Depuis le temps que je voulais découvrir cet auteur, j'ai enfin lu mon premier Padura ! Avec une couverture pareille, il faut dire, comment résister ?
J'avais pourtant mal négocié mon départ... Si le héros, Conde, ancien flic à la retraite voyant approcher avec une certaine fébrilité le jour fatidique de ses 60 ans, apparaît d'emblée sympathique et attachant, les maints tours et détours qu'il emprunte avant d'entrer dans le vif du sujet ont clairement mis ma patience à l'épreuve. Néanmoins, comme, en matière de lecture tout du moins, je suis douée d'une certaine capacité d'endurance, j'ai persévéré... et bien m'en a pris !
Car, au-delà de la quête de la vierge noire qui a été dérobée à son propriétaire par le jeune amant de celui-ci et qui est au coeur de l'intrigue, ce qui fait pour moi l'intérêt et l'attrait de ce roman, c'est l'ambiance qui s'en dégage et le tableau qu'il brosse de Cuba. de Cuba aujourd'hui. Loin des décors de carte postale et des images romantiques d'un peuple dressé contre l'impérialisme américain, Padura évoque la manière dont le régime castriste a profondément et durablement modelé la population.
Depuis
Obama, les relations entre Cuba et l'Amérique se sont «normalisées». Les Cubains peuvent désormais sortir de leur pays sans risquer leur vie sur des embarcations de fortune, comme Jesus Diaz, notamment, l'avait en son temps décrit avec talent et non sans humour dans un excellent roman (Parle-moi un peu de Cuba, chez le même éditeur) ; ils peuvent également se procurer sur leur île les biens de consommation que l'on trouve partout ailleurs dans le monde.
Enfin ça, évidemment, c'est la théorie. Parce qu'en pratique rares sont les Cubains ayant les moyens de s'offrir un téléphone portable ou de s'attabler dans l'un des restaurants à la mode qui ont désormais pignon sur rue. Bien au contraire, ce pays qui avait cru pouvoir éradiquer les inégalités a vu se creuser des écarts abyssaux entre des individus ayant réussi à s'enrichir grâce à toutes sortes de trafics et ceux vivant dans des bidonvilles propres à faire frémir les Cubains les plus endurcis.
Quant à quitter son pays, même si le rêve semble désormais accessible, tourner le dos à sa famille, à ses amis, à ses habitudes est une décision qui ne va pas de soi. Surtout lorsqu'on est né sous le régime de Castro et qu'on n'a jamais eu le loisir d'avoir à effectuer le moindre choix. Partir ou rester, décider de donner telle ou telle orientation à sa vie est une option dont ce peuple a été trop longtemps privé pour pouvoir à présent facilement exercer cette liberté. Choisir est sans doute l'une des choses qui semblent aux personnages de Padura les plus difficiles à faire. Et, à lire l'écrivain, l'apprentissage de cette faculté qui nous semble si évidente et si élémentaire nécessitera peut-être encore de nombreuses années... Et c'est sans compter les contraintes économiques qui restreignent bien souvent le champ des possibles...
Lien :
https://delphine-olympe.blog..