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Manifeste incertain tome 7 sur 9
EAN : 9782882505330
320 pages
Noir sur blanc (18/10/2018)
4.03/5   17 notes
Résumé :
Nous partons virtuellement pour le Massachusetts et voyageons réellement en Russie – à Saint-Pétersbourg, à Moscou, à Kazan, à Samara, à Koktebel, à Yalta. Ce septième volume est consacré à deux poétesses majeures : une Américaine du XIXe siècle et une Russe de la première partie du XXe siècle. Emily Dickinson et Marina Tsvetaieva n’ont apparemment pas grand-chose en commun. La première reste recluse chez elle, à Amherst, dans la vallée du Connecticut, tandis que la... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (3) Ajouter une critique
En ouvrant ce 7ième tome du Manifeste incertain de Frédéric Pajak, je ne voyais qu'elle : Emily Dickinson. Et pourtant, elle a coulé entre mes doigts, filé à une vitesse folle ; sans que je m'en rende compte j'étais déjà en Russie, auprès de Marina. C'est là tout le talent de Pajak, vous faire oublier l'objet de vos attentes et adorer ce que vous n'étiez pas vraiment venu chercher.

Je connaissais si peu de Marina Tsvetaieva, que j'ai appris énormément : ce qu'elle a vécu, comment elle est morte et cet acharnement à écrire, à créer. Plus fort que tout. Que sa vie, que celle de ses filles, de ses amours...

"Nos poèmes, ce sont nos enfants. Ils sont plus âgés que nous parce qu'ils vivront plus longtemps que nous. Plus longtemps que nous depuis l'avenir. Voilà pourquoi ils nous sont aussi parfois étrangers". Marina Tsvetaieva.

Frédéric Pajak nous fait toucher du doigt le désarroi de cette créatrice, engluée dans la pauvreté, l'asservissement à sa condition de femme et de mère : "Je suis de nouveau du matin au soir cousue, soudée, collée à la maison, à ses besoins. Dès le matin marché, cuisine et après le repas, promenade avec Murr - Thé - dîner - (Vaisselle ! vaisselle ! vaisselle !) - tout comme avant."

L'espace de création se rétrécie comme peau de chagrin ; l'exil face aux répressions, l'isolement et le manque d'argent vont renforcer son besoin de création autant que l'étouffer. Entre aspiration et réalité, le chemin est difficile, presque impossible. Et pourtant, elle crée ! Mais à quel prix...

Frédéric Pajak retourne sur les traces de Marina, pose ses pas dans les siens et nous livre d'elle un portrait sublime. Il met en mots et en dessins toute une époque, un pays aux prises avec les affres de l'acharnement politique répressif.
Et Marina au milieu de tout cela...

Marina a cette si belle pensée pour Rainer Maria Rilke : "Je suis toujours persuadée qu'au moment de mourir il viendra me chercher. Il me fera passer dans l'autre monde, comme moi en ce moment, je le fais passer de l'allemand au russe (par la main)".

Sur la page blanche de fin, je l'ai aperçu cette main...
Lien : http://page39.eklablog.com/m..
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Emily Dickinson et Marina Tsvetaieva partagent quelques caractéristiques : elles sont nées au 19e siècle, elles sont des femmes et elles écrivent de la poésie. Les vies qu'elles mènent sont toutefois très différentes. Emily Dickinson ne sortira pratiquement jamais de chez elle et ne mènera pas une existence publique de poète. 10 de ses poèmes seulement furent publiés de son vivant, sur un total connu de presque 1800 poèmes. Marina Tsvetaieva sera au contraire contrainte de se déplacer sans cesse à l'intérieur de la Russie puis en France au cours de la répression stalinienne, dans une vie mouvementée entre ses enfants, son mari et ses amants. Mais peu importent les conditions extérieures. Malgré ces vies en apparence divergentes, la poésie d'Emily Dickinson et de Marina Tsvetaieva exprime le même goût pour l'éternel. Leurs vies les ramènent au même point.
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Encore une réussite, l'illustration souligne bien le propos sans le suivre réellement, comme d'habitude : certains dessins ont une force d'évocation très chargée d'érotisme ( abeille butinant une fleur) ou d'inquiétude intense (enfant relié à un magnétophone). Les arbres sont merveilleux, les visages russes très beaux.
Pajak évoque le vie et l'oeuvre de deux grandes poétesses : Emily Dickinson et Marina Tsvetaeva. Toutes deux ont brûlé intensément, toutes deux ont fait de leur art une recherche de l'intériorité.
J'aurais aimé que la partie consacrée à Dickinson soit plus longue, mais sa vie fut si recluse et sédentaire que c'était difficilement réalisable. L'essentiel a été rendu et bien rendu.
Merci à l'auteur d'avoir évoqué ces deux grandes figures avec tant de respect et d'amour.
Frédéric Pajak, je n'ai vraiment découvert votre univers que cette année, et vous resterez pour moi un des plus grands créateurs contemporains.
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critiques presse (1)
Bibliobs
11 décembre 2018
Dans son nouveau "Manifeste incertain", Frédéric Pajak fait entendre les deux grandes écrivaines, pour qui la poésie est la "langue" de l'âme.
Lire la critique sur le site : Bibliobs
Citations et extraits (32) Voir plus Ajouter une citation
La poésie d’Emily Dickinson ressemble littéralement à un jardin secret. Si son auteur semble dédaigner la chair du monde extérieur, c’est pour mieux en recréer l’os. Émily n’a que faire du commerce des hommes, de leur médiocrité, de leurs gesticulations, car elle se tient au coeur même de la vie, là où l’âme s’ébat dans les tourments. Elle veut donner sa voix à l’indicible, car elle comprend que seule la poésie peut donner accès à cet « au-dedans » de la vie. Elle sait que les mots forment le parcours le plus direct pour l’atteindre. Elle sait aussi qu’en refusant les anecdotes et les formules convenues, elle prend le risque de se perdre et de perdre son lecteur chimérique dans l’obscurité des métaphores.
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Emily Dickinson, Marina Tsvetaieva : qu'ont-elles en commun ? L'une est d'Amérique, l'autre de Russie. Celle-ci appartient au XIXe siècle, celle-ci à la première moitié du XXe. Toutes deux n'ont jamais douté de leur art, malgré leur isolement, la censure ou l'indifférence.Parce qu'elles ne savent pas s'accommoder des convenances de cet art, elles s'efforcent de le réinventer, chacune à sa façon. (...)

Mais Emily et Marina partagent autre chose encore. Une chose, un meuble:une simple table. (...)

Sur la table, il y a du papier et de l'encre. C'est à cette table que toutes deux vont créer le monde, à la façon du Dieu de Jean qui, dans le prologue de l'Evangile, nous avertit qu'"au commencement était le Verbe", et que rien de ce qui existe n'a été engendré avant d'avoir été énoncé.L'existence des choses et des êtres débute par quelques consonnes et voyelles, de sorte que chaque mot articulé, chaque phrase construite passent pour un avènement de la réalité. Hors de ce qui est dit ou écrit, il n'y a que néant. La tâche du poète est donc la tâche originelle, le premier accomplissement de l'homme- et de la femme.


(p.16)
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Si Marina n’a pas, de toute évidence, une vie chaste, si elle multiplie les liaisons souvent éphémères, elle entretient avec Rilke, comme avec Boris [Pasternak], un amour idéalisé, combien plus spirituel que charnel. Il ne s’agit pas pour autant de cet amour courtois qui prône la chasteté, celui qu’ont chanté les troubadours du XIIe siècle, même si son amour à elle y ressemble un peu. Car, pour Marina, le corps finit là où l’âme commence. Elle cherche dans ses aventures amoureuses à traduire ce corps en âme, en magnifiant l’amour physique, en « s’abîmant en lui, l’évidant », selon ses termes, seule manière à ses yeux de pouvoir aimer. Mais cet effort obstiné ne la mène à rien, sinon à retourner à elle-même, à sa seule âme.
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(* Marina Tsvetaieva)

Les privations et l'indignité l'inspirent:

" Nous les Poètes, nous rimons
Avec paria...

Ses mots sont un cri de douleur et de rage et une consolation:

" Il y a au monde des hommes en trop,
Des superflus, pas dans la norme.
(Sortis des dictionnaires et répertoires,
Ils ont une fosse pour demeure.)

Il y a au monde des gens creux, muets,
On les rejette comme du fumier
Ils sont le clou dans la chaussure,
Ils éclaboussent vos pans de soie ! "

( p.191)
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Kazan, 6 mai, midi. – Longue marche sur les bords de la Kazanka – qui se jette plus loin dans la Volga. L’esplanade est flambant neuve, qui s’étire sur plusieurs kilomètres, avec jardins d’enfants, terrasses de snacks et de restaurants. Alentour, des propriétés mitoyennes pour parvenus et apparatchiks, bâties dans un style approximatif : mélange de parpaings rouges, de verre et de béton. De l’autre côté de la berge se dressent des buildings, évidemment à perte de vue.
En ville, place de la Liberté, trône une gigantesque statue du guide du coup d’Etat d’Octobre, tête haute, majestueux dans son long manteau de prophète du malheur. Face à lui, de l’autre côté de la place, s’élève l’Opéra, surmonté d’une sculpture de Terpsichore, la main droite appuyée sur une harpe, la gauche brandissant une couronne de lauriers ; on dirait qu’elle nargue Lénine. Assurément, sa statue survivra à la sienne.
Sur l’allée évasée bordant la large rivière, des haut-parleurs hissés sur des mâts crachent la chanson interchangeable d’un crooner américain probablement méconnu chez lui. Tout comme la musique, l’architecture ne ressemble à rien : des pâtés de béton et de verre que défient des pâtés staliniens, raillés à leur tour par de vieilles viennoiseries. Ce qui se bâtit aujourd’hui est une mixtion de clinquant monumental et de Legoland.
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Vidéo de Frédéric Pajak
Lecteur, écrivain, dessinateur, Frédéric Pajak déploie son imaginaire depuis 2012 dans un livre sans fin, "Le Manifeste incertain " : au rythme d'un volume par an, cette entreprise littéraire s'achève cette année avec la parution de son 9e volume "Avec Pessoa". Si chaque volume est consacré à la biographie d'une figure que L Histoire a longtemps malmené, ils tissent entre eux une toile plus vaste, l'incertitude comme fil rouge.
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