La chair est triste hélas

« L’intello du porno », quel malaise quand on y pense, tout le monde avait l’air de trouver extraordinaire qu’on puisse baiser et penser à la fois, preuve décidément qu’une femme doit choisir son camp entre accepter d’être réduite à sa corporéité et produire du discours, qu’elle ne peut être objet et sujet à la fois.

De nouveau, je ne peux m’empêcher de penser à tout ce temps perdu, toutes ces heures cumulées de baise minable, à toute cette énergie gâchée, à tout ce que j’aurais pu faire à la place. J’ai l’impression d’avoir sacrifié des pans entiers de ma vie et j’enrage en me rendant compte qu’on ne me les rendra jamais.

Depuis, je cherche partout mon frère sans jamais parvenir à le retrouver. (...) J'attends, inconsciemment, le jour où il ressuscitera pour venir me chercher et me glisser sous son aile. Où il me protègera contre la violence du monde, là où j'ai échoué à le protéger. Mais mon frère ne reviendra pas, je dois m'y résoudre. Je dois cesser de l'attendre, de le guetter à chaque coin de rue. Il est parti, désormais je dois vivre pour deux, pour lui.

Sans le vouloir, j'ai peut-être fait de mon corps le mausolée de mon frère.

Même mes chiens sont mieux traités que moi.

J’aurais souhaité exister plutôt par et pour moi-même, sans être parasitée par ce flot d’injonctions. Maintenant que j’ouvre les yeux, je comprends enfin à quel point j’ai été prisonnière d’un syndrome de Stockholm à grande échelle, d’un monde insensé où on ne peut s’empêcher de désirer l’oppresseur et de lui rester éternellement subordonnées.

La beauté et la soumission sexuelle sont les seules choses que nous ayons à monnayer contre une bonne situation ou contre un capital social, une particule ou un poste, et pourquoi pas contre des papiers, puisque les hommes sont prêts à croire, en toute bonne foi, qu'une jeune fille de la moitié de leur âge, rencontrée en Thaïlande, pourrait tomber amoureuse de leur gros bide. Leur capacité à se mentir à eux-mêmes me fascine.

Si j’étais présidente, j’imposerais à tous les hommes hétéros de se faire épiler la raie du cul une fois de temps en temps, histoire de leur rappeler que ce qu’ils attendent de nous est d’un absolu sadisme. Je les ferais marcher des kilomètres dans les couloirs du métro Châtelet avec des chaussures trop hautes pour se mouvoir sans claudiquer, je leur ferais porter des vêtements sans poches, je les obligerais à se lever une heure plus tôt pour nettoyer leur visage à l’eau micellaire, appliquer un sérum, mettre de la crème, de la poudre, du fard à paupières, du mascara, ah merde j’ai un bouton, où est passé l’anticerne ?, du rouge à lèvres, et maintenant c’est au tour des cheveux, ça n’en finira jamais cette comédie.

Depuis que le monde est Monde, les femmes échanges le sexe contre quelque chose. (…). Elles ne baisent jamais totalement gratuitement avec les hommes et ce pour une simple raison : les hommes hétéros baisent mal.

Au fond aujourd'hui, je crois que je ne veux rien de plus que quelqu'un avec qui partager mes états d'âme, qui me raconterait sa journée et à qui je raconterais la mienne, quelqu'un que je n'aurais pas besoin de voir tous les jours, qui respecterait mes silences et ma distance, comme je respecterais les siens. Quelqu'un à qui penser, quelqu'un sur qui compter.

La douleur du chagrin d'amour est si violente qu'elle peut nous plonger dans une détresse émotionnelle capable de nous couper tote envie de vivre.

Je pressens aussi que ce texte me coûtera violences et menaces, parce que les hommes ont horreur des femmes qui se refusent à eux et qu'ils ne peuvent posséder. C'est la raison pour laquelle ils manifestent une haine viscérale à l'égard des lesbiennes et agressent les femmes qui portent un voile : elles affichent leur indisponibilité.
Et ça leur est insupportable. L'idée que leur bite ne leur soit d'aucune utilité dans certaines situations leur est intolérable. Que ces femmes-là leur soient inaccessibles, tandis qu'ils aimeraient jouir de chacune, sans restriction. Comme des enfants capricieux dont le fantasme serait de posséder tous les jouets du monde.