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Critique de EvlyneLeraut


Crépusculaire, dans une orée profondément humaine, « Les Terres animales » est une dystopie qui pourrait advenir un jour certain, au plus près de nous.
Judicieux et pétri de sentiments, ce récit est une mise en abîme finement sociologique et psychologique.
Un drame nucléaire, d'une ampleur catastrophique qui dépasse Fukushima, foudroie une région, voire plus.
Laurent Petitmangin zoome sur un village. La zone est sanctifiée. Les radiations prégnantes, irréversibles et sournoises, sont les vestiges d'une destruction lente, aveugle et noire.
On imagine le basculement vers le chaos, le glacé d'une terre devenue stérile.
Un lieu fantomatique où, pourtant un groupe d'amis vont rester. Se confronter aux épreuves et inventer un modèle de société dont on pressent la vulnérabilité.
La résistance face aux diktats d'un monde qu'ils réfutent. Faire comme si. Ne pas rejoindre la rive du monde d'avant. Continuer à avancer dans une autarcie où la frontière mentale est la parabole du nihilisme. Ils sont condamnés et le savent.
Mais le vivre-ensemble n'est pas empoisonné. Alessandro, Lorna, Marc, Sarah et Fred ; complices et soudés, dans cette épiphanie imaginaire, celle de marcher à l'aveugle, vont oeuvrer pour un nouvel habitus.
Le récit est un hymne à la nature, aux palpitations d'une terre pourtant ravagée. Au silence qui sanglote et qui quête un appel d'air pur. Les attitudes des uns et des autres, les efforts et les soumissions aux compteurs Geiger. Cette nouvelle géographie qui blesse les sentiments et les opportunités, les espoirs et le futur pris en tenaille.
On aime voir Alessandro, le charpentier, compagnon des résiliences, sur les toits, afin de réparer cette métaphore entre le temps présent devenu et l'ancien monde.
Pourtant, il suffirait d'un signe de main pour quitter le village et rejoindre la noria du recommencement dans le miroir faussé d'avant. le gué où s'agite un nouveau point de départ. le choix est toujours possible. Mais ce livre est d'une haute capacité. La conscience d'une utopie dessinée à la plume. Dans le village où ces jeunes êtres sont en proie aux désirs, aux fiançailles des sensualités, aux drames et souffrances, Laurent Petitmangin enchante ce qui ne peut être radié. On ressent un viatique. Un regard tourné vers la lumière intérieure. L'écriture est la Canopée.
« Il était là, j'étais là aussi, et dans ce village assez étanche au reste du monde, cela suffisait. »
Que dire de l'autre village où vivent les plus vieux, le vieux docteur dont on aime la théologale approche du soin. Les Ouzbeks qui tirent sur les drones comme sur des lapins. le refus de la surveillance et de l'autorité. Ils veulent l'espace libre. Se penser comme des seigneurs dans un village en dérive. C'est une poésie de détresse sourde. le pouvoir des Terres animales. le regain dans une autre palette de couleurs.
« Les Terres animales » est profondément humaniste. Les radiations comme des taches noires sur les espérances. L'animalité qui cherche son souffle. Bien au-delà, le rythme hypnotique d'un récit plausible.
Dans la lignée « Des enfants de Noé » de Jean Joubert, « Malevil » de Robert Merle, (mon livre de chevet), « Les Terres animales » est lucide et fondamental. Finement philosophique, il y a des envolées de tendresse, des corps lianes qui s'éprouvent et s'approuvent. Un bébé à venir qui va tout bouleverser. Un arbre généalogique édénique.
L'éthique de la survivance. Que va t-il se passer au plus profond des terres animales qui vont subrepticement prendre conscience du temps présent ?
Ce livre sonne le glas de nos arrogances. Il est une ode, un livre de salut. Superbement filmique, au ralenti, il semble un modèle de résilience. C'est un rai de lumière en plein hiver. Écologique, au plus près « je hurle pour les autres . » Publié par les majeures Éditions La Manufacture de livres.


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