La nuit tombée sur nos âmes

Il a un sourire cynique et intelligent. C’est peut-être Zartos, l’indic. Avec des parents magistrats, ça ne serait pas étonnant. Wag se demande combien ils sont, dans cette salle, à transmettre des noms, des dates, des rapports.

Les carabiniers bombent le torse. Ils croient en l’ordre, en leurs chefs, en l’Italie. Des images se percutent sans doute dans la tête des jeunes soldats. Certains aiment la République. D’autres fantasment un fascisme moderne, un fascisme du XXIe siècle mené par Berlusconi – mais Berlusconi n’est pas un fasciste. Fini ou Bossi, peut-être. Calvini croit en l’armée comme dernier rempart face à l’anarchie, à une multitude de furieux qui veut semer le bordel.

Les Désobéissants, c’est autre chose. Eux, ils ne sont même pas encore formés : ils annonceront leur constitution en tant que groupe dans quelques jours, juste avant le G8. La mouvance semble composite, comme celle du black bloc. Peut-être que les Italiens ont quelqu’un à leur proposer chez les Tute Bianche. Martinez décroche son téléphone. Cazalon l’imite.

Leur boulot, c’est donc de surveiller les individus, les groupes et les organisations étiquetés à l’extrême gauche. Le discours officiel, c’est que l’époque du renseignement d’opinion est révolue. Pourtant, l’idée fixe de la droite, c’est que la faiblesse du PS, la quasi-disparition du PCF et l’état végétatif de la LCR ont ouvert un champ d’action à l’activisme de la gauche extra-parlementaire. Au ministère de l’Intérieur ou sur les bancs des députés de l’UMP, certains craignent les gauchistes plus encore que les islamistes.

Berlusconi encourage ses flics de sa voix de charmeur. Il leur parle des communistes qui s’apprêtent à dévaster Gênes, à humilier le pays, à piétiner les valeurs italiennes. Dans sa bouche, le communisme n’est pas la catégorisation sociopolitique d’un groupe, ce n’est même pas un dérivé d’anticapitalisme. Non, pour lui, « communiste » est synonyme de subversion, de pagaille, de chienlit. Voilà un ennemi concret, un ennemi qui va porter la guerre lors du rassemblement du G8. Il leur dit : « Voilà l’ennemi ! »

Le calme ambiant n’est qu’une impression, un mensonge. Les deux flics ne le lâchent pas du regard, l’angoisse lui étreint en permanence l’estomac. (…)
Au milieu de ces gens qui chantent, qui rient, des fanfares qui jouent une musique maladroite et joyeuse, il espère qu’il pourra reprendre son souffle…

Le temps passe, trop chaud, trop lent.

Du sang et des cris c'est mon travail, rien d'autre que mon travail.

Une p***** de journée de dingue...

Un fasciste n’a pas peur du combat, il s’y révèle, il y devient un surhomme. Après l’attentat de Bologne, lorsque des mandats d’arrêt ont été prononcés contre les militants de la droite extra-parlementaire, que Roberto Fiore, Gabriele Adinolfi, Massimo Morsello, Peppe Dimitri et tous les chefs se sont enfuis à l’étranger, lui est resté en Italie. Ils n’étaient pas nombreux à oser faire face aux gauchistes dans la rue. C’est là qu’il a acquis sa force, c’est là qu’il a senti les dangers approcher.