Le roman des Croisades - Intégrale

- Accuser le diable pour échapper à sa responsabilité est une lâcheté. Facile, Raimond, trop facile... C'est notre nature humaine qui est en cause, et elle est mauvaise. Le diable n'y est pour rien, ou alors il se cache bien. Je savais ce que tuer de sang-froid veut dire avant de me trouver devant ce bétail humain à égorger. Expier, oui, mais je n'ai aucune grâce à attendre du Ciel...
(...)
- (...) J'ai appris de même que le fond de notre nature est pétri de boue plus que de lumière, et que c'est de nous-mêmes plus que de nos ennemis, quels qu'ils soient, que nous devons nous méfier.

(Les croisés, après la prise de Jérusalem en 1099 et le massacre de tous ses habitants)

-Dieu est avec nous, mes frères! La nuit passée, j'ai reçu un message duTrès-Haut m'annonçant le triomphe de nos armes. Cette voix me disait...
Le légat lui coupa rudement la parole:
-Si Dieu est avec nous, je lui demande d'accéder à ma prière: qu'il vous rende sourd et muet...

Il faut rendre grâce à Noureddin de n'avoir pas mis à profit l'état d'affliction du royaume pour déclencher une offensive qui nous eût peut-être rejeté à la mer: il avait gardé son estime à ce rival malheureux. L'adversité, à la longue,quand elle ne s'accompagne pas de mauvaise foi, peut engendrer respect et sympathie. L'esprit chevaleresque n'est pas le privilège exclusif des occidentaux.

Le 21 août de l'an 1131 du règne du Christ, le roi Baudouin, deuxième du nom, entra dans la gloire de Dieu, pleuré de tous pour sa sagesse, sa tolérance, son courage et sa foi.

Seigneur Dieu, fais en sorte que cette terre bénie soit à jamais la tienne. Nous avons versé tant de sueur, de larmes et de sang pour l'arracher aux mains des infidèles, que personne, grâce à Ton aide, ne pourra nous la reprendre. Seigneur, veille sur nous comme nous veillons sur Ton troupeau...

"Je n'ai pas fait le compte des gens que j'ai passés au fil de l'épée: une dizaine, une vingtaine peut-être, je ne sais plus. J'agissais comme si toute trace de raison m'avait abandonné, que je me trouvais soudain plongé dans un monde où non seulement tout était permis, mais où massacrer était une tâche sainte, un devoir religieux. Par Dieu, je le regrette et n'aurai pas assez de toute ma vie pour expier. Expier pour des actes dont la culpabilité m'échappait!

A ceux qui regrettaient qu'il n'eût pas accepté le titre de roi, il répondait avec sa mansuétude ordinaire:
"Comment oserais-je porter une couronne d'or et de perles alors que le Christ, lui, n'avait qu'une couronne d'épines,"