La malédiction du deuxième opus, sans doute. Ce n'est pas la première fois qu'après avoir chaviré à la lecture d'un auteur que je découvrais, je suis déçue en lisant un nouveau livre de ce même auteur. «
L'Homme qui aimait les chiens » m'avait estomaquée, et cette
poussière dans le vent est loin de m'avoir provoqué le même effet.
Bon, j'aurais dû me méfier. J'ai écouté « Dust in the wind », et j'ai reconnu une bluette mièvre que je n'aurais jamais mise dans mes play lists. Et finalement, le roman de Padura a cette même tendance à ne parler de ce qui fâche ou qui inquiète que pour mieux célébrer les vertus consolatrices de la chansonnette ou du roman feel good.
Évidemment, si tous les livres décevants étaient à la hauteur de celui-là, le monde ne s'en porterait que mieux. Mais le grand roman sur la fin des illusions castristes reste encore à écrire.
Le « Clan » s'est dissous à force de départs. Ils étaient vaillants, prêts à construire le monde idéal: mais tous ou presque ont fini par quitter Cuba pour conjurer la peur, la faim, et surtout pour ne plus se heurter à l'impuissance, à l'incapacité de se forger un avenir dans un pays qui se délite après la chute de l'URSS et la fin des subsides apportées par le pays frère.
Exilés de l'intérieur ou exilés qui vivent (plutôt bien) à l'étranger, tous ont en partage la même mélancolie devant le fiasco cubain, la même nostalgie d'un temps où tout semblait possible.
Et c'est là, à mon avis, le meilleur de ce roman que la quête d'une vie meilleure, tous les expédients nécessaires pour partir, pour manger; tous les remords des privilégiés qui ont déserté leur patrie (laquelle leur a donné des compétences mais aucun moyen de les exprimer) ou trahi la cause en trafiquant et en profitant d'un système corrompu.
Mais «
Poussière dans le vent » se veut aussi la chronique d'une amitié inaltérable, qui résiste à toutes les épreuves; un clan que ne renieraient pas Rachel, Phoebe, Ross et consorts et qui fonctionne sur le même principe de retrouvailles immuables malgré les dissensions - et de plus en plus larmoyantes.
Et surtout, Padura transforme son roman en demi-polar, en utilisant toutes les ficelles du genre mais sans que la résolution des mystères soit un véritable enjeu. Alors, comment est mort Walter? (On s'en fiche un peu) Qui est le père d'Adela? (On s'en cogne total) D'ailleurs, Padura semble conscient du peu de suspens créé puisqu'il multiplie les prolepses, genre « Ils ne savaient pas encore à quel point cette mort allait être le point de départ d'événements tragiques dont ils ne se relèveraient jamais. » Ah, pardon, j'ai retrouvé une des occurrences: « Et, par la suite, il se dirait que tout ce qu'il avait vu et senti durant les secondes de silence provoquées par Horacio formait le stade ultime d'une vie quotidienne simple qui s'évanouirait à jamais quand son ami finit par lâcher la bombe. » Oui, ben, c'est à peine mieux. La prolepse, l'arme ultime du roman mal fichu.
Bref, le monde est tragique, surtout pour les Cubains, mais l'amitié et la famille font que la vie vaut tout de même la peine d'être vécue. C'est la morale gentillette et simpliste de ce roman, à laquelle j'aurais aimé échapper.