Citations sur Fils de personne (75)
Tout grand lecteur compulsif avait sa PAL: sa Pile À Lire, une pile ne diminuant jamais, toujours alimentée, parce qu'elle était en quelque sorte à la lecture ce que le désir était au plaisir.
Les archives débutaient par l'année 1990, pour laquelle il n'avait fallu que deux cartons. Plus on avançait dans le temps, plus le nombre de cartons augmentait à tel point que, les quatre dernières années avaient été déclinées en mois, ce qui allait grandement faciliter la recherche des enquêteurs. C'était quand même inquiétant, cette augmentation flagrante de documents à conserver. Le temps semblait prendre de l'épaisseur.
Avec le jeu des remises de peine - terme odieux pour une victime qui ne pouvait jamais bénéficier de ce genre de dispositif -, les douze années initiales s’étaient réduites pratiquement de moitié. Quelqu’un s’était-il posé la question de savoir si la souffrance de ces victimes s’était également réduite de moitié ?
C'était pour cette raison qu'il n'aimait pas les psychologues, parce qu'ils savaient ce qu'il ne comprenait pas de lui-même, ou, plus exactement, ce qu'il fuyait.
[...] une "expression de besoin", selon la formule nouvellement consacrée en lieu et place de "commande de matériel". Ce changement de vocabulaire inquiétait les flics. Il y en avait d'autres, des petits signes, qui, mis bout à bout, signifiaient un changement dans la façon de faire, s'inspirant des méthodes du privé. La PJ se mettait progressivement à l'ère du management.
Face à cette affaire, les psychiatres s'étaient réveillés. Patrice Lecoin était soudain devenu dangereux, alors qu'un an auparavant on l'avait lâché dans la nature, sans même une obligation de soins, après sept années de réclusion pour une série de cinq viols.
Le docteur Renaud pouvait tenir un catalogue de la barbarie humaine selon les régions du monde. Il en connaissait un rayon sur l'ignominie que certains hommes pouvaient infliger à leurs semblables.
"À la PJ, tout commence généralement par une sonnerie de téléphone." (p.14)
Pour rejoindre l'église Notre-Dame-de-
l'Assomption, place Maurice-Barrès, ils pouvaient longer le jardin des Tuileries sous les arcades de la rue de Rivoli puis tourner à droite dans la rue Chambon ou rejoindre la rue des Pyramides pour remonter le Faubourg-Saint-Honoré. Qui préférait-on rencontrer ? Des touristes de droit commun à la découverte de Paris, chaussures de marche, sac à dos et plan à la main, ou ceux d'un régime dérogatoire, plus aisés, se faisant déposer par leur chauffeur privé devant les riches vitrines ? Quand on était flic, on pouvait passer d'un monde à l'autre sans aucune difficulté.
Cétait un homme robuste, d'une cinquantaine d'années, aux cheveux drus grisonnants, avec un mégot au coin des lèvres. Il avait des mains burinées par le travail de la terre, légèrement noircies aux extrémités. Delestran ne fut pas surpris par la fermeté de sa poigne lorsque sa main serra la sienne. Il retrouvait la force tranquille des grosses bêtes tendres et maladroites de ses lointaines origines paysannes. C'était franc et sincère, ça faisait du bien.