Citations sur Autoportrait (11)
Écrire n'est pas peindre, et pourtant il s'agit toujours d'apparition. Mais un visage pâle et hagard,pas plus qu'un outil mouillé devant la glace ne se paie pas de mots.
"Enfin je vais pouvoir me livrer au blanc et noir qui est ma passion",se réjouit Degas.Et Vincent Van Gogh: "Exprimer la pensée d'un front par le rayonnement d'un ton clair sur un fond sombre."
Faire son portrait craché : qui crache ,et comment ? Et qui trouvera une quelconque distraction à lire un auteur se raconter sans prendre la peine de se regarder ? (p.103)
L'autoportrait n'est qu'une éternelle tentative de débuter : au commencement était l'image.(p.143)
Je ne sais pas parler du monde qui m'a mis au monde.(p.49)
Le train repart brusquement, et la nuit efface tout d'un trait d'éponge (...)
Nous survivrons. Nous vivrons. Nous croiserons une autre vie. Sans gare.Sans quai.Sans horaire. Sans salle d'attente. Sans néons. Sans rails.Sans trains.Sans passagers. Nous dégringolerons un chemin caillouteux, bordé de ronces et d'herbes hautes,jusqu'au bord d'une rivière, devant les arbres qui ouvriront leurs arbres au ciel.Et là, soudain nous reviendrons à nous-mêmes, à ce mince espoir d'être nous-mêmes. (p.23)
Ce sont eux (artistes),néanmoins, qui ont farfouillé dans la figure humaine, depuis les parois des grottes jusque sur ces pauvres feuilles sur lesquelles s'acharnait Louis Soutter.La figure humaine est réapparue sous mille formes devenues mille styles.(p.140)
Mais l'autoportrait,encore une fois,est un art du silence.Il ne peut rapporter qu'un visage précis, étourdi, une grimace délibérée ou involontaire-même si Bram Van Velde rétorque : " Peindre,c'est chercher le visage de ce qui n'a pas de visage."
Le décor d'un visage et sa posture sont toujours troublants.Le corps se dresse devant le miroir et le miroir devient le voyeur .(p.132)
Les mots n'ont que faire d'un benêt romantique dans mon genre et de son odeur de renfermé. Tant mieux. Je hais le timide qui me dévore de l'intérieur. Je conspue le jeune homme que je suis.Je ne sais ni nager ni me distraire.Je me tais,je rêvasse, je m'évapore.Qu'est-ce qui me tient en vie ? (p.48)
Louis Soutter a aussi dessiné des feuillages, des fleurs,des éléments d'architecture, qui saturent le papier.Il ne s'est pas représenté. L'autoportrait, dans sa forme avouée, lui est étranger, comme il s'est montré étranger à lui-même. Son œuvre,et la malédiction qui l'habite, n'est qu'une variation sur le thème de son propre effacement du monde,sa mise à l'écart, plus ou moins acceptée, de la vie sociale.(p.135)
La grandiloquence de la nature,la montagne par exemple,avec ses cirques de roches suspendues et ses vagues de fleurs tournoyantes dans le vent,nous ramène à une insatisfaction comparable : elle est à nous,ruisselante et offerte sans pour autant nous appartenir.(p.65)
Toute peinture est un autoportrait.Elle est d'ailleurs le seul art qui en soit vraiment capable,et qui ne soit capable que de cela. Un trait vertical est un homme en marche ou un visage,un trait couché un paysage.Et tout paysage est un portrait.
Degas s'insurgea contre Amiel déclarant qu'un paysage est un "état d'âme ".Il trouva l'expression prétentieuse, et lui préféra des "états d'yeux".Pour un peintre alors presque aveugle,la remarque était bouleversante,quoique discutable.(p.116)