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Citations sur Bande à part (10)

J'adore les querelles de famille quand elles sont vraiment des querelles de famille; c'est un signe de santé, cela prouve que la famille se porte bien. Les querelles d'idées m’écœurent, ces idées qui viennent on ne sait d'où, comme des épidémies exotiques colportées par des mouches à mots. Se battre pour des idées, c'est une idée de fou. C'est même un peu dégradant, à la longue, de s'égorger pour des ombres qui n'ont ni père ni mère.
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Tout en lui respirait l'urgence, mais, à dire vrai, le temps qu'il se déboutonnât, impossible d'affirmer si les grimaces de son visage tenaient plus à la peur qu'au travail des boyaux. Il avait une grosse figure plutôt pâle, une figure de paysan en mauvaise santé, mais sans ruse et même un peu simplet, un peu ridicule aussi avec son casque trop petit et couronné de piteux feuillages comme un gros luron bucolique en train de payer ses orgies. Sitôt accroupi, les traits se détendirent brusquement et je garde la vision d'une espèce de béatitude à la sauvette qui est l'une des images de guerre les plus importantes de ma modeste collection. Il arrive un moment où ces choses-là comptent plus que tout au monde, et il y a des gens qui bravent la mort plutôt que de faire dans leur pantalon. L'homme avait une terrible chiasse, une vraie chiasse d'Ostrogoth, qui faisait une pétarade lugubre à travers le vent et la pluie. Je peux même dire que le bruit nous fit une grosse impression et nous ne tirions toujours pas. Le détachement avait pourtant pris de l'avance en bas du chemin, et nous pouvions lâcher impunément notre coup de feu jumelé avant de nous barrer dans les replis de la montagne. Mon fusil était posé, bien immobile, sur un gros caillou, et je tenais l'homme au quart de poil dans ma ligne de mire, en plein dans le ventre, et j'en avait mal au ventre et le cœur sur les lèvres à le prévoir basculant le derrière dans sa crotte ou le nez dans la boue et le fessier au vent. On ne tire pas sur un homme qui débourre ; pas besoin de convention de La Haye pour expliquer la chose. C'est un interdit qui vient du fond des entrailles. Une fois reculotté, l'homme était peut-être un salopard, je ne veux pas le savoir, et cela m’étonnerait parce que les francs salauds s'arrangent toujours pour ne pas se mettre dans des cas pareils, mais, pour l'instant, nous étions liés par une fraternité à l'état brut, une solidarité sans phrase, et bien peu s'en fallut que je n'allasse lui offrir un bout de papier au nom de la condition humaine.
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Nulle part, même, nous ne cédâmes à l’ivresse justicière et, à ma connaissance, ne furent passés par nos armes que deux indiscutables chenapans de droit commun qui menaçaient de faire, dans la suite, une injuste carrière de résistant. C’est dire qu’il soufflait dans notre bande un esprit de mansuétude, ou d’inintelligence politique, assez subversif. Nous avions même la prétention d’être un maquis courtois.
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On ne les voyait [les chefs du maquis] pas souvent sur un cheval blanc ou noir, non plus qu’au bistrot ou même dans les escarmouches, histoire de parader cinq minutes et de se faire trouer le chapeau. De ce côté-là, nous n’eûmes pas de chance. Mais il y eut deux harangues. La première était du genre « ni à droite ni à gauche, en avant ! ni bleu, ni blanc, ni rouge, bleu-blanc-rouge », et autres quadratures de cocarde. C’était au moins le sens présumé du discours, car les échos de la montagne, habitués au bêlement des brebis, ne nous renvoyaient qu’un bafouillis grandiose. Pour la deuxième harangue j’étais absent, mais les copains me l’ont résumé ainsi : « C’est moi le vrai seul chef, l’autre était une andouille, la France continue. Tous unis contre César, serrez les braies. » Naturellement il n’y avait pas de Vercingétorix, et ma nature est si primitive que j’ai toujours un peu de mal à m’exciter pour une cause sans Vercingétorix.
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Je ne suis qu’un témoin minuscule et anecdotique, exclusivement solidaire de la petite troupe où je comptais, et parfaitement indifférent aux intérêts cafouilleux des autres bandes. Et là même où j’eus emploi, je travaillais clandestinement pour la gloire d’un petit nombre de fantômes. Après avoir cherché vainement pour quel vivant Bayard j’aurais pu honnêtement servir, mon secret plaisir fut de prêter mon bras à quelques ombres choisies comme Pharamond, Charette, Louis Le Gros ou Gaston de Foix. Avec les copains, bien entendu, les copains affiliés à l’immémorial copinage de la piétaille. Le meilleur, le franc butin de ce genre d’aventure, c’est le souvenir des copains.
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Les français ne sont pas aussi individualistes qu’on le dit et, de temps en temps, ils aiment bien se serrer les coudes ainsi qu’en témoigne leur goût très ancien pour les charges de cavalerie et leur formation en carré.
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Le principal ressort c’est toujours le jeu, et il faut bien avouer que nous étions tous là, plus ou moins, même les grands en gabardine, pour essayer de revivre des impressions de colonie de vacances. L’adulte est un enfant dégénéré, évidence biologique, et les vrais grands hommes sont des enfants qui ont réussi à durer. Tout compte fait notre commune et tacite raison, c’était de retrouver les vieux sentiers d’école buissonnière et de s’y payer une bonne partie entre copains ( p52)
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Vivant presque toujours au-dessus, au dessous ou au-delà du quotidien, il portait en lui un monde de catastrophes et d'espoirs dont il se libérait par le discours. Et j'ai dis quel discours : une espèce de déconnage orphique, un galimatias d'anthologie avec des contre-pèteries jaillies de source et des coqs-à-l'âne qui donnaient à réfléchir. Une diction magique surtout. Je ne me donnais pas toujours la peine de l'écouter, mais l'accent me gardait attentif. Pour ce qui est de la logique, loin de la dédaigner, il affichait à son égard un profond respect, multipliait les apparences d'une dialectique infaillible et toute locution conjonctive avait force de loi : par conséquent, suivez-moi bien, c'est dire que, à ce moment-là, il s'ensuit naturellement que, par le fait...Payé ce tribut à la logique, les enchaînement ne livraient pas toujours leurs secrets. Le vin d'ailleurs le délivrait de ces scrupules. Une chopine lui ouvrait les portes et, passé le litre, il se payait le plein plaisir du verbe : les mots lui montaient à la tête et c'est le vocabulaire qui prenait la muflée. Au hasard du discours jaillissaient alors des surprises dont il s'émerveillait tout bonnement et, sur un adjectif insolite surgi au plus confus du déballage, il bâtissait un système, nouait une angoisse, moquait le monde et soudain découvrant ses dents courtes, lâchait un rire vibré, strident, effréné qui, entre autres effets, rebroussait le poil des sous-offs de carrière.
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D’une façon générale, se battre pour des initiales me paraît toujours une aventure assez louche, on a l’air de se battre pour une firme, pour une société anonyme, pour un trust. Le S.P.Q.R. lui-même ne m’a jamais fait bonne impression. Sans doute, les enfants d’U.S.A. et d’U.R.S.S. chérissent-ils le doux nom de leur patrie, c’est une question d’habitude et, tant qu’à faire de mourir pour des mots, autant mourir pour leurs initiales, c’est plus vite fait. Mais le monde des initiales est déjà un monde froid et lointain, annonciateur des ténèbres matriculaires. Enfin, nous appartenions à l’O.R.A. ; d’autres se disaient affiliés à l’A.S., aux F.T.P., à l’U.B.N.G.F., à la B.N.C.I., et un petit nombre se flattait bizarrement d’appartenir à l’I.S., ou Intelligence Service. Tout cela faisait un certain nombre de sociétés plus ou moins batailleuses, farfelues ou cafardes, spécialisées dans l’invention des traîtres, le châtiment martial, la lutte contre les Allemands, la foire d’empoigne, le sabotage, le scalp des ribaudes, l’arrachement des effigies du Maréchal.
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Nous prêtons volontiers à l'homme primitif des instincts de bête sauvage et c'est pure médisance. Il m'est arrivé naguère d'aller à la chasse au pécari avec un indien tout ce qu'on peut imaginer de plus préhistorique et il s'est longuement perdu sur le chemin du retour. Il m'a même dit que c'était la faute des petits nains des bois qui avaient embrouillé les signes. Non seulement j'en déduis qu'errer est dans la nature de l'homme, mais s'en disculper est un vieux souci. Pour trouver le chemin de la caverne, nous avons, Dieu merci, toujours tâtonné un peu et les certitudes ennuyeuses de l'insecte nous furent épargnées de tous temps; pourvu que ça dure. Toujours est-il que le civilisé qui affecte un penchant nostalgique pour le bestial ancêtre, c'est un mal-appris doublé d'un jobard qui se met le doigt dans l'oeil.
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