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Citations sur Vaste comme la nuit (23)

— Albert et Mathilde, faut pas te faire des nœuds au cerveau. Ils viennent juste de la même planète chelou. Quand t’as plus personne qui te ressemble, que t’es le dernier extraterrestre de ta race, tu te demandes si t’es pas une erreur de casting et quelle est ta place… Enfin, s’il y en a une pour toi… Un peu comme Superman, tu saisis ?
Il saisit. Une minotte de treize ans vient de lui délivrer un cours de psychologie. Il prend cette main toute neuve et la serre avec tendresse.
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La peur est plus vicieuse qu'un collet. Une fois qu'elle t'a alpagué, si tu lui laisses mener la danse, tu es mort. Plus tu cherches à la fuir, plus son acier te rentre dans les chairs. Tu tires, elle te cisaille. Tu lui tournes autour, elle te pend.
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- Le gros dossier concerne la disparition en 1987 d'une jeune femme de vingt-cinq ans, une certaine Jeanne Bihorel.
- Et ils l'ont retrouvée morte, je parie…
L'œil sombre, Orsalhièr secoue la tête.
- Ils n'ont rien trouvé du tout.
Pas même un corps… L'instruction Bihorel appartient à ces vingt pour cent d'affaires non élucidées dont le temps lisse les stigmates en apparence seulement. […]
- La cicatrice, sa phobie et son amnésie. L'accident de Mathilde s'est produit le jour où Jeanne Bihorel s'est évanouie dans la nature. Et c'était sa voisine.
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Dans le miroir, Adèle admire sa coiffure sous tous les angles. Sa double tresse africaine, c’est la grande classe. Bien sûr, il y a ce fichu bouton en plein milieu du front qui gâche le tableau, mais bon, elle n’y peut pas grand-chose, sauf attendre que ça passe. Surtout ne pas le percer, bien que l’idée soit tentante. Même si elle n’avait pas pioché ce conseil dans un traité de dermatologie, elle l’aurait deviné à voir la gueule d’une copine qui n’arrête pas de traire son sébum. Adèle dépose une goutte de fond de teint et l’estompe, ce qui a pour effet d’effacer ses taches de rousseur dans un rayon de trois centimètres autour de l’objet du délit. C’est pire qu’avant. Elle y va d’un coup de gant rageur. Encore quatre ou cinq ans au bas mot ! C’est long, l’adolescence.
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Le village de Goulier émerge peu à peu des brumes. Un vent descendu des sommets de la Haute-Ariège le vivifie, soufflant un parfum de neige et de pierres. Bientôt, après des loopings dans la vallée de Vicdessos, il se réchauffera des senteurs melliflues de fleurs, des odeurs de mousse. Assise sur la dalle froide, Mathilde Sénéchal est hermétique à la magie du jour qui se lève. Un cauchemar l’a tirée du sommeil. Toujours le même. Elle, enfant, filant sur sa bicyclette, la gorge et le nez agressés par une puanteur mentholée, fuyant elle ne sait quoi ou qui. Et la chute, immuable dénouement de cette course effrénée, insensée. Une culbute vers l’abîme qui la laisse nauséeuse et remue des questions demeurées en suspens.
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Avant de quitter le salon, Hortense s’arrête un instant devant les portraits de ses parents et de ses grands-parents paternels posés en évidence sur le buffet. Elle a tressé ses cheveux en couronne comme son aïeule slave le lui a appris. Sa coiffure est rehaussée de peignes d’argent sertis de lapis-lazuli et ses joues sont poudrées. Une tasse de café dans une main, sa canne dans l’autre, elle veut être aux premières loges pour voir ses pommiers fardés des mordorés de l’aurore. Au bout de sa laisse, Minette miaule d’excitation et trottine en faisant tinter son grelot. Sous la pergola, Hortense tapote les coussins du fauteuil en rotin et prend ses aises dans l’attente du lever de rideau. Après tant de petits matins, son impatience demeure. Il est des joies et des émerveillements que la répétition ne peut amoindrir. Aujourd’hui, elle se réjouit doublement d’être en vie. Maurice Deschamps n’a pas survécu à la nuit.
— Ç’aurait été plus drôle s’il avait attendu le 24 juillet. Mais on va pas bouder notre plaisir, Minette, même s’il nous a fait le coup de l’éjaculateur précoce ! Ce gros tas est mort de trouille. De trouille ! C’est à pleurer de rire… Ce serait bien que Solange se décide, elle aussi…
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Hortense Maugris jette un regard mauvais à l’horloge. Bras croisés au milieu du salon, la vieille dame se tient droite, nuque dans l’axe de la colonne vertébrale et menton pointé vers l’avant. Elle porte un pantalon d’homme, des baskets et une blouse indienne couleur safran. Ses cheveux tombent librement jusqu’en bas des reins. Avec une vigueur insoupçonnable au vu de sa morphologie de guêpe maçonne, elle fait claquer sa béquille contre le carrelage.
— Cette manie d’être en retard ! Si elle n’était pas aussi écervelée, je finirais par croire qu’elle le fait exprès… Toi, ça t’est égal, hein, Minette ? Tu ne connais que l’heure de ta gamelle.
Sur le rebord de la fenêtre, la chatte noire gavée de soleil entrouvre un œil mordoré, étire son échine élastique, se love derechef et se rendort. Avec délicatesse, malgré ses doigts déformés par l’arthrose, Hortense gratouille la gorge du félin tout en surveillant l’allée principale, un chemin non carrossé bordé de pommiers en fleur. À une trentaine de mètres, un grand blond au teint hâlé répare une clôture. Il lève la tête de son ouvrage et agite la main. La guetteuse lui retourne un hochement de tête. Dans un nuage de poussière, une voiture lancée à vive allure surgit du virage masqué par un colombier.
— Pas trop tôt ! Si elle s’imagine que je n’ai que ça à faire, cette grosse dinde !
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Couinez genoux, et que la peste soit de la vieillesse ! Tant qu’elle ne travaillera pas du chapeau, ses jambes fléchiront. Elle, jamais ! Elle grimpera ici jusqu’à la mort. Peut-être y rendra-t-elle son dernier souffle. La perspective lui est douce. Enfin, pas avant d’avoir arrosé la tombe de Solange, vitupère Hortense en posant le pied sur le dernier barreau de l’échelle. Elle se déchausse, remue les orteils et se délecte de la sensation de ses pieds nus sur les planches de bois brut. Voilà une vie d’homme que le bâtiment n’a pas hébergé de pigeons. Déjà, du temps du grand-père, le rez-de-chaussée servait de fourre-tout pour les outils de jardin et l’étage, de magasin pour les pommes et les prunes. L’odeur s’accroche encore aux solives, une cire gourmande et fruitée, rehaussée d’une larme de madère. Les murs ont été badigeonnés à la chaux. La pièce est meublée d’un lit bas, décorée de tapis et de coussins chamarrés. Une gerbe de lavande pendille devant la lucarne. Après la mort de ses parents et le début de ses activités dans la Résistance, Hortense avait annexé l’endroit. Elle s’allonge et libère ses cheveux, sillons neigeux sur les tissus défraîchis. Oublier les douleurs et les fatigues. Se désaper de ce corps comme on sort d’un vieux sac, récurer la crasse des ans. S’en tenir aux fils des nerfs dénudés, ne plus tenir que par eux, les recharger à la dynamo des souvenirs. Trente-sept rendez-vous.
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Il est des vies qui s'éteignent sans s'être jamais consumées. (p.304)
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Sous la surface, le travail de sape se poursuit à bas bruit. Un boulot de termites. Un jour, un souffle, et ne reste que la sciure. Le berger fait tintinnabuler sa cuillère en évaluant la pile de documents d'un œil critique. Son verdict est sans appel.

- Les flics, c'est comme d'autres pour la parlotte, moins ils en savent, plus ils écrivent.

- T'as pas tout à fait tort... Mais dans ce cas, il s'agit des gendarmes. J'ai à peine survolé les documents, tu sais.

- Et les autres papiers ?

- Des mains courantes concernant des malveillances diverses, dégradations de biens, vols et des animaux morts...

- Eh bé ! Si un saligaud s'en prenait à mes bêtes, je le pèlerais à vif, tu feras la commission à ton Titan quand tu le croiseras. Si tu en réchappes !

Les deux amis se regardent de travers. Mais le cœur n'y est pas. Ils se chamailleront une autre fois à propos des ours et des hommes, de la bestialité des uns et de la toute-puissance assassine des autres, de l'impossible cohabitation aux dires du berger, de la nécessaire préservation selon le photographe naturaliste. Orsalhièr va chercher une bouteille d'eau-de-vie et met sa tournée. L'offrande vaut cessation des hostilités. Jehan aspire une gorgée et fait claquer sa langue de satisfaction.

Bon, bon... Ces saloperies, il y a un rapport avec la fille qui s'est volatilisée ?

L'ex-flic hausse les épaules, incertain. Les faits consignés dans les plaintes semblent étrangers à l'affaire principale, hormis qu'ils sont circonscrits au même espace temporel et géographique. Raison pour laquelle Lazaret explique les avoir retenus. Orsalhièr abonde dans son sens. C'est parfois à la périphérie des enquêtes que dépasse le fil permettant de démêler la pelote. Et le nœud de vipères.
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