Toi l'optimiste qui ouvre ce roman, abandonne toute espérance . Si, en revanche, l'odeur de pourriture qui émane de l'Europe à la fin de l'année 44 ne te rebute pas, alors La dignité des psychopathes t'ouvre les bras.
Le roman débute sur une scène avec Louis-Ferdinand Celine, son chat Bébert et Robert le Vigan, alias La Vigue, qui « avait pourtant été la vedette de ces années parisiennes où les Allemands pavoisaient alors que les Français n'y trouvaient pas grand chose à redire ». Nous sommes fin octobre 1944, à Sigmaringen, et depuis septembre, un millier de collaborateurs français exilés dans les parages attendent que l'Allemagne reprenne le dessus. Parmi eux, Pétain, Laval, Luchaire, Celine (qui raconte son expérience dans D'un château l'autre). À l'approche des Alliés en avril 1945, la plupart de ces Français mettent les voiles en Suisse, en Espagne franquiste, ou en Italie.
Les personnages principaux de ce roman noir ne sont ni l'auteur de Bagatelles pour un massacre, ni le maréchal Pétain, mais deux anonymes, deux hommes plongés dans l'Histoire, l'un mortifère, l'autre, cocu lamentable. Le premier est une ordure de la pire espèce, Alexandre de Saint-Furchac, aristocrate devenu officier de la Waffen SS dont la violence est le moteur. Le second se nomme Albert Mordefroid, un prolétaire revanchard dont la vengeance sourde et obstinée va lui faire traverser l'Europe, quite à frayer avec des individus dont il n'aurait pas croisé le chemin dans d'autres circonstances.
La dignité des psychopathes est un flamboyant roman noir, d'une lucidité cruelle, sur le traumatisme de la première guerre , la débâcle de la seconde et la Collaboration, un ouvrage bien documenté riche de personnages focalisateurs et d'analepses qui joue avec les nerfs du lecteur. Il est impossible de dévoiler l'intrigue construite sur ces années terribles. On pourrait dire que Frederic Paulin exploite les doutes qui planent sur les circonstances de la mort de Jacques Doriot en février 1945 à Mennigen « En ces temps là, on prétendait pourtant que s'en prendre à Jacques Doriot, c'était un peu comme s'en prendre à Caligula, dans la Rome antique, ou à Dracula, dans les Carpates du quinzième siècle. Autrement dit, il fallait en avoir un grain ».
La dignité des psychopathes est une tranche de noir érudit passionnant pour ceux qui s'intéressent à cette période. On y retrouve les grands et les petits noms de l'époque, Henry Lafont, Jo Attia, les Luchaire, Paquis-L'Angleterre-comme-Carthage-sera -détruite , les compromis, les retournements de vestes quand les anciens collaborateurs se retrouvent à la fin de la guerre du côté de l'intelligence service américain. Certaines phrases sonnent d'ailleurs désagréablement à nos oreilles de 2016: « Le scandale Stavisky, l'éviction de Jean Chiappe, le préfet de police de Paris, son remplacement par l'indécis Bonnefoy-Sibour, plus de trois cent mille chômeurs désoeuvrés, une montée en puissance des associations d'extrême droite, toutes les conditions étaient réunies pour que la déflagration advienne. » Ce matin, j'ai ouvert la fenêtre et ça sentait les années 30.
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Voici un roman unique, drôle, totalement incorrect où l’absurde n’empêche pas la rigueur historique
Lire la critique sur le site : OuestFrance
Ça en fit cogiter plus d’un. On but encore quelques verres, afin d’huiler les méninges et de prendre une décision. Mais rien ne vint de très probant tant il est vrai qu’une foule d’imbéciles ne réfléchit pas mieux qu’un imbécile seul. Ça se saurait.
La panique la plus complète gagnait l’ensemble de l’armée allemande. Les officiers, fraîchement nommés en remplacement de leurs prédécesseurs fraîchement tués, semblaient d’ailleurs beaucoup trop jeunes pour conserver leur sang-froid.
Au volant, se trouvait le patron, à ses côtés étaient assis sa femme et ses deux gamins qui, si vous n’avez jamais vu d’enfants moches, vous donneront leur photo.
Depuis plusieurs mois, Stuttgart était prise sous une noria de bombardements. Les immeubles intacts devaient se compter sur les doigts de la main d’un lépreux.
— Comment vous appelez-vous ? lui demanda-t-il.
— Oh, excusez-moi, fit l’autre en soulevant son chapeau : Matsone. Henri Matsone. Je suis le conseiller de son Excellence.
— Et les waters, mon cher Matsone ? contrepèta l’aveugle sans même s’en apercevoir.
Après l'Algérie des années 90 dans la trilogie Benlazar, Frédéric Paulin revient dans La Nuit tombée sur nos âmes sur les événements qui ont accompagné le sommet du G8 à Gênes en 2001. Plus de 500 000 manifestants s'étaient réunis contre la mondialisation sauvage. Malheureusement, les violences policières firent aussi un mort, blessant et torturant de nombreux participants.
Frédéric Paulin nous offre un roman noir, comme une leçon d'Histoire, au coeur d'un événement fondateur.