Le retour d'Orwell ne s'est pas fait par le politique, mais par l'économique. La jonction avec Huxley est réalisée à l'échelle de chacun. Nous sommes les acteurs de notre propagande.
Dans cette dystopie, "il n'y a plus de raison d'interdire un livre, car plus personne ne veut en lire". L'information disponible est noyée "dans un flot d'absurdités". Pour Postman, il n'y avait guère de doute, le débit exponentiel du flux de contenus, qui "nous aide à oublier que nous allons mourir", nous avait sauvés d'Orwell pour nous plonger dans Huxley.
La compétition sans ses conséquences réelles forme une bulle de satisfaction
qui développe l'idée que le monde à portée tactile est plus satisfaisant
que celui qui nous entoure.
D'où l'attirance qu'il peut produire.
Le bombardement de pseudo-réalités finit par produire des humains non authentiques,
aussi faux que les données qui les entourent de toute part;
Les fausses réalités vont créer des faux humains;
et les faux humains vont à leur tour produire des réalités et les vendre à d'autres humains
en les transformant à leur tout en faussaires.
La lecture, celle qui prend du temps, qui égare le lecteur dans ses pages manquantes, déploie ses univers intimes et prodigieux, n’est pas épargnée par la quête de l’attention. Le livre, comme activité économique, résiste. Mais le temps consacré à la lecture des plus jeunes s’effondre. Malgré le raccourcissement des chapitres, et l’introduction, dans la littérature adolescente, des cliffhangers venus de la série télévisée.
Notre vie culturelle et intellectuelle est devenue stroboscopique.
P 129 et redonnent vie à la sentence de Jonathan SWIFT « le mensonge et le faux volent, la vérité rampe loin derrière. »
" J'essaie de trouver comment les ordinateurs peuvent changer ce que les gens pensent et ce que les gens font, explique-t-il. Et comment ces ordinateurs peuvent produire ces changements de façon autonome" B.J Fogg, p61.
Gouvernements du monde industriel, vous géants fatigués de chair et d'acier, je viens du cyberespace, le nouveau domicile de l'esprit. Au nom du futur, je vous demande à vous du passé de nous laisser tranquilles. Vous n'êtes pas les bienvenus parmi nous. Vous n'avez pas de souveraineté où nous nous rassemblons (...). Le cyberespace ne se situe pas dans vos frontières. Ne pensez pas que vous pouvez le construire (...).C'est un produit naturel, il croît par notre action collective (...).
Berners-Lee parle d’or. Il ouvre la voie à l’expression d’un sentiment diffus qui nous tient éveillés la nuit à la lueur de nos écrans à luminosité restreinte, alors qu’apparaissaient dans la pénombre les alertes, importantes ou insignifiantes, qui tel un goutte-à-goutte hospitalier nourrissent la solitude de nos existences connectées.
Rassasiés avant d’avoir eu faim, nous le sommes par une nourriture que nous n’avons même pas eu le temps de humer et de goûter.