Citations sur La Civilisation du poisson rouge (83)
La presse pensait organiser la conversation ; c’est la conversation qui, désormais, la désorganise.
La plupart des études évaluent l'activité humaine à moins de 60% de l'activité totale sur internet. Les reste, soit plus de 40%, est une attention factice, produite par des robots ou par des humains dont c'est le métier. Car l'économie de l'attention a son Lumpenproletariat. Les "usines à clics" se multiplient dans le monde, en Chine notamment.
P 15 au lieu de quoi, nous sommes devenus des poissons rouges , enfermés dans le bocal de nos écrans, soumis au manège de nos alertes et de nos messages instantanés. Notre esprit tourne sur lui-même, de tweets en vidéo YouTube, de snaps en mails, de lives en pushs, d’applications en newsfeeds, de messages outranciers poussés par un robot aux images filtrées par des algorithmes, d’informations manifestement fausses en buzz affligeants.
Les créateurs de musique, celle qui se destine à être écoutée sur ces plates-formes, le savent: tout doit être suffisamment exposé pendant les 10 premières secondes pour avoir une chance d'exister. Créer, dans ces univers, c'est rendre accro de façon instantané.(p87)
La lecture, celle qui prend du temps, qui égare le lecteur dans ses pages manquantes, déploie ses univers intimes et prodigieux, n’est pas épargnée par la quête de l’attention. Le livre, comme activité économique, résiste. Mais le temps consacré à la lecture par les plus jeunes s’effondre. Malgré le raccourcissement des chapitres, et l’introduction, dans la littérature adolescente, des cliffhangers venus de la série télévisée. Notre vie culturelle et intellectuelle est devenue stroboscopique. – p.82
Le nouveau capitalisme numérique est un produit et un producteur de l'accélération générale. Il tente d'augmenter la productivité du temps pour en extraire encore plus de valeur. Après avoir réduit l'espace, il s'agit d'étendre le temps tout en le comprimant, et de créer un instantané infini. L'accélération a remplacé l'habitude par l'attention, et la satisfaction par l'addiction. Et les algorithmes sont les machines-outils de cette économie.
-Le biais de confirmation est permis par les moteurs de recherche : dans l'immensité du contenu disponible on finit par trouver ce qu'on cherche, toute requête finit toujours par être satisfaite... quand bien même le nombre de ceux qui croient en cette thèse est infime.
-Le biais de représentativité se nourrit des moteurs de recherches et des réseaux sociaux, dont les algorithmes ne travaillent que sur des objets uniques. Ce biais résulte de la mise en avant d'un exemple pour aborder une problématique générale, et il amène à faire de cet exemple une vérité universelle.
• Enfin le biais de simple exposition nourrit les réseaux sociaux : il postule que la répétition finit par octroyer une présence du contenu répété dans l'espace mental de ceux qui y sont exposés. Il nous pousse à a corde plus d'importance à ce que nous voyons cent fois qu'à ce que nous ne voyons qu'une seule fois. Un univers où chacun peut s'exprimer de façon identique mais n'exerce pas cette possibilité de façon égale produit une asymétrie en faveur des plus déterminés et des plus actifs.
Il ne s'agit plus de voir pour croire mais de croire pour voir.
Page 96
Pour Pariser, les algorithmes emprisonnent un utilisateur dans une bulle d'informations qui l'enferme dans sa propre vison du monde et "l'endoctrine" avec sa propre opinion.
Page 99
Le capitalisme de l'attention pour intrusif et désespérant qu'il soit, n'est pas stable. La machine s'est emballée, et commence à produire les signes de son propre effondrement. La fabrique de réalités individuelles a produit un empire du faux.