Citations sur Itinéraire (20)
La révolte est collective, ses artisans sont le commun des mortels.
La civilisation de la liberté nous a transformé en moutons. Des moutons qui sont aussi des loups. En vérité, un des traits les plus désolants de notre notre société est l'uniformité des consciences, des goûts comme des existences, associée au culte d'un individualisme égoïste, effréné.
La véritable histoire universelle ne commence pas avec les grands empires d'Europe ou d'Asie, avec Rome ou avec la Chine, mais avec les périples des Espagnols et des Portugais. C'est alors, que nous, les Mexicains, nous devenons un fragment de l'histoire du monde. Ou plutôt : nous sommes le fruit de ce moment où les diverses histoires des peuples et civilisations débouchent sur l'histoire universelle. La découverte du Nouveau Monde a marqué les débuts de l'unification planétaire.
Epitaphe sur nulle pierre
Mixcoac fut mon village : trois syllabes nocturnes
un voile d'ombre sur un visage solaire.
Vint Notre-Dame, la mère. Tempête de poussière.
Elle vint et le dévora. Moi, j'allais de par le monde.
Mes pantalons furent ma maison, ma tombe, l'air.
Les deux sphères qui composent la société le public et le privé - ont donc échangé leur place. Grâce à la démocratie, le citoyen grec avait gagné le droit de participer à la vie publique. La démocratie moderne inverse la relation : l'Etat perd le droit d'intervenir dans la vie privée des citoyens. La valeur centrale, l'axe même de la vie sociale, n'est plus la gloire de la polis, la justice ou toute autre valeur métahistorique, mais la vie privée, le bien-être du citoyen et de sa famille. Imbriquées dans la sphère publique, les valeurs absolues se dissipent, elles se déplacent dans la vie privée; à leur tour, les individus et les groupes postulent leurs idées, leurs intérêts ou leurs valeurs, comme une affaire publique.
Écartelées entre tradition et modernité, entre un passé vivant, mais inerte, et un futur qui rechigne à se convertir en présent, elles doivent échapper au double péril qui les menace : d'un côté, la pétrification; de l'autre, la perte de leur identité. Elles doivent persévérer dans ce qu'elles sont-et devenir autre chose : perdurer dans le changement. Pour y parvenir, il leur faudra trouver des modes de développement accordés à leur génie spécifique. Ces peuples, victimes du délire de leurs dirigeants, ont manqué d'imagination politique. Mais l'imagination, la vraie, vient après la critique: il n'est pas question de fuir la réalité, mais de l'affronter.
D'un point de vue théorique, les « socialismes » des pays sous-développés étaient un contresens; d'un point de vue politique et économique, ils ont causé un désastre colossal. Partout, ils n'ont laissé que des ruines.
À Valence et à Madrid, j'ai assisté, impuissant, à la condamnation qui frappait André Gide. On l'accusait d'être l'ennemi du peuple espagnol, alors que, dès le début, il avait pris fait et cause pour la République. Par un effet de ce raisonnement pervers qui consiste à déduire d'un fait certain une affirmation que rien n'autorise, les critiques plutôt timides que Gide exprimait dans son Retour de l'URSS l'avaient converti, ipso facto, en traître, ennemi juré des républicains.
En Espagne, j'avais connu la fraternité devant la mort; aux Etats Unis, je découvrais la cordialité devant la vie.
Dans quelques poèmes et dans divers textes en prose, j'ai évoqué ma rencontre avec ce peuple, ses paysages, ses pierres. Je n'ai pas découvert l'Espagne : je l'ai reconnue, je m'y suis reconnu.