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Michel Pétris (Traducteur)
EAN : 9782264030399
291 pages
10-18 (27/08/2005)
4.2/5   642 notes
Résumé :
A la fin des années 20, Orwell tombe brusquement dans la misère. À Paris puis à Londres, il découvre le quotidien des petits ouvriers et des laissés-pour-compte, tenaillés par la faim et rongés par l'alcool. Sans voyeurisme ni complaisance, il dresse un portrait vivant de ces habitués du mont-de-piété où l'espoir et l'infortune se livrent un duel épique.
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Critiques, Analyses et Avis (75) Voir plus Ajouter une critique
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A sa parution, malgré un bon accueil des critiques,"Dans la Dèche à Paris et à Londres" est presque un échec. le livre ne se vend presque pas.
En 1933, George Orwell n'est encore que Eric Arthur Blair, et il n'a publié, à Paris, que quelques articles dans "Monde"le célèbre journal d'Henri Barbusse.
Pourtant ce livre formidable,peut-être son meilleur, que l'on peut comparer au "Peuple de l'abîme" de Jack London, est déterminant dans l'oeuvre d'Orwell.
Il y raconte sa galère à Paris où il s'est installé pour écrire en 1928. A la frontière de la clochardisation, au fil de ses rencontres il brosse des portraits saisissants et un tableau social ahurissant.
"Voilà le monde qui vous attend si vous vous trouvez un jour sans le sou" dit-il, pour gagner quelque argent il devient, alors, plongeur pendant quelques semaines dans un hôtel de luxe de la rue de Rivoli. Et tout l'envers du décor nous apparaît, dans des descriptions implacables de la misère, de la détresse et de la saleté de ce prolétariat placé en semi-esclavage.
Puis Orwell reprend sa vie de vagabond et part pour Londres où il décrit la même misère retrouvée .
Ce livre est d'une puissance rare, Orwell trouve les mots justes pour rendre efficace la peinture qu'il réalise de la pauvreté, de la saleté, des ravages de l'alcool et de la maladie.
Il est, sûrement, à la base de toute l'oeuvre et de toute la pensée politique d'Orwell.
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Voici un ouvrage que j'aurais pu frôler sans le voir ...Mais , miracle ou hasard , les "godillots " bien " fatigués " de la couverture ont attiré mon regard avant de solliciter , quelques pages plus avant dans le livre , mon odorat plus prompt à s'émouvoir de leur " parfum "que de celui des cêpes qui , aux dires de certains , commencent à pointer leur nez dans les bois .
Bon , je reprends , des godasses , de vulgaires godasses et me voilà en marche ( ! ) dans une ville de Paris , " la ville lumière " qui ne veut et ne voudra jamais de moi au point que je regagnerai la merveilleuse ville de Londres ...qui ne m'accueillera pas mieux ....
Vous aimez Dickens , Hugo et les Misérables ? Oui . ben cherchez plus , vous êtes tout à fait où il faut .La cour des miracles vous tend les bras.Logements insalubres , privation de nourriture , visites jusqu'à " plus rien " au Mont de Piété , mépris , bagarres , moral " en berne " , pas " dans les chaussettes ", hein , à cause de l'odeur .La dèche , vous êtes dans la dèche jusqu'au cou et votre seule consolation est d'y croiser plein de compagnons d'infortune qui ont juste eu le malheur de râter le bon wagon , ceux dont les vies cabossées cachent leur désarroi sous de fausses espérances . Espérer ou mourir.
Cela fait bien longtemps que je n'avais pas été aussi englué dans des pages et des pages au coeur du pire de la condition humaine .La puissance descriptive est incroyablement forte , puissante , émouvante .On avance , on tourne les pages sans que le moindre rayon de soleil ne perce cet univers de misère . La description du travail dans les hôtels parisiens est sublime , criante de vérité , tout comme les hébergements dans les établissements d'accueil des sans- abri en Angleterre .
Le mépris côtoie des scènes d'amitié ou de désespoirs extraordinairement bouleversantes .Il ne se passe pas forcément grand chose sinon ce lancinant et vain " Comment vais je m'en sortir?". Aujourd'hui .....un combat sans fin.
Pour l'auteur , ça s'est arrangé , on le sait .Oui , je vous ne l'ai pas dit , ça se passe au début du siècle dernier...Ouf.La dèche , ça n'existe plus , de nos jours , aujourd'hui , tout le monde baigne dans l'opulence.....
Excusez moi , j'ai dit une bêtise . Mais pourquoi s'émeut on autant de l'atmosphère de ce roman alors qu'aujourd'hui encore , dans les rues de Paris ou ...de Londres....
Pour moi , ce livre est un vrai chef d'oeuvre , l'écriture au service d'une telle ambiance est simplement somptueuse .C'est un extraordinaire voyage dans le monde de la misère et des miséreux , un témoignage sans concession qui se lit avec avidité et dans lequel , malgré une légère
fausse impression de redondance , on attend ...on attend ...comme certains ont attendu Godot .
A bientôt.
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En 1929, George Orwell, à court d'argent après avoir renoncé à l'uniforme de la police impériale qu'il portait en Birmanie, se retrouve à faire la plonge dans un hôtel parisien, avant de gagner Londres dans l'attente d'un travail plus rémunérateur.
Les deux parties du livre sont très différentes. À Paris, la misère contre laquelle il se débat nous vaut un récit rageur qui conjugue la faim et la débrouille. Orwell doit subsister avec 6 francs par jour et découvre qu'il est effectivement possible de vivre ainsi, mais à condition de ne penser qu'à ça, avec une volonté à la fois tendue et rabougrie de ne pouvoir se porter sur une quelconque ambition qui ne soit survivre: "un homme qui a passé ne serait-ce qu'une semaine au régime du pain et de la margarine n'est plus un homme mais uniquement un ventre, avec autour quelques organes annexes."
La grande corporation des pauvres ne songe donc qu'à trouver un lit et de la nourriture et déploie pour ce faire une inventivité sidérante: les uns vendent des vues de la tour Eiffel dans une enveloppe close pour les écouler au prix d'images pornographiques; d'autres se font passer pour une organisation communiste clandestine prête à rétribuer des articles subversifs si tant est que le futur journaliste verse d'abord sa cotisation.
Avoir un travail permet de se sortir de la mouise, mais au prix d'une vie de forçat, de 60 à 100 heures de labeur par semaine. "La femme que je remplaçais avait bien la soixantaine et elle restait rivée à son bac à vaisselle, treize heures par jour, six jours par semaine, toute l'année durant. [...] Cela faisait une curieuse impression de voir que, malgré son âge et sa condition présente, elle continuait à porter une perruque d'un blond éclatant, à se mettre du noir aux yeux et à se maquiller comme une fille de vingt ans. Il faut croire que soixante-dix-huit heures de travail par semaine ne suffisent pas à étouffer toute envie de vivre chez l'être humain."
La description du travail effectué pour faire tourner un restaurant est absolument épique. Dans cette Iliade des cuisines, des héros s'échinent à finir une besogne toujours à recommencer: "Entre minuit et minuit et demi, je faisais de mon mieux pour tâcher de finir la vaisselle. le temps manquant pour faire un travail convenable, je me contentais d'essuyer la graisse qui restait au fond des assiettes avec des serviettes de table. Quant au sol, je le laissais dans l'état où il était ou prenais un balai pour expédier le plus gros de la saleté sous les fourneaux. [...] En général, j'étais au lit à une heure et demie du matin. Il arrivait que je manque la dernière rame, et je devais alors dormir par terre dans le restaurant. Mais je n'en étais pas à ça près : à pareille heure, j'aurais dormi sur les pavés."
À Londres, en revanche, Orwell, qui sait que la vache enragée va bientôt se terminer pour lui, se contente d'aller d'un asile de pauvres à un autre en attendant le retour de son futur employeur. le texte devient un reportage, embedded, certes, mais un reportage tout de même, qui étudie l'argot spécifique à la classe ouvrière ou propose un plan propre à améliorer le système des asiles de nuit. C'est loin d'être inintéressant mais le ton plus distancié n'a pas la même force.
Cette expérimentation de la dèche a bien sûr une importance Kapitale dans la gestation des idées socialistes d'Orwell; sa réflexion sur le sens du travail, notamment, vaut le détour.
Il est d'autant plus effrayant de lire sous la plume de cette figure de la gauche anti-stalinienne autant de références antisémites. Avec le plus grand naturel, Orwell signale que les Juifs (qui n'ont jamais d'autre identité) volent plus malheureux qu'eux et vendent leurs propres filles: "Fie-toi à un serpent plutôt qu'à un Juif".
La répétition tranquille de ces horreurs (35 occurrences, quand même !) donne à cette révolte contre la misère prolétaire un goût plus qu'amère que les désordres de notre temps ne risquent pas d'adoucir.
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La dèche-pas d'argent- à Paris et à Londres. Il est certain qu'Orwell a connu des moments très difficiles et a mangé de la vache enragée avant de vivre de ses écrits.
Ce récit autobiographique commence dans un hôtel miteux à Paris. Orwell n'est pas encore dans le besoin - il a payé sa semaine - mais il sent qu'il est temps de trouver un travail.

Or, ce n'est pas si facile car la crise est là. Dans ses démarches, il va faire la connaissance de Boris, un Russe Blanc, sans le sou- comme lui- car déchu de ses privilèges en ayant fui la Révolution. Ensemble, ils vont faire la tournée des hôtels pour espérer faire la plonge.
Dans cette dèche, des moments dantesques : que ce soit au fond des cuisines d'un grand hôtel avec un Italien, Mario, à bosser 17h/jour ou dans une chambre, quelques jours sans manger ou encore avec les vagabonds sifflant les pieuses personnes venant prier pour eux...

Malgré sa sinistre position, vivant au jour le jour, on « visite » Paris et Londres  avec l'humble Mister Orwell: le Mont-de-Piété, l'East End (oui et ,25 ans après « Le peuple d'en-bas » de Jack London, rien n'a changé !) et quelques hospices ou lodging houses (-10 étoiles ceux-là because les cafards, la vermine et la puanteur).
Ce témoignage d'un grand écrivain qui a vécu dans la misère à Paris et à Londres dans les années 1930, comme celui de Jack London, souligne le peu de cas que l'on fait des gens tombés dans la misère. Orwell précise que l'argent qu'on leur donne par charité (à l'embankment) est très vite perdu pour un logement indigne ou en nourriture insuffisante : le fameux « thé-deux tartines ».

J'ai aimé la colère de London mais j'ai trouvé que l'humilité d'Orwell portait tout aussi bien l'engagement du message.
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Paru en 1933, « Dans la dèche à Paris et à Londres » peut de prime abord se lire comme un récit autobiographique dans la mesure où George Orwell nous y narre par le menu ses pérégrinations au coeur de la pauvreté parisienne puis londonienne. Pourtant, l'auteur n'a de cesse de digresser ici et là, de prendre de la hauteur, et même de formaliser des propositions qui permettraient d'améliorer le sort des plus pauvres. S'il n'en a pas la rigueur formelle, l'ouvrage peut ainsi également se lire comme un essai comparatif consacré à la manière dont est vécu le dénuement dans les deux grandes capitales européennes.

Dans la première partie, Orwell revient sur les quelques semaines passées à Paris au début des années trente, où il parvient tout juste à joindre les deux bouts en travaillant comme un forçat dans l'hôtellerie. Dans la seconde partie, l'auteur rejoint Londres où il partage l'existence des trimardeurs, ces hommes à la limite de la clochardise, qui vivent d'expédients et battent le bitume pour rejoindre chaque nuit un « asile » qui les accueillera dans des conditions proches du cauchemar.

L'auteur n'est pas absolument explicite à ce sujet mais on devine qu'il s'est imposé de partager les conditions de vie des plus précaires afin de pouvoir les relater en toute objectivité. Avant d'écrire la dystopie anti-totalitaire la plus célèbre de la littérature, on peut ainsi se demander si Orwell n'a pas inventé le journalisme gonzo, formalisé plusieurs décennies plus tard par Hunter S.Thomson, l'auteur du génial « Las Vegas Parano ». Écrit à la première personne, « Dans la dèche à Paris et à Londres » est une plongée forcément subjective dans la pauvreté effarante des années trente à Paris puis à Londres.

Malgré la rudesse de son travail de plongeur dans un grand hôtel parisien, la première partie est plus joviale et moins monotone que la seconde où l'auteur mène une vie de « cheminot » londonien. Orwell loue une chambre de bonne vétuste, est constamment à court d'argent, travaille jusqu'à 17 heures par jour, et pourtant un tumulte joyeux et souvent alcoolisé l'emporte sur la misère. L'auteur y rencontre une multitude de personnages hauts en couleur, souvent immigrés, pour la plupart des russes blancs fuyant la révolution bolchevique. L'inénarrable Boris devient le compagnon d'infortune d'Orwell, n'est jamais à court de projets et fait preuve d'un inaltérable optimisme qui confine à la folie douce. Il entraine notamment le narrateur dans l'ouverture aventureuse d'un restaurant « chic », qui verra ce dernier, employé comme homme à tout à faire, finir par jeter l'éponge et se décider à rejoindre Londres.

Le volet parisien de l'ouvrage nous décrit une capitale tumultueuse, pittoresque, et pleine de vie malgré l'incroyable pauvreté dans laquelle se démène une foule aussi indocile qu'industrieuse. le volet londonien est plus sombre et plus miséreux encore : Orwell y arrive sans le sou et ne survit que grâce à l'argent offert par un ami. Il n'y trouve pas de véritable emploi et partage la quotidien des trimardeurs, qui sont sans cesse sur la route, car le règlement des « asiles » leur interdit de rester plusieurs nuits d'affilée. Si l'auteur y côtoie la misère, la vraie, ce second volet n'est jamais misérable, sauvé par l'humour décapant de ses compagnons d'infortune, pour la plupart illettrés et à la santé trop souvent précaire. Il est interdit de mendier et de dormir sous les ponts. Les pauvres hères sont ainsi condamnés à exercer des activités improbables de peintres de rue, de chanteurs ou de photographes itinérants tout en cherchant sans cesse le gîte qui pourra les héberger pour la nuit à venir. Entre deux nuitées mouvementées, ils tentent de se sustenter auprès d'organismes religieux qui leur offrent un repas en échange d'un sermon assommant ou de la participation surréaliste à une prière de groupe.

« Dans la dèche à Paris et à Londres » est un livre d'une étonnante sincérité, d'un homme éduqué qui a délibérément choisi de partager la condition des plus démunis, et nous narre dans le détail une plongée terrifiante au coeur des ténèbres de la misère. le contraste entre le tumulte industrieux de l'épisode parisien et la triste monotonie de l'épisode londonien est saisissant. Et pourtant, l'aspect plus touchant d'un ouvrage qui côtoie la misère sans jamais sombrer dans le misérabilisme, est la dignité, la pointe d'auto-dérision, la profonde humanité des hommes et des femmes que fréquente George Orwell durant son séjour au sein des bas-fonds, quel que soit le côté de la Manche où ils se trouvent.
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Citations et extraits (105) Voir plus Ajouter une citation
Si vous parlez à un riche n’ayant pas abdiqué toute probité intellectuelle de l’amélioration du sort de la classe ouvrière, vous obtiendrez le plus souvent une réponse du type suivant : « Nous savons bien qu’il n’est pas agréable d’être pauvre ; en fait, il s’agit d’un état si éloigné du nôtre qu’il nous arrive d’éprouver une sorte de délicieux pincement au cœur à l’idée de tout ce que la pauvreté peut avoir de pénible. Mais ne comptez pas sur nous pour faire quoi que ce soit à cet égard. Nous vous plaignons - vous, les classes inférieures - exactement comme nous plaignons un chat victime de la gale, mais nous lutterons de toutes nos forces contre toute amélioration de votre condition. Il nous paraît que vous êtes très bien où vous êtes. L’état des choses présent nous convient et nous n’avons nullement l’intention de vous accorder la liberté, cette liberté ne se traduirait-elle que par une heure de loisir de plus par jour. Ainsi donc, chers frères, puisqu’il faut que vous suiez pour payer nos voyages en Italie, suez bien et fichez nous la paix. »
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Les mendiants ne travaillent pas, dit-on. Mais alors, qu’est-ce que le travail ? Un terrassier travaille en maniant un pic. Un comptable travaille en additionnant des chiffres. Un mendiant travaille en restant dehors, qu’il pleuve ou qu’il vente, et en attrapant des varices, des bronchites, etc. C’est un métier comme un autre. Parfaitement inutile, bien sûr – mais alors bien des activités enveloppées d’une aura de bon ton sont elles aussi inutiles. En tant que type social, un mendiant soutient avantageusement la comparaison avec quantité d’autres. Il est honnête, comparé aux vendeurs de la plupart des spécialités pharmaceutiques ; il a l’âme noble comparé au propriétaire d’un journal du dimanche ; il est aimable à côté d’un représentant de biens à crédit – bref c’est un parasite, mais un parasite somme toute inoffensif. Il prend à la communauté rarement plus que ce qu’il lui faut pour subsister et – chose qui devrait le justifier à nos yeux si l’on s’en tient aux valeurs morales en cours – il paie cela par d’innombrables souffrances. Je ne vois décidément rien chez un mendiant qui puisse le faire ranger dans une catégorie d’êtres à part, ou donner à qui que ce soit d’entre nous le droit de le mépriser. (P. 236)
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Nus et frissonnants de froid, nous nous alignâmes dans le couloir. Il est impossible d’imaginer à quel point nous avions l’air de misérables déchets d’humanité, plantés là dans l’impitoyable lumière du matin. Les nippes d’un trimardeur n’ont sans doute rien de bien ragoûtant, mais ce qu’elles dissimulent est infiniment pire. Pour voir l’homme tel qu’il est, hors de tout faux-semblant, il faut le voir nu. Pieds plats, bedaines sorties, poitrines creusés muscles flasques - tous les stigmates de la déchéance physique était là. Il n’y avait pratiquement personne qui ne fût sous-alimenté, et certains étaient visiblement malades. Deux hommes portaient des bandages herniaires, et quand au pauvre vieillard à figure de momie, on se demandait comment il parvenait encore à marcher toute une journée. A voir nos visages mangés par la barbe et nos traits tirés par l’insomnie, on eût juré que nous relevions tous d’une semaine de cuite ininterrompue.
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C'est un spectacle très édifiant que celui du garçon faisant son entrée dans une salle à manger d'hôtel. Au moment où il franchit le seul, une soudaine métamorphose s'opère en lui. D'un seul coup, ses épaules se redressent et toute la crasse, l'irritation et l'énervement accumulés s'effacent comme par magie. Il glisse sur le tapis avec l'onctuosité d'un prêtre se disposant à officier. Je revois encore notre second maître d'hôtel, un bouillant Italien, s'arrêtant un jour devant la porte de la salle à manger pour s'en prendre à un novice qui avait cassé une bouteille de vin. Le poing brandi au-dessus de la tête, en train de hurler (la porte était par bonheur suffisamment capitonnée pour arrêter les éclats de voix ) :
«  Tu me fais chier ! Et tu voulais te prendre pour un garçon, petit saligaud ? Laisse moi rire ! Ça, un garçon ! Mais on ne voudrait même pas de toi pour frotter les planchers du bordel d'où est sortie ta putain de mère ! Maquereau va ! »
Ne trouvant plus de mots assez forts, il se tourna vers la porte et, au moment d'en franchir le seuil, lâcha un vent sonore comme aiment à le faire les Italiens quand ils veulent marquer toute l'étendue de leur mépris.
Puis il s'avança à travers la salle, un plat à la main, évoluant avec la grâce onctueuse d'un cygne. Dix secondes plus tard, il s'inclinait cérémonieusement devant une table. Le voyant faire, on ne pouvait s'empêcher de penser que c'était le client qui devait rougir de confusion à l'idée de se faire servir par un tel aristocrate.
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Si l'on se tourne vers les plongeurs, c'est encore une nouvelle chanson. Ils sont astreints à un travail épuisant, qui n'offre aucune perspective d'avenir, qui ne requiert aucune qualification spéciale et qui n'est guère propre à susciter l'enthousiasme. Le type de travail que l'on confierait volontiers à des femmes, si celles-ci étaient assez résistantes pour le faire.
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