Citations sur Bestiaires du Moyen Âge (10)
Les auteurs du moyen âge ont du mal à classer la chauve-souris : oiseau ? Quadrupède ? Ver ?
Certains la nomment "rat-oiseau" ; d'autres, "petit-griffon", vivant la nuit, pourvue d'ailes sans plumes, aimée du diable, faisant peur à tout le monde, c'est un animal totalement négatif.
Créature hybride, la sirène médiévale peut être mi-femme mi-poisson (cas le plus fréquent) ou bien mi-femme mi-oiseau. Toutes deux sont ennemies des marins. Mais lorsqu'elle est oiseau, la sirène ne nage pas au fond des flots mais vole au-dessus des navires pour charmer les marins et les conduire à leur perte.
Plusieurs auteurs signalent l’existence «en Germanie» de bœufs sauvages, tellement farouches qu’il est impossible de les atteler, tellement puissants qu’ils déracinent les arbres, tellement violents qu’ils n’hésitent pas à s’attaquer à une armée entière de chevaliers. Ils possèdent des cornes immenses dont on se sert à la table des seigneurs; boire du vin dans de tels récipients procure vigueur et santé. (P112)
Le monde médiéval des serpents n'est pas un monde homogène.
D'un bestiaire à l'autre, d'un manuscrit à l'autre, la liste des animaux rangés sous ce nom varie grandement. D'autant qu'aux serpents proprement dits (aspics, vipères, couleuvre, mais aussi acontias, amphisbène, céraste et d'autres) s'ajoutent la famille hétérogène des lézards et celle plus hétérogène encore, des dragons. Parfois s'égrènent à la catégorie "serpents" des animaux que le zoologie médiévale ne sait pas classer : escargots, crapaud, caméléon, salamandre.
Le monde des vers (vermes) est encore plus disparate. On trouve toutes les larves mais aussi un grand nombre d'insectes - notion qui n'émergera clairement qu'au XVI siècle- quelques petits rongeurs (mulot, musaraigne) et des animaux totalement inattendus à cette place. Ainsi le Lynx, qui pour plusieurs auteurs, est "une sorte de grand ver blanc".
Ce ne sont pas des traités d'histoire naturelle, du moins pas au sens où nous les entendons, mais des ouvrages qui parlent des animaux pour mieux parler de Dieu, du Christ, de la Vierge, parfois des saints, et surtout du diable, des démons et des hommes pécheurs.
L'imaginaire est une réalité, il existe !
Ainsi se développe le discours des bestiaires : partant d'observations ou de croyances concernant tel ou tel animal, voire plus simplement de son nom ou de son aspect, il procède par comparaisons, métaphores, étymologies ou similitudes pour se livrer à des considérations morales ou religieuses. En ce sens, il est le parfait reflet de la pensée médiévale qui se construit presque toujours autour d'une relation de type analogique, c'est-à-dire une relation appuyée sur la ressemblance -plus ou moins vague - entre deux mots, deux notions, deux objets ou bien la correspondance entre une chose et une idée. Cette pensée analogique médiévale s'efforce d'établir un lien entre quelque chose qui est apparent et quelque chose qui est caché ; spécialement, entre ce qui est présent dans le monde d'ici-bas et ce qui a sa place parmi les vérités éternelles de l'au-delà. Un mot, une forme, une couleur, un nombre, un animal, un végétal et même une personne peuvent ainsi être revêtus d'une fonction symbolique et par là même évoquer, représenter ou signifier autre chose que ce qu'ils prétendent être ou montrer. L'exégèse consiste à cerner cette relation entre le matériel et l'immatériel et à l'analyser afin de retrouver la vérité cachée des êtres et des choses.
"Le lion pourchassé qui efface avec sa queue les traces de ses pas pour égarer les chasseurs, c'est Jésus cachant sa divinité en s'incarnant dans le sein de Marie ; il s'est fait homme en secret pour mieux tromper le diable. Le lion qui dort les yeux ouverts, c'est l'image du christ dans son tombeau. p. 60
quand il se sent mourir, il mord la terre et pleure sans s'arrêter pendant trois jours. p. 61"
Tout jugement du passé à l'aune des connaissances du présent ne peut être qu'anachronique.
Peu importe que les formes ressemblent ou non à celles de l'animal véritable ;ce qui compte , ce qui sert de signes d'identité , ce sont les attributs , non pas tant réels que conventionnels.