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Critiques filtrées sur 5 étoiles  
Quand j'ai vu le nom de David Park dans la liste de la Masse Critique de Janvier, je n'ai pas hésité à cocher son livre, tant j'ai aimé son premier roman traduit en français : Voyage en territoire inconnu.
Et je remercie Babelio et les éditions La Table Ronde pour cet envoi.

À lire le résumé, les deux livres semblent assez éloignés. Pays, histoire, cadre, lieux, contexte, tout est différent. Et pourtant, les deux hommes, héros de chacun des romans, presque seuls même si leurs situations ne sont pas identiques, se rejoignent. Tous deux revisitent le passé, tous deux culpabilisent, tous deux pensent qu'ils doivent expier. Trouveront-ils la rédemption ? Je vous laisse découvrir la prose magnifique de l'auteur pour avoir la réponse.

Michael Miller est en poste à Saïgon en 1973. C'est le début de la fin pour les Américains. Simple gratte-papier dans une agence de renseignement, il est recruté par la CIA et va devoir accomplir certains actes qui le marqueront. Quarante ans plus tard, remis en contact mystérieusement avec celui qui l'avait recruté, Donovan, il va replonger dans ce passé et tenter d'en extraire la vérité, avant une ultime rencontre qui espère-t-il lui apportera les réponses qui lui manquent.
Un sujet, résumé ainsi, qui ne semble pas très original, mais dont la lecture m'a envoutée.

Envoutée d'abord par l'écriture splendide de David Park, toute aussi capable de faire jaillir des images sous mes yeux par ses descriptions de paysages du désert, des derniers jours de Saïgon avant le départ des américains, que d'analyser avec finesse les états d'âme de son personnage principal. Une écriture qui sait rester sobre, pas de violence exagérée, qui de mélancolique devient de plus en plus désenchantée au cours du roman. David Park ne cache pas ses sentiments vis-à-vis d'un certain occupant de la Maison Blanche.

Envoutée par les personnages, et d'abord ce Michaël, jeune gratte-papier sans beaucoup d'expérience, marqué par son éducation religieuse, pour qui le bien et le mal sont des valeurs importantes, pour qui rectitude n'est pas qu'un mot, qui va se retrouver dans cet endroit unique qu'a été Saïgon dans les derniers mois de l'occupation américaine. Il va être confronté à des situations difficiles à vivre, il subit beaucoup, se convainc qu'il n'a pas le choix, mais va aussi participer à certaines actions qu'il juge répréhensibles. Il erre dans cet environnement, très seul, malgré un ami par défaut, malgré la sympathie de quelques vietnamiens qui seront lâchement abandonnés au moment du départ, malgré la belle Tuyen qu'il n'oubliera jamais.
Si j'ai aimé ce jeune Michaël, j'ai encore plus apprécié celui qu'il est devenu quarante ans plus tard, après une belle carrière au Foreign Office et un mariage heureux mais malheureusement écourté. Il est à nouveau seul et un DVD reçu de son ancien ami au Vietnam le pousse à re replonger dans ses souvenirs et à partir dans le désert mexicain, pour peut-être obtenir certaines vérités. Il a vieilli, il a appris beaucoup de choses, il a bien vécu, mais il n'a pas tellement changé. Il est toujours celui qui se comporte bien, celui dont les valeurs sont importantes. Il ne croit plus, mais les notions de bien de de mal sont toujours aussi importantes. Et il va plus évoluer pendant ces deux jours de voyage que dans sa vie entière.

Envoutée aussi par la richesse des références qui se mêlent harmonieusement au récit. La référence biblique présente dès le titre, cette terre promise ce Canaan, cette terre où Moïse envoie ses espions, deux seulement étaient bons, lesquels sont-ils aujourd'hui ?
Et puis les références nombreuses à la littérature, et entre autres, au colonel Kurtz de Joseph Conrad, dont la relation avec Marlow rappelle celle qui s'établit entre Michaël et Donovan ; et celles qui reviennent par-ci, par-là, Michaël ayant gardé de son enfance dans les grandes plaines le goût de la lecture, seul moyen pour lui à cette époque d'échapper à cet horizon si large physiquement et pourtant si limité.

Un roman fascinant, une analyse très poussée et d'une grande justesse du caractère de cet homme, de l'évolution qui va se produire en lui, une réflexion passionnante sur ce qui nous façonne dans l'enfance et comment cela influe sur nos actes toute notre vie, un regard très juste sur le rôle de l'État et les mensonges qui y sont trop souvent attachés.
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Pour débuter l'écriture de cet avis, je dirai que je sais fort peu de choses sur la guerre du Vietnam. Pire : j'ignore tout de ce qui se passait à Saïgon en 1973. Mais est-il besoin d'avoir une connaissance historique parfaite pour lire un livre ? Non. En revanche, je ne doute absolument pas de la connaissance parfaite de ce sujet de l'auteur.
L'un des atouts de ce roman est son personnage principal et narrateur, Michael Miller. Il a fait une belle carrière, il a eu un mariage heureux, il est maintenant veuf et retraité alors qu'il se remémore ce qui s'est passé quarante ans plus tôt. Il était alors un tout jeune diplomate, même pas la cinquième roue du carrosse, non, juste un obscur gratte-papier. A Saigon, il est quasiment seul, n'ayant pour ami qu'un autre obscur gratte-papier, dont nous découvrirons la trajectoire dans la seconde partie du roman. Je ne dirai pas qu'il mène une existence des plus banales, non, ne serait-ce que parce qu'il a des principes, des valeurs, parce qu'il essaie de vivre en les respectant, ce qui le distingue de certains de ces collègues. Puis il est recruté par un certain Donovan pour le compte de la CIA. Il raconte alors son expérience, la vie qui continue à côté, et la guerre qui se rapproche. Et la débâcle.

Cela aurait pu s'arrêter là, et cela aurait déjà été très bien, si ce n'est que Miller retrouvera Donovan. Je ne dirai pas que ses retrouvailles changeront bien des choses, parce que c'est une formule rabâchée, je dirai qu'elles nous montreront que rien n'est immuable, que l'on ne sait pas quelles trajectoires prendront des personnes dont on pensait cependant…. dont on croyait…. et puis en fait, non. Avec, en filigrane, l'ombre d'un homme politique américain jamais nommé, sans doute parce qu'il ne mérite pas de l'être, eu égard aux dégâts qu'il a déjà causés, et à ceux qu'il risque encore de causer. Oui, le dernier quart du roman apporte une dimension épique à l'itinéraire de Miller, lui qui a toujours essayé de rester fidèle à ses valeurs.
Merci aux éditions La table ronde et à Babelio pour ce partenariat.
Lien : https://deslivresetsharon.wo..
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En refermant ce roman, je me suis demandée où voulait en venir l'auteur. Et puis j'ai pris le récit par la fin, et tout s'éclaire.

Canaan désigne la Terre Promise, alors pourquoi commencer avec une histoire d'espionnage dans son propre camp pendant la débâcle du Vietnam ?

Le personnage principal n'est pas le narrateur, gratte papier de la CIA dans les bureaux de Saïgon, mais son recruteur Donovan.

De Donovan, nous saurons peu de choses, si ce n'est qu'il est marié au pays mais a une liaison avec la jeune Tuyen.

J'ai aimé la logeuse de Michael le narrateur, Mme Binh qui prophétise à tous ses logés la même chose : ils ne pourront oublier le Vietnam et n'auront que des filles.

Il n'y a que deux grands mouvements dans ce roman : au Vietnam et à la frontière avec le Mexique de nos jours. Mais chaque début de partie, Michael nous raconte que lorsqu'il était enfant, il souhaitait que son père badigeonne de sang les portes pour que l'ange destructeur épargne sa famille.

Cette histoire biblique, je l'ai prise comme une volonté du peuple américain de ne pas être détruit par les hordes de migrants sensées les grands-remplacés. Une façon de se prémunir contre l'inconnu qui fait peur. Seule la méthode à changer : un mur est construit. Mais le sang est toujours versé.

Vous l'aurez compris, un roman au message politique contre une Amérique qui se barricade et qui n'accueille plus en son sein, comme elle avait déjà abandonné les vietnamiens qui l'avaient aidé en d'autres temps.

Une citation :

J'étais frappé – et je le suis encore – par la quantité d'énergie qui a dû être dépensée dans ce monde fragmenté d'intérêts divergents et de luttes de pouvoir. Que nous soyons engagés dans les dernières affres d'une guerre extrêmement coûteuse en vies humaines n'y changeait rien : il n'y avait pas d'unité en termes d'objectifs politiques ou militaires, et on laissait de fortes personnalités ainsi que des centres de pouvoir continuer à imposer une lecture des événements inspirée de leur unique point de vue ou dictée par leurs intérêts particuliers. (p.87)

L'image que je retiendrai :

Celles des documents et des vêtements brûlés sur les toits de Saïgon, entrainant des nuages de neige noir.
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