Je lui donnais la main. Elle allait sur ses quatre ans, elle entrait dans le hall avec cette démarche étrange qui était devenue la sienne, cette démarche clopinante, et qui la fois m'inquiétait et me consolait. Cette façon de marcher en évitant certains mouvements c'était bien elle, cette petite, contourner la douleur et ma foi, je lui reconnaissais cette faculté de se tordre, contourner, s'adapter, avec une intelligence du corps que je n'avais jamais eue.
Je crois bien que c'était elle qui me tenait la main.
Les mots, je crois bien que ça peut remplacer les fils pour les sutures de plaies. Mais trouver les mots c'est bien plus dur que la couture, que passer le fils dans le chas.
Elle me dit, ça ne servira à rien de dire non? ils ne t'entendront pas, ils ne t'écouteront pas.
Comme si mes pas imprimaient les mots quelque part, mais où, je ne sais pas; pas dans la terre des vignes; mais dans une matière invisible autour de moi....Je marche, le vent d'automne remue les rosiers au bout des rangées, je pose mes pensées, elles ne se rembobinent plus, elles sont écrites, inscrites, je me souviens d'elles..."