Dans le quartier de Highgate, l'incendie volontaire d'une maison cossue coûte la vie à Clemency Shaw, épouse du Docteur Shaw. Pitt, chargé de l'enquête et bénévolement assisté par Charlotte qui met sa curiosité et son intuition à son service, doit d'abord déterminer si la victime est bien la personne ciblée par le meurtrier, puisque Clemency a annulé une sortie au dernier moment, alors, qu'au contraire, le Docteur Shaw qui aurait dû passer la soirée chez lui, a été appelé en urgence pour assister une jeune maman en couches.
L'intrigue est classique, soutenue par l'écriture irréprochable de l'auteure : recueil de témoignages, collecte d'indices, recoupement d'informations, auprès de la famille et des proches des Shaw. Nombreux sont les suspects, chacun et chacune ayant des activités délictueuses ou des secrets familiaux impossibles à révéler. Ce n'est pas tant le déroulement de l'enquête, dont le dénouement n'est pas totalement inattendu, que l'atmosphère victorienne qu'
Anne Perry restitue avec la précision d'un historien ou d'un sociologue, qui est savoureuse. Les "séries-philes anglophiles", retrouveront l'ambiance de The little Dorrit et de Ripper Street.
Sans discours revendicatifs, rien qu'en dépeignant scrupuleusement leur quotidien,
Anne Perry dresse le tableau de la condition des femmes dans une société conservatrice et confite en dévotion, hypocrite, dans laquelle les convenances priment les sentiments personnels, travailler est vulgaire, et le niveau de vie se juge à la qualité et la quantité des loisirs. C'est pour ces raisons que le travail de Pitt est particulièrement compliqué à accomplir, car il est considéré comme un homme obligé de gagner sa vie, un minus habens, qui a l'outrecuidance de fouiner dans la vie oisive des notables en les interrogeant.
Dans ce contexte étriqué, Charlotte quant à elle, apparaît comme un esprit libre et ouvert, une jeune femme aux idées éclairées, considérées, of course, comme anarchistes. En effet, dans cette période si proche, il convient pour les femmes bien nées, de ne connaître que ce qu'on leur a appris ; elles ne lisent dans les journaux et magazines que ce qui est censé les formater pour devenir des femmes vertueuses et obéissantes, le coeur de la famille, elle-même au coeur de la nation. Participer à des oeuvres de charité et distribuer de la soupe et des confitures aux pauvres indigents méritants de la paroisse, est le seul loisir envisageable pour elles.
Charlotte et Pitt, tous deux animés par un bel humanisme et porteurs d'idées progressistes, militants de l'égalité et protecteurs des exploités, doivent déterminer les causes du décès de Clemency dans un contexte où il est audacieux de supposer que les femmes ont un cerveau. Au nom de quelle noble cause Clemency est-elle morte ?