Le soleil est nouveau chaque jour

( *Killian)

Amazon est une machine de guerre, Bezos, un despote qui ne respecte aucune loi, qui casse autant qu'il peut le droit du travail.(...)
il ( *Killian) a essayé de dire tout ça, et bien plus encore.
On a applaudi à son récit.
Ceux qui avaient présenté leur exposé se sont mis à hurler de colère. Pas touche à leur idole.Bezos est à leurs yeux le summum de la réussite : riche, célèbre, il a inventé un système et il a raflé la mise, éclatante preuve de son intelligence.Rien n'aurait pu les faire changer d'avis, comme rien ne pourrait modifier les convictions de Killian.Ce n'était plus un débat sur l'économie ou la politique, c'était un débat philosophique sur le sens de la vie.
Dans la classe, il y avait une poignée d'élèves qui pensaient sincèrement que l'on avait le droit de marcher sur la gueule de n'importe qui pour devenir riche.Et une autre poignée- comme lui, comme moi, comme nous- qui pensait l'inverse: qui parlaient de respecter autrui, de respecter l'environnement, de partager au mieux les richesses, d'améliorer les conditions de vie plutôt que d'amasser des fortunes personnelles.
La grande majorité des autres élèves n'avaient pas d'opinion.


( p.141(

Ne pas pouvoir mettre des mots sur un oiseau ou sur un arbre m'attriste; lâché en pleine forêt, je serais incapable de distinguer un végétal qui se mange d'un végétal toxique.J'ai beau manifester pour le climat, me sentir concerné par la cause écologique, je suis ignare face à la nature.Je manque de vocabulaire pour décrire ce qui m'entoure, pour qualifier les arbres et les insectes et les rongeurs et les rapaces. Je m'en tiens à des généralités, des mots tellement vastes qu'ils ne veulent presque rien dire (...)

( p.144))

Quand j'étais enfant, j'adorais le brouillard, je m'étais inventé une petite histoire comme quoi le monde était fatigué de toujours apparaitre, qu'il avait vesoin de se reposer de temps en temps et que, pour cela, il avait inventé le brouillard.


( p.96)

Il a entendu parler pour la première fois de désobéissance civile: on peut être hors-la- loi et accomplir des actions justes.

( p.57)

En exergue citation de Marielle Macé,
" Nos cabanes "

Faire des cabanes en tous genres- inventer, jardiner les possibles; sans craindre d'appeler " cabanes" des huttes de phrases, de papier, de pensée, d'amitié, des nouvelles façons de se représenter l'espace, le temps, l'action, les liens, les pratiques. Faire des cabanes pour
occuper autrement le terrain; c'est-à-dire toujours, aujourd'hui, pour se mettre à plusieurs.

Nous avions le sentiment d'être une équipe, comme dans ces films à gros budget où des mercenaires s'associent pour faire sauter la banque ou sauver le village mexicain du racket des méchants desperados.

( p.139)

(* Killian)

Killian est étudiant aux Beaux-Arts d'Épinal, il nous a dit qu'il a eu un déclic l'an dernier en cours de sciences économiques et sociales, au lycée, durant un exposé.Un petit groupe avait préparé un Powerpoint sur Jeff Bezos.(...)
Au tableau, donc, trois élèves évoquaient Bezos avec des trémolos d'admiration dans la voix.(...)
Bezos était le plus riche , donc le meilleur.

( p.140)

Plus tard, papa nous a expliqué qu'il y avait d'un côté la justice et de l'autre ce qui était juste.La justice était l'ensemble des lois auxquelles les citoyens devaient obéir. Ce qui est juste est bien plus vaste, c'est une question morale. Et parfois, il arrive que la justice soit injuste.Une loi qui pénalise quelqu'un qui aiderait une personne sans papiers serait une loi injuste.Une loi condamnant quelqu'un qui fouille dans les poubelles pour se nourrir serait une loi injuste.Papa avait cité tellement d'exemples que la tête tournait un peu.Je ne m'étais jamais posé les questions qu'il soulevait. Dans mon esprit d'enfant, la loi était la loi.

( p.65)

Bon nombre de choses ne se révèlent que si on prend le temps de les observer vraiment, de les éprouver sans se contenter de leur jeter un coup d'oeil en vitesse.
C'est peut-être l'un des problèmes de l'humanité : être trop pressée.

p.15

En exergue citation de Marielle Macé,
" Nos cabanes "

Faire des cabanes : imaginer des façons de vivre dans un monde abîmé .