Le devoir de violence de Ouologuem est assez déroutant car il n'est pas homogène On trouve d'une part pour la majeure partie de la narration une fresque pseudo historique avec en personnage principal un roi Saïf le énième grand manipulateur de Blancs et de noirs dans son royaume imaginaire du Nakem et d'autre part quelques récits de personnages secondaires un peu éthérés mais poignants , parenthèses dans le récit, et enfin une histoire d'amour entre un blanc et un noir
Sans parler de l'affrontement final idéologique de Saïf et l'évêque Henry
En outre sur la forme il fait appel à un érotisme assez violent et très cru, très présent tout au long du récit
Même si ces personnages appartiennent tous à l'épopée on a du mal à en comprendre l'agencement et le sens car les plans n'ont pas la même valeur
Ce livre est intéressant à plusieurs titres Il montre que l'esclavage e ne résulte pas d'une innovation des blancs mais était bien ancré dans la culture africaine, perpétué par les arabes dans un premier temps, africains animistes et ensuite musulmans et repris ensuite par les blancs avec un rendement meilleur Que cela soit dit dans les années 1960/70 est surprenant
Ensuite Ouologuem construit un texte écrit sur une histoire orale , l'oralité des griots africains, en conservant des termes de l'oralité notamment les références religieuses, les bénédictions, remerciements ou louanges à dieu sans que cela nuise au récit et l'alourdisse excessivement
Enfin Une vue nouvelle de l'Afrique, tout au moins pour l' aristocratie, participant allègrement à son édification avec les bons et les moins bons procédés. L'apparente docilité de ses élites n'étant que ruse pour laisser croire à l'occupant à sa supériorité mais elles profitent pour s'enrichir honteusement sans états d'âmes. le dindon de la farce étant le peuple noir appelé sans ménagement la négraille trop crédule et facilement manipulable sous l'emprise des sorciers et autres vaticinateurs. Ouologuem fait la part belle à l'Afrique
On trouve en
Yambo Ouologuem me semble-t-il non pas tant une volonté de parler de négritude voire négraille qu'il utilise au sens de populace noire avec laquelle il n'est pas indulgent, mais une volonté d'orienter sa critique vers la bipolarité du riche et puissant et du pauvre
Pas de critique horizontale mais une critique verticale Les maux de l'Afrique sont de l'ordre de « la lutte des classes » comme partout ailleurs. le puissant, qu'il soit noir ou blanc ne change rien à l'affaire, domine et exploite son peuple et s'il trouve plus fort que lui le blanc par exemple il s'associe pour partager les bénéfices. En jouant habillement comme c'est le cas de Saïf le énième , sur les ressentiments des uns et des autres il assoie son pouvoir et fraternise avec ses pairs Il a plus d'affinité avec un blanc puissant qu'avec sa négraille!
Cet écrivain est subversif et on comprend qu'il ait déplu le problème de plagiat survenu ensuite étant de la poudre aux yeux qui jette le discrédit sur l'homme, l'écrivain « noir » et non pas écrivain tout court et plus prosaïquement peut-être pour des raisons financières. Les plagiés n'étant intervenus que sous la pression des dénonciateurs et encore sans polémiquer Affaires d'éditeurs ?
Schwarz-Bart l'un des écrivains plagié disait « L'utilisation faite du Dernier des Justes ne me gêne en aucune manière… Ainsi donc Monsieur Ouologuem n'est pas mon débiteur, mais moi le sien ».
Il ajoute « Pour la première fois, on voit naître une littérature africaine francophone, débarrassée des complexes blancs. Il ne faut rien faire pour la décourager. Ces raisons me paraissent pertinentes. » de la part de quelqu'un qui dénonçait l'exploitation de « l'homme » c'est un compliment pour Ouologuem et cela semblait constituer une invite à suivre ses traces
Un livre en avance sur son temps sans doute et plutôt courageux imprégné du grand fatalisme des peuples du sud mais il est difficile de comprendre ce qui a séduit à l'époque les jurés du prix Renaudot