pied plus loin arrivés à Cromley Orwell et son ami Paddy parviennent à un asile de nuit. Nouveaux compagnons, nouvelles histoires, mêmes regards portés sur eux par les villageois peu compatissants.
Leçon d'humanité.
"Jamais plus je ne considérerai tous les chemineaux comme des ivrognes et des coquins."
Un livre d'actualité malgré ses 85 ans...Hélas !

Lien : https://camalonga.wordpress...
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