L'insulaire olympien
« À tout résident de l'île de la Passion-Clipperton. »
Irma Pelatan est d'ubiquité. L' île Clipperton interpelle sa conscience. Elle pressent un devoir. Rendre justice à cette possession française dans l'océan Pacifique. Île du bout du bout du monde, abandonnée et dont les vagues frappent cet atoll fragilisé par la désertion et le manque crucial de compassion. Bâtir un projet épistolaire.
Raffiné, solidaire, affectueux, ce dernier devient une passerelle pour
Irma Pelatan.
Écrire jour après jour au résident anonyme, à la parabole, à la transmutation.
S'approcher de l'île au plus près à brasses lentes et réfléchies. Pour une autrice fervente de l'eau, de «
L'odeur de chlore », des embruns et des quêtes existentielles il s'agit d'une renaissance. Construire une relation bleue (comme la couverture) chaleureuse et apaisante. C'est cela aussi ce beau livre atypique.
La constance d'une écriture qui voguera jusqu'au point fixe d'un idéal atteint.
Engendrer pour rassembler l'épars d'un passé où d'aucuns ont foulé ce lieu sauvage et aride.
Irma Pelatan est une perfectionniste. Elle rédige ses lettres au crayon de bois. Toutes de 20g, ornées d'enveloppes internationales (rares) à la si expressive bordure bleue, blanc et rouge.
« Nous verrons, nous avons le temps : il me reste 424 enveloppes. »
La première missive est dédiée « aux postiers autour du monde ».
C'est dire l'engagement, la rectitude et l'attention à l'envergure du dessein lové dans ses pensées, ses gestuelles et son temps le plus précieux : écrire.
« la mort, sur l'île, est aussi présente, aussi vraie qu'un rocher, toujours là, immuable ».
Entendre le crayon crisser et les voix qui s'éveillent dans l'atoll destinataire. Forger en rythme pavlovien, une correspondance au cher ami, qui n'est plus un fantôme, mais celui qui a foulé un jour certain cette île anneau Graal ou perdition.
Les lettres sont arborescence, idiosyncrasie, habitus. L'acte sceau d'une reconnaissance éternelle. Les endurances altières, tout prend place.
« Le monde boiterait sans Clipperton ! ».
« Me voici maintenant face à l'envers de l'île, face à cette forêt d'ombres, cet écho d'une réalité si différente, où Clipperton était habitée. »
« Combien sont morts sur l'île ? A un certain moment une centaine de personnes a peuplé l'anneau de l'île, les 1,7 km² de l'île, 17 m² par habitant…. ».
Irma Pelatan : l'île comme l'Alcazar, les lettres affranchies d'Histoire, de droit public, de géopolitique, d'écologie et de compassion.
« Je pense tant à vous, ami ».
Rien n'est laissé dans le hasard des flots ressacs et latitudes. L'introspection n'est plus une bouteille à la mer. Chacune des missives est un fronton à flanc de Clipperton, fête éternelle dans les entrailles de l'île.
Ce livre est une ancre. Il est du côté où la mer oeuvre au spéculatif. 6 femmes sur l'île ,
Irma Pelatan relève leurs cheveux, voiles sur les yeux. L'heure belle des mots arrachés au vent, aux craintes, île qui ne dort pas. Irma veille.
La plume mémorielle jusqu'à la consécration. Recevoir un jour certain un peu de l'île, colis Éden, dents de requin, galet, filigrane pour un lendemain : Projet poétique planétaire.
La création de ce livre est une aventure unique. La chance infinie des retours à l'expéditeur, rideau rouge des Correspondances de Manosque. L'épistolaire gagnant.
Apprendre par coeur : Ma lettre de ce soir se résumera à une devinette : que se passe-t-il sur une île sans maître, lorsqu'il ne reste que six femmes, quelques enfants et un gardien de phare ?
98799 le code postal Passion-Clipperton.
La souveraineté d'un projet, la sauvegarde d'une littérature d'amplitude.
« C'est que l'île est tellement d'îles ».
Prodigieux, d'une humanité exemplaire et inoubliable. Un exaltant voyage entre terre et mer. Publié par les majeures Éditions La Contre Allée.