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Critiques filtrées sur 5 étoiles  
Originalité, poésie, imagination sont au rendez-vous au cours de cette correspondance à sens unique.
L'autrice a jeté son dévolu sur un îlot perdu dans le Pacifique nord, à mille kilomètres des premières côtes. On apprendra par ailleurs que cette île est une possession française mais qu'elle n'a aucun statut au sein de l'Union européenne. Actuellement inhabitée, elle a a hébergé dans des conditions rudes une population limitée, au gré des intérêts pressentis de différentes nations.

Inhabitée, donc. Et pourtant, le destinataire des lettres que rédigent la narratrice est censé résider sur l'atoll. Une lettre quotidienne jusqu'à ce que le crayon pour « écrire sur tout » devient si court qu'il ne permet plus une prise en main correcte pour tracer des phrases. Hormis la contrainte de temps, Jacques Jouet, qui avait été le destinataire du premier manuscrit de l'autrice, en bon oulipien, ajoute l'interdiction de corriger le premier jet, l'attribution à un correspondant donné et le postage en bonne et due forme des missives.
Le résultat d'une telle mission est ce recueil de lettres qui donnent une visibilité attendrissante au minuscule atoll, rappelle en mots choisis son histoire et lui insuffle une vitalité que ne détruit pas le retour des lettres.

Une écriture puissante, l'art de donner une existence à ce qui n'est qu'un lieu hostile et infréquentable. le résultat est clair : une lecture marquante et qui sort de l'ordinaire.

224 pages La Contre-Allée 8 avril 2022
Lien : https://kittylamouette.blogs..
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L'insulaire olympien
« À tout résident de l'île de la Passion-Clipperton. »
Irma Pelatan est d'ubiquité. L' île Clipperton interpelle sa conscience. Elle pressent un devoir. Rendre justice à cette possession française dans l'océan Pacifique. Île du bout du bout du monde, abandonnée et dont les vagues frappent cet atoll fragilisé par la désertion et le manque crucial de compassion. Bâtir un projet épistolaire.
Raffiné, solidaire, affectueux, ce dernier devient une passerelle pour Irma Pelatan.
Écrire jour après jour au résident anonyme, à la parabole, à la transmutation.
S'approcher de l'île au plus près à brasses lentes et réfléchies. Pour une autrice fervente de l'eau, de « L'odeur de chlore », des embruns et des quêtes existentielles il s'agit d'une renaissance. Construire une relation bleue (comme la couverture) chaleureuse et apaisante. C'est cela aussi ce beau livre atypique.
La constance d'une écriture qui voguera jusqu'au point fixe d'un idéal atteint.
Engendrer pour rassembler l'épars d'un passé où d'aucuns ont foulé ce lieu sauvage et aride. Irma Pelatan est une perfectionniste. Elle rédige ses lettres au crayon de bois. Toutes de 20g, ornées d'enveloppes internationales (rares) à la si expressive bordure bleue, blanc et rouge.
« Nous verrons, nous avons le temps : il me reste 424 enveloppes. »
La première missive est dédiée « aux postiers autour du monde ».
C'est dire l'engagement, la rectitude et l'attention à l'envergure du dessein lové dans ses pensées, ses gestuelles et son temps le plus précieux : écrire.
« la mort, sur l'île, est aussi présente, aussi vraie qu'un rocher, toujours là, immuable ».
Entendre le crayon crisser et les voix qui s'éveillent dans l'atoll destinataire. Forger en rythme pavlovien, une correspondance au cher ami, qui n'est plus un fantôme, mais celui qui a foulé un jour certain cette île anneau Graal ou perdition.
Les lettres sont arborescence, idiosyncrasie, habitus. L'acte sceau d'une reconnaissance éternelle. Les endurances altières, tout prend place.
« Le monde boiterait sans Clipperton ! ».
« Me voici maintenant face à l'envers de l'île, face à cette forêt d'ombres, cet écho d'une réalité si différente, où Clipperton était habitée. »
« Combien sont morts sur l'île ? A un certain moment une centaine de personnes a peuplé l'anneau de l'île, les 1,7 km² de l'île, 17 m² par habitant…. ».
Irma Pelatan : l'île comme l'Alcazar, les lettres affranchies d'Histoire, de droit public, de géopolitique, d'écologie et de compassion.
« Je pense tant à vous, ami ».
Rien n'est laissé dans le hasard des flots ressacs et latitudes. L'introspection n'est plus une bouteille à la mer. Chacune des missives est un fronton à flanc de Clipperton, fête éternelle dans les entrailles de l'île.
Ce livre est une ancre. Il est du côté où la mer oeuvre au spéculatif. 6 femmes sur l'île , Irma Pelatan relève leurs cheveux, voiles sur les yeux. L'heure belle des mots arrachés au vent, aux craintes, île qui ne dort pas. Irma veille.
La plume mémorielle jusqu'à la consécration. Recevoir un jour certain un peu de l'île, colis Éden, dents de requin, galet, filigrane pour un lendemain : Projet poétique planétaire.
La création de ce livre est une aventure unique. La chance infinie des retours à l'expéditeur, rideau rouge des Correspondances de Manosque. L'épistolaire gagnant.
Apprendre par coeur : Ma lettre de ce soir se résumera à une devinette : que se passe-t-il sur une île sans maître, lorsqu'il ne reste que six femmes, quelques enfants et un gardien de phare ?
98799 le code postal Passion-Clipperton.
La souveraineté d'un projet, la sauvegarde d'une littérature d'amplitude. 
«  C'est que l'île est tellement d'îles ».
Prodigieux, d'une humanité exemplaire et inoubliable. Un exaltant voyage entre terre et mer. Publié par les majeures Éditions La Contre Allée.






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Chère Irma,
Je me souviens très bien du jour où nous nous sommes croisées entre deux places aux Correspondances de Manosque. Vous veniez de commencer à ouvrir puis lire devant les festivaliers rassemblés à l'auditorium les lettres encore cachetées que vous aviez envoyées à Clipperton. Lettres revenues après quelques détours improbables et magiques autour d'une bonne partie de notre planète.

Nous avions évoqué l'odeur de chlore, votre précédent roman et vous m'aviez parlé de cette folle entreprise. Envoyer des courriers à qui serait éventuellement là pour les recevoir, sur une île qui possédait un code postal, mais dont on savait pertinemment qu'elle n'abritait aucun habitant.

Si j'ai bien compris, c'est peut-être l'achat du paquet suranné et improbable de ces enveloppes "par avion" au papier si léger qui aura déclenché cette correspondance. Et un joli paquet de timbres beaux et aussi dépareillés que possible, permettant moyennant un coût minime d'envoyer ces plus de cent lettres au prix modique d'un courrier à la ville voisine, à condition de ne pas dépasser les 20 grammes de papier, qui aura également impulsé toute l'affaire.

C'est donc le 16 mai 2017 que vous avez décidé d'envoyer votre première missive, et cette correspondance s'est prolongée jusqu'au 26 septembre de cette même année.
Lettres dont une copie est envoyée en parallèle au gardien du trésor, histoire de ne pas en perdre la trace si celles-ci s'avéraient perdues à jamais, quelle excellente idée.

Je ne savais pas trop à quoi m'attendre et j'avoue avoir été conquise par ces digressions épistolaires. C'est drôle, surprenant, humble et humain, étonnant et gai, déprimant et sincère. Il y a un peu de tout dans cet échange à sens unique. L'attente d'une réponse malgré l'assurance qu'il n'y en aura pas, la connaissance toujours plus complète et complexe de l'histoire de Clipperton.

Cette île tantôt mexicaine, américaine ou française, convoitée puis oubliée, séduite puis abandonnée, exploitée puis dégradée par les différents pays qui s'y sont intéressés au fil du temps, mais qui confère à la France une place majeure sur le podium des décideurs internationaux possesseurs d'eaux territoriales.
Mais aussi une façon chaque fois différente de vous dévoiler à travers les écrits, de parler de ce qui vous entoure, pas seulement de cette île d'1,7 km², de ses crabes ou de ses rats, de son atoll envahi de plastique. de vous dévoiler et de parler de votre vie, comme à un ami à qui on enverrai une carte postale.
J'ai aimé lire et découvrir la progression dans l'échange, l'envie de partager une connaissance, de faire entendre une voix, de tenter de comprendre l'échec de la sédentarisation de population sur ce récif beaucoup trop petit pour faire vivre une communauté.
En fait, je me suis régalée à vous lire, j'avais l'impression de vous entendre découvrir ces lettres dans l'auditorium de Manosque, ce que hélas je n'avais pas pu faire. L'impression tout simplement d'avoir été moi aussi destinataire de ces lettres à Clipperton.

https://domiclire.wordpress.com/2023/10/15/lettres-a-clipperton-irma-pelatan/
Lien : https://domiclire.wordpress...
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