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Critique de brigittelascombe


"Vieux ou jeunes,ils étaient tous du même grain,et leurs mains enfouies au fond des poches des knickers,ou nouées derrière le dos,à la façon paysanne,portaient le cal du piolet,du rocher,de la corde,les stigmates de leur métier:la charge d'âmes à assurer vers les sommets."
Ces quelques mots, même réduits à "charge d'âmes" ou "stigmates" pourraient résumer à eux seuls le rôle poussé à l'angélisme des guides de haute montagne, du jeune guide suisse Jos-Mari, héros de Matterhorn, choisi par Joseph Peyré (écrivain hors-normes du XX° siècle, à présent décédé, qui a reçu le prix Goncourt 1935 pour Sang et lumières) pour porter sa fragile cliente Kate Bergen jusqu'aux sommets malgré son manque de pratique,son obstination dangereuse et surtout en dépit des forces incontrôlables des éléments déchainés.
Jos-Mari:un prénom à la fois Joseph et Marie pour montrer la foi indestructible de ce guide investi de "mission", car il ne s'agit pas ici d'une simple course en montagne.Kate, délaissée par son mari Ludwig, s'entraine pour accomplir avec lui ce "chemin de croix" et retrouver son amour perdu.C'est seule avec Jos-Mari, et son vide intérieur qu'elle affrontera les forces démoniaques déchainées de la tempête et le mal qui la ronge.
Ce roman d'aventure, où l'amour qui pourrait être, reste chaste car issu d'une relation maternelle entre le guide et sa cliente, est pour moi un chef-d'oeuvre classique que le temps ne doit pas permettre d'enterrer.
On retrouve ici la montagne personnifiée, inhumaine ("il n'y a pas d'histoire humaine au Matterhorn") comme dans Colline de Jean Giono, mais un Matterhorn à la "nuque de lion de mer dressé au combat" à la fois bon et mauvais, ambigu. On retrouve le dépassement de soi cher à Saint-Exupéry.
On retrouve le thème de la solitude désespérée cher à l'auteur Joseph Peyré qui dans Sang et lumières choisit un toréador préparant son suicide dans les arènes.
Et surtout il faut saluer l'écriture limpide de l'auteur, sa fine description psychologique des personnages (Jos-Mari a "la patience des arbres",c'est un garçon "massif", au "coeur solide"courageux, il est fiancé et se trouve perdu face à la douceur fragile de Kate), le sens du décor naturel et communautaire (Davidson "prophète décharné, vieux fou qui prédit des morts futures; Mistress Key "agitée aux cheveux roses" qui veut créer un ermitage, Rudi le champion de ski provocateur, le vieux guide Mathias et son "emphysème", le chien Wolf sous le charme de Kate...), le maniement des émotions (entre bonheur et angoisse)
Il est des livres qu'on garde précieusement comme un morceau d'enfance ou un leg.
Ma version date de 1939 mais ses pages jaunies tiennent toujours la route!!!!
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