Solas m'a pris la main, j'ai frissonné.
- Imagine ... Si tu avais des pouvoirs magiques et que tu pouvais façonner la terre, le ciel, inventer l'endroit où nous vivons ... Dans quel monde voudrais tu vivre ?
- J'aurais voulu lui dire que je m'en fichais, lui dire que ce qui comptait, c'était garder sa main dans la mienne, lui retourner la question. Mais j'ai eu peur de sa réponse alors j'ai lancé :
- N'importe quel monde, tant que mon père et ma mère y sont.
La vérité était bien plus grande.
Elle était comme le ciel étoilé au-dessus de nous.
J'observe mieux l'arbre.
Son unique pied est démesuré. Il est surmonté d'une vaste couronne. Elle doit être lourde, cette couronne. Pourtant, elle chante et danse comme une chevelure vivante. Elle est constituée d'une multitude de petites feuilles vertes, comme des mains tendues avec plein de doigts, qui vibrent au gré du vent.
Quand un vieux est trop âgé pour aider la communauté, qu'il devient un fardeau, il réunit le campement et sollicite la Murfa. Dans la majorité des cas, hommes et femmes l'acceptent. Le lendemain, le vieux distribue ses affaires, donne tout ce qu'il possède. A la tombée du jour, le soleil touche l'horizon, le ciel rouge et le désert flamboient, et l'ancien prononce ses voeux. Une longue procession le mène à la Murfa, la tente de l'exil. Ensuit, chacun lui apporte à manger à tour de rôle. Jusqu'à ce qu'une bête l'emporte. La tente attend alors son prochain occupant.
« Chaque trait représentait un jour.
Il y a beaucoup de traits. Le tronçon est plus long que mon bras tendu.
Un épais liquide translucide s’est mis à suinter des premières encoches.
La matière était collante, poisseuse.
J’ai attendu.
Ça trompait mon ventre qui gondait de plus en plus fort.
Peu à peu, chaque trait a commencé à exsuder cette étrange matière.
Je n’ai pas d’autre mot pour expliquer.
L’arbre saigne.
Je lui ai demandé pardon.
Je n’inscrirai plus les jours dans sa peau. »
Je me tourne vers le ciel étoilé. Existe-t-il d'autres Naïa sous ce ciel ? Où les hommes ont-ils tout détruit ? Si j'avais des pouvoirs magiques, que je pouvais façonner la terre, le ciel, inventer l'endroit où nous vivons, je voudrais un monde plein de Naïa, de sources et de Tewida. Voilà le monde que je voudrais.
L’Ancienne reprend une lampée de potage.
-Le désert a gagné. Les arbres se terrent dans les trouées, à l’abri des hommes avides. Ceux de la grande ville s’en servent pour décorer leurs maisons, si spacieuses que toute la tribu pourrait tenir à l’intérieur. Mort, un arbre ne vaut rien. Vivant, il est la vie.
L’Ancienne ne dit pas que des bêtises ! Il y avait des animaux dans le monde d’avant.
Je pose mal mon, il glisse, ma cheville se tord encore, je perd l'équilibre dérape.
"Mort un arbre ne vaut rien, vivant il est la vie."
je mesurais la magie contenue dans cet acte en apparence si simple: lire faisait naitre des choses qui n'étaient pas là!