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Critique de Deleatur


Avant l'adaptation cinématographique de son roman Les Gardiennes par Xavier Beauvois, j'avoue très modestement que le nom d'Ernest Pérochon ne m'évoquait pas grand chose. C'est la belle critique des Creux-de-maisons par Gill, ici même, qui m'a incité à aller à la découverte de cet écrivain quelque peu oublié. Et quelle découverte !
Paru en 1913, le roman retrace la vie de Séverin Pâtureau, valet de ferme dans une campagne de l'ouest de la France. le récit s'ouvre par son retour du service militaire, et se clôt à l'aube de ses cinquante ans : trente années chargées de désillusions et des « malheurs de la vie », trente années de misère, évoquées en à peine deux cents pages qui remuent profondément le lecteur.
En matière de roman paysan, on n'est ici ni chez Zola ni chez Giono ; ni dans le naturalisme pointilleux et moins encore dans la transfiguration lyrique : la pauvreté de ces valets et de ces journaliers est poignante, écrasante, et pire que tout : elle paraît immuable. La misère est un héritage que les générations se transmettent avec fatalisme, héritage auquel on n'échappe qu'à travers un exil sans retour. Pérochon se retient de trop marquer l'époque de son récit : les éléments qui pourraient l'inscrire dans un contexte historique précis sont rares, et l'action se déroule en somme dans une sorte de XIXème siècle éternel. Mais dans les dernières pages, l'auteur rompt brutalement avec cette intemporalité et jette à la face de ses lecteurs que oui, en effet, cette misère est bien de leur temps et non d'autrefois.
La langue de Pérochon, aussi sobre que lumineuse, n'a pas pris une ride. Pas de péripétie spectaculaire et aucun mélodrame gratuit dans le récit. le talent de l'auteur force l'admiration dans sa capacité à faire vivre ses situations avec une grande économie de moyens. La moindre phrase sonne juste, et l'ensemble ressuscite pour nous un monde qui a irrémédiablement disparu. C'est une oeuvre littéraire, certes, et c'est aussi un tableau sociologique précieux sur l'univers paysan finissant, à la charnière des XIXème et XXème siècles.
Inutile de s'étendre davantage. le roman prouve à lui tout seul cette nécessité : Ernest Pérochon doit être redécouvert comme il le mérite !
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