Le loup viendra. Il vient toujours. Parfois, il oublie. Un jour, deux jours, trois jours, une semaine. Mais il revient. C'est le propre du loup : on a beau lui donner tout ce qu'il veut, il finit toujours par avoir faim à nouveau.
La Gueule du loup va t’attraper. La gueule du loup va t’avaler. Tu ne peux pas lui échapper, la gueule du loup se moque de ta peur comme de ta douleur.
Là, au moment où j'ai vu le bloc massif de sa façade, le malaise du début d'après-midi m'a retraversé l'esprit. La lumière de l'entrée était allumée, celle de la chambre de maman et celle de ma chambre également. Une bouche, deux yeux, un visage grave presque menaçant. Mes propres peurs me font sourire, j'ai toujours aimé donner des visages aux choses. Un jour, j'ai découvert qu'il existait un mot pour qualifier cette tendance à humaniser ce qui nous entoure: la paréidolie. Qu'un mot existe m'a rassurée. S'il a fallu l'inventer, c'est que je ne suis pas la seule à me faire des films. Il n'empêche : j'ai beau savoir que c'est mon imagination qui dote la maison d'un visage, il m'a fallu du courage pour l'affronter et me faire avaler de mon plein gré par la bouche géante.
On passe notre temps à inventer des causes à ce qui nous touche.
On peut être seul au milieu des autres, j'en ai souvent fait l'expérience.
Je me sens idiote avec mes pudeurs, évidemment qu'à seize ans je ne fais plus de câlin à ma mère, mais cela ne devrait pas m'empêcher de tendre une main vers elle quand elle va mal.
Sur mon compte Instagram j'écris que le virus a certainement été déposé sur Terre par des extraterrestres avant l'apparition de l'humanité, et que ce n'est pas un hasard s'il se réveille maintenant alors que l'on parle sérieusement d'aller fonder une colonie humaine sur Mars. Ensuite, je coupe tout. J'espère que l'on comprendra mon humour, mais je suis sûre que certaines personnes me prendront au sérieux ou me jugeront frappée. Je ne supporte plus celles et ceux qui- cachés derrière leur écran- semblent mieux savoir que tout le monde ce qu'il faut faire pour se protéger du virus.
La famille peut être le plus grand des bonheurs comme la pire des horreurs, jai pensé.
Peut-être que ma mère finira par me raconter cette histoire, qui est étrangement une partie de la mienne; c'est étourdissant d'y penser : des gens font des enfants, et ainsi de suite jusqu'à ce que l'on existe. C'est stupéfiant et bizarre de ne pas savoir d'où l'on vient au-delà de nos propres parents.