Toutes les tragédies commencent là, par les détails, les faux hasards orchestrés de main de maître.
On n'imagine pas quels soins mettent les timides à ne vexer personne. Et, comble de l'ironie, c'est cette précaution même qui les éloigne des autres.
Quand, parfois, je me sentais étouffer sous la pression des parents ou de l'école, il me suffisait d'ouvrir un livre pour pouvoir respirer.
Quand il n’y a plus rien à détruire, il n’y a plus rien à attendre. L’espoir est mort.
On n’imagine pas quel soin mettent les timides à ne vexer personne. Et, comble de l’ironie, c’est cette précaution même qui les éloigne des autres.
Il y a des années que nous n’échangeons que des banalités ou téléphone. je ne suis pas allée non plus me recueillir sur tombe de Tadeusz. Je ne l'ai jamais vue. Je préféré continuer à croire qu'il est dans mon dos. Il me protège et me pousse.
On m’avait laissé en jachère depuis tant d’années, j’avais poussé à l’ombre d’un appartement comme une plante maladive. Je ne savais même plus, à cet âge-là ce que j’étais. Jusqu’à Tadeusz, je n’avais pas eu de coeur, ni de sexe.
Bien sûr, je n'inventais rien. Cent cinquante ans plus tôt, Hugo écrivait déjà : "C'est de l'enfer des pauvres qu'est fait le paradis des riches."
Pour le reste, timide et sensible, je faisais tout pour qu'on ne me remarque pas. Si j'aimais tant l'école, je crois que c'est parce que mes bonnes notes me donnaient l'impression d'exister.
En dehors d'elles, on ne me remarquait pas : mon humeur était égale, mon physique banal.
Pendant longtemps, je l'ai côtoyé sans le connaître. J'en rêvais un peu, vaguement, peut-être. Jusqu'à ce que sa vie vienne se cogner à la mienne...
Le choc fut si violent que, des années plus tard, alors que j'écris ses lignes, je tremble.