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205 pages
Babel - Actes Sud (03/01/2024)
4.03/5   242 notes
Résumé :
La fête bat son plein à la Villa rose pour la célébration de fin d’études de Raffaele, héritier de la riche famille des Delezio. Tout le village est réuni pour l’occasion : le baron Delezio bien sûr ; sa femme, la jeune et divine Tessa, vers laquelle tous les regards sont tournés ; César, ancien carabinier devenu bijoutier, qui est comme un père pour le jeune Libero ; et bien d’autres. Pourtant les festivités sont interrompues par un drame. Au petit matin, les événe... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (75) Voir plus Ajouter une critique
4,03

sur 242 notes
Mais quel roman! On est saisi d'emblée par la beauté de l'écriture. La puissance du texte, sa tension dramatique et sa gravité de ton rappellent la tragédie antique, d'ailleurs le spectre de l'Antigone de Sophocle plane tout le long du récit car c'est le livre de prédilection d'un des personnages principaux. Elena Piacentini nous offre une histoire à la fois dure et lumineuse, lyrique et percutante. Dans un petit village imaginaire du Sud, qui pourrait se situer en Corse ou en Italie méridionale, dominé par l'imposant massif de l'Argentu on suit les aventures du narrateur, Libero Solimane, jeune homme de 18 ans en quête identitaire. Dans ce roman d'apprentissage une succession d'épisodes violents qui seront aussi mortifères que libérateurs changera Libero à tout jamais. le récit s'ouvre sur l'enterrement d'un vieux tyran du village et sur la découverte du corps « d'Herminia la folle » alors que la fête bat son plein à la Villa rose chez le suffisant et riche baron Delezio. S'ensuit un enchaînement d'événements qui placera Libero dans la tourmente menant à une poursuite palpitante à flanc de montagne. Son seul refuge sera « la grotte aux fées » futur théâtre d'événements tragiques. le récit de Libero est ponctué par la confession de certains personnages morts ou vivants qui ajoute à l'intensité dramatique, leurs voix brisant les secrets résonnent comme des testaments spirituels. Est-il possible dans « ce pays rêche comme des mains de berger » où « le seul pardon qui vaille sort de la bouche d'un fusil » d'échapper, entre omertà, loi du talion et guerre des clans, à la folie criminelle de ses ancêtres, à l'atavisme de la violence, au poids des secrets et à ses origines? de s'émanciper du déterminisme social pour trouver sa propre voie? En tout cas les personnages centraux mettent toutes leurs forces à s'affranchir d'un implacable destin. Libero s'éveillera à l'amour et à la sexualité de manière inattendue. On est touché par ces personnages tempétueux, torturés par le passé, fiers, irrigués par la colère mais aussi dignes et courageux. Un texte fort, des personnages profonds, une écriture poétique, un roman dense que l'on referme ému bref il faut le lire!
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Ogliano, le gradin des collines, les mystérieux contreforts de l'Argentu…. C'est beau, pourtant notre narrateur Libero Solimane ne rêve que de départ, car pour lui aucun mystère dans ces paysages, “mais au contraire la manifestation flagrante d'une vérité sans âge : aux bien nés, la poésie, aux autres, l'âpreté du réel.” A Oglione on se baigne toujours dans le même fleuve. Chacun a un rôle et une fonction bien précise. Qui s'égare est très vite mise à sa place. Libero et sa mère Argentina en sont « les originaux ». Tout simplement parce que le grand-père s'est obstiné à envoyer sa fille à l'école après qu'elle avait appris à lire et à compter, et que cette dernière a enfanté sans mari ou fiancé à l'horizon !
Dans ce sud ancestral probablement de la Corse, un drame est au coeur du sujet enseveli sous les silences des habitants d'Ogliano qui obéissent au fameux motto, « Tout le monde a un prix », suivi de la question de «  Ce que vaut la vie d'un homme ». Mais rien n'est aussi évident ni manichéen qu'il y paraît…..
Piacentini à travers les paysages splendides des montagnes de l'Argentu et les voix de personnages plein de charisme déroulent le tapis des secrets à travers des monologues magnifiques , « Moi, je crois que chacun possède son Argentu, un endroit où on se sent relié aux autres et à plus grand que soi, si grand qu'il ne sert à rien d'essayer de le comprendre. Il y a des gens qui n'ont pas cette chance, ceux-là, je pense qu'il leur manque quelque chose même s'ils ne s'en rendent pas compte. » Et au coeur de ce récit, de Raffaelle fils du baron du lieu, à Solimane en passant par Gianni, l'ami d'enfance devenu délinquant, il y a le mythe d'Antigone, celle qui va contre sa famille, contre l'ordre établi, où se pose l'éternelle question : “les lois de la Cité priment-elles sur les lois de la famille ? “
Un beau roman qui parle d'amour, d'amitié, de vengeance, d'honneur, et du doute sur le manichéisme de l'Homme, « Tout le monde ne réussit pas à trouver ses fils d'argents », et tant qu'on ne les trouve pas, cela ne laisse pas de place pour la vie. le bien et le mal ne sont pas gravés dans le marbre, “Entre le tout noir et le tout blanc, il y a large comme l'embouchure de la Fiumara ! Et puis les gens changent… Parle-lui, Libero… Parle-lui avant de la condamner.”


« La justice ne peut pas se contenter de condamner. Il est nécessaire de comprendre »
“Ne regarde pas en haut avec envie ou en bas avec dédain, Libero. Fais ta route, c'est bien assez.”
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Devenu médecin, le narrateur Libero Solimane revient à Ogliano, son village natal. La vue, sur les hauteurs, du pallazzo Delezio désormais abandonné aux ronces et à la décrépitude, le replonge dans la tragédie survenue ici, l'année de ses dix-huit ans.


Cerné par le massif de l'Argentu dont les montagnes le dérobent au monde tout en lui fermant l'accès à la Méditerranée toute proche, soumis aux bourrasques du libeccio bien connu des Corses et des Italiens, Ogliano, oublié du temps, semble toujours vivre comme au siècle dernier, selon les lois d'autant plus immuables du patriarcat et de la féodalité, que personne ne se risquerait à troubler l'omerta qui pèse sur cet assemblage de clans et de lignées soigneusement cloisonnés entre pauvres et riches, mais aussi par les haines rancies, la vendetta, et, de plus en plus, par les dérives mafieuses.


La violence est partout et le sang prompt à couler, selon cette loi du plus fort qui prend le dessus dès que la justice et le droit ont le dos tourné. Une violence qui n'en finit pas de ricocher, chaque mort en appelant une autre, dans une inextricable escalade que chacun subit dans la douleur et le silence. Dans ce contexte de tragédie grecque qui leur rappelle l'Antigone de Sophocle dont ils ont fait leur référence, Libero - de père inconnu - et son ami Raffaele – fils héritier du baron Delezio qui règne en maître sur le village – rêvent passionnément de justice. Ils vont apprendre qu'il n'est toutefois pas facile de démêler les culpabilités, qu'après tant d'iniquités, de violences et de torts infligés de toute part, le choix entre le bien et le mal n'est plus manichéen, qu'on peut même faire le mal pour un bien, et que, dans cet imbroglio dont ils vont peu à peu, au fil d'aventures qui mettront leur vie en péril, découvrir les insoupçonnables imbrications secrètes, les motivations des pires tueurs peuvent au final avoir trait à l'amour et à l'honneur.


Menée de main de maître par une auteur habituée des romans policiers, la narration joue avec efficacité de la curiosité du lecteur, entre vieux secrets de famille, poursuites dans le maquis et règlements de compte dont l'ensemble forme un tableau très plausible que l'on croirait tout droit sorti d'une Corse ou d'une Italie qui auraient troqué la féodalité seigneuriale contre celle de la mafia. Mais la plume, d'une grande beauté, d'Elena Piacentini ne se contente pas de nous tenir en haleine et de nous plonger dans des paysages méditerranéens avec une puissance d'évocation qu'expliquent sans doute ses origines corses. Alors que, dans ce drame, meurtriers ou victimes, tous ploient sous l'héritage d'une même et vieille douleur, cristallisée en haine et en désir de vengeance, elle nous interroge, au-delà de la peur et du sentiment d'impuissance, sur les moyens - et le courage – de briser ce fatal engrenage. Une gageure qui a déjà coûté la vie de bien des juges, et qui ne rend que plus admirable le sacerdoce de ceux qui, contraints de vivre sous protection, poursuivent leur mission coûte que coûte. Ce sont eux qui permettent l'espoir. Coup de coeur.

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On est en Italie, une Italie du Sud, ou peut-être est-ce la Corse, villages isolés, où souvent il n'y a pas de médecin. « Libero Solimane, fils d'Argentina Solimane et d'elle seule, petit-fils d'Argentu Solimane dernier des chevriers » est revenu s'installer dans son village de naissance, pour combler ce manque. Il en était parti une quinzaine d'années plus tôt, après un été qui l'a marqué à vie, le dernier de son adolescence.

Un roman à l'histoire tragique, aux personnages forts, âpres comme la vie dans ces terres pauvres, où il ne fait pas bon refuser la protection des mafieux, où des hommes meurent d'avoir voulu s'en libérer, où des adolescents se voient contraints de porter les armes, où une femme trop belle et trop jeune pour son mari va embraser le corps des jeunes du village et en rendre fou certain. Quelques jours, cet été-là vont révéler à Libero qui il est, il n'en reviendra pas indemne et ne voudra ensuite que fuir ces lieux, où pourtant il reviendra, fermant la boucle.

J'ai été emportée par ce roman, à l'écriture belle et sans fioriture, à l'égal des paysages qu'elle décrit. J'ai aimé ces personnages que l'on imagine sans peine, ces femmes gardiennes de la vie, rompues à la douleur, droites et fières :
« À force de coups du sort, les femmes d'ici devenaient plus dures que le granit, des Atlas condamnées à porter les vivants et les morts, trop de morts. Elles enfilaient les habits de deuil pour ne plus les quitter, finissaient par flotter dedans à mesure que l'âge les rabougrissait. Puis on leur ôtait leur croix en or, une alliance incrustée dans les plis de la peau et on les enterrait dans leurs robes noires. »

Et puis Libero et Raphaele, fils du baron qui règne sur le village, rêvent. Ils rêvent de partir, ils rêvent de renverser le cours des choses, ils rêvent d'un monde plus juste. Les évènements qu'ils vont vivre, réunis dans une folle épopée, qui les mènera dans la grotte des fées, vont les révéler à eux-mêmes.

Une narration efficace, ponctuée de quelques chapitres relatant les pensées de personnages vivants ou morts, qui ont tous un lien avec ces adolescents, qui laissent entrevoir secrets et réponses à certaines questions, une écriture poétique, une atmosphère oppressante et pourtant envoutante, où le drame se profile dès les premières lignes, tout cela ajoute au charme puissant de ce roman d'apprentissage où en toile de fond plane l'ombre d'Antigone, des extraits de la pièce de Sophocle venant ponctuer le récit.
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Chut !
Entendez-vous le chant des oiseaux sur Ogliano ? c'est une belle journée d'été qui s'annonce pour une promenade dans le maquis. Quel bonheur de pouvoir profiter de ces paysages magnifiques, de ces petits sentiers cachés qui mènent à des panoramas éblouissants connus, à des grottes -invisibles de la vallée- parcourues de labyrinthes féériques, à des rivières de montagne d'une couleur émeraude et d'une pureté sans égale. C'est le paradis …
Mais comme souvent en montagne, la météo peut changer très vite. Subitement, l'écho sourd de la détonation résonne à mes oreilles, suivi d'un cri.
Chut ! Regardez bien autour de vous ! Êtes-vous bien certain que personne ne vous a suivi ?
Le paradis, ah, non vraiment quelle bande de naïfs ! vous avez cru à cette carte postale ? Non, ici, c'est plutôt l'enfer qui vous attend ! Les grottes servent à cacher les cadavres, leurs labyrinthes ressemblent aux catacombes, et l'eau des rivières permet de laver le sang des morts …
Chut ! le silence ici c'est l'omerta…
Les secrets, les serments, les trahisons, la vengeance, les liens du sang, l'amour à mort, les meurtres et surtout l'honneur règnent. Ici nulle république, c'est la mafia des Carboni qui fait la loi.
Elena Piacentini insuffle vie avec talent à ses différents personnages et nous aide à mieux comprendre les relations complexes tissées génération après génération dans le massif de l'Argentu.
Araignée patiente, elle tisse sa toile, emmaillote son lecteur, qui n'a plus qu'à se laisser emporter pour être dévoré et découvrir l'initiation à la vie et à l'amour de Libéro, un jeune garçon natif de ce village imaginaire qu'est Ogliano.
À la fin de son livre, l'auteure rend hommage à Roberto Scarpinato, un magistrat italien spécialisé dans la lutte anti-mafia, qui a travaillé avec Giovanni Falcone et Paolo Borsellino.
Un combat toujours tristement d'actualité, partout dans le monde, puisque « le procureur du Paraguay spécialisé dans la lutte contre le trafic de drogue, Marcelo Pecci, a été assassiné le 10 mai 2022 en Colombie par des tueurs débarqués en jet-ski sur la plage paradisiaque d'une île des Caraïbes où il passait sa lune de miel. ». Et la réalité rejoint la fiction en un miroir troublant lorsqu'on apprend que sa jeune épouse venait de lui annoncer qu'elle était enceinte….
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critiques presse (1)
LaCroix
10 avril 2022
Le roman d’Elena Piacentini restitue dans un paysage méditerranéen la splendeur du monde et la douleur des hommes.
Lire la critique sur le site : LaCroix
Citations et extraits (72) Voir plus Ajouter une citation
(Les premières lignes du livre)
L’été, quand vient la nuit sur le village d’Ogliano, les voix des absents sont comme des accrocs au bruissement du vivant. Sur la terrasse, les fleurs fanées de la vigne vierge tombent dans un tambourinement obsédant. Le jappement sec des geckos en chasse dans le halo de la lanterne fait écho aux ricanements des grenouilles qui fusent du lavoir. Plus bas, vers le verger de César, le chant d’une chevêche d’Athéna ressemble au miaulement d’un chaton apeuré. Ces cris plaintifs, presque poignants, sont ceux d’une tueuse. À cette heure tardive, elle a pour habitude de faire une halte sur le vieux poirier. Je repère sa silhouette compacte qui rappelle un poing fermé. La voilà qui s’élance dans un vol onduleux. Elle prend de l’altitude, se hisse par les sentiers d’air qui naissent des inspirations et des expirations du massif de l’Argentu. À Ogliano, les montagnes occultent la quasi-totalité du ciel.
Les montagnes sont le ciel.
Je pourrais y marcher les yeux fermés. Moi, Libero Solimane, fils d’Argentina Solimane et d’elle seule, petit-fils d’Argentu Solimane dernier des chevriers, je suis né là-haut.
Là-haut, le nom des Solimane s’éteindra avec moi.
La chevêche a plongé après le premier col. Je l’imagine raser les frondaisons des chênes, marauder dans les anciens pâturages, puis fondre dans la fraîcheur des ravines et remonter le vent par le flanc nord du pic du Moine. De là, un courant ascensionnel la portera sans effort jusqu’au plateau des Fées, où les petits animaux s’enfonceront dans l’herbe grasse à son passage. L’un d’entre eux ne la sentira pas venir.
Les lois propres à l’Argentu sont immuables. Toutes ne sont pas inéluctables. Mais ceux qui sont morts ne le savent pas.
Une fois rassasiée, sans doute ira-t-elle se désaltérer à la source de la Fiumara. Peut-être s’ébrouera-t-elle quelques instants dans l’eau pure avant d’emprunter les gorges et de redescendre vers le village où l’espère sa couvée. D’ici une heure tout au plus, elle ressurgira plein ouest pour rejoindre le palazzo, où elle a élu domicile.

Mon esprit quitte les cimes. Mes yeux balayent l’obscurité proche, reconstituent le paysage à partir des indices semés sur les faîtages par le rayonnement de la lune. En contrebas du moulin que j’ai restauré, la petite maison de ma mère. À cinq cents m謬tres vers l’ouest, le clocher qui tient dans son giron l’essentiel du bourg. Un kilomètre plus loin encore, dominant une colline façonnée de terrasses, la masse imposante de la demeure du baron. Son toit s’est affaissé, ses persiennes à jalousies pendent à demi dégondées, les murs de la petite chapelle, gonflés d’humidité, menacent de s’effondrer. Ses jardins sont hantés d’arbustes moribonds. Les fontaines ont tari et les bassins sont colonisés par les ronces. Sa décrépitude actuelle est à la mesure de sa splendeur orgueilleuse d’antan. Quand le Palazzo Delezio rouvrait ses portes en accueillant une cohorte d’invités, c’était le signal. Alors l’été commençait vraiment. La Villa rose, c’est ainsi que je l’appelais autrefois.
Les quatre voitures de la suite du baron traversèrent Ogliano sans rencontrer l’habituel comité de bienvenue. À l’exception d’une armée de chats efflanqués rendus apathiques par la chaleur suffocante de la mi-juillet, les rues étaient désertes. Pas âme qui vive sur les murets. Personne aux balcons des fenêtres. Cette année-là, le retour des Delezio sur leurs terres ancestrales fut éclipsé par la mort de Bartolomeo Lenzani. À l’heure où le cortège fit son entrée, villageois et parents venus des quatre coins de la province étaient massés dans l’église. Les derniers arrivés, faute de place, palabraient sous les platanes. Seuls manquaient à l’appel Herminia la Folle et le vieil Ettore, grabataire. Sans oublier ma mère, qui, dans la matinée, avait apporté une marmite de soupe à la sœur du défunt, et moi qui l’avais accompagnée en traînant les pieds. En mécréants notoires, nous étions exemptés d’office.
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La voix pleine de Raffaele s’éleva, résonna dans la grotte et me frappa au cœur.
- « Pour moi, celui qui dirige l’Etat et ne s’attache pas aux résolutions les meilleures (…) est le pire des hommes ». Les meilleures, pour qui, Libero ? Pour tous ? Et qui décide de ce qui est le meilleur ?
Je secouais la tête, désenchanté. Les rares fois où l’Etat était arrivé jusqu’à Ogliano, il était du côté du bâton.
- Les meilleures pour ceux qui tiennent le manche.
Son regard étincela malgré la pénombre.
- Combien de décisions, ici, n’ont pas été équitables ? Et combien de personnes ont renoncé à porter leurs affaires devant la justice ? J’ai vu mon père préparer des enveloppes de billets et j’ai vu des fonctionnaires de toutes sortes entrer dans son bureau. Quand on ne peut se fier ni aux lois ni aux hommes censés les servir …
Alors, pensai-je, ne reste que la loi de l’Argentu.
- Chacun pour soi et les miens contre les tiens.
C’était comme ça déjà du temps de mon grand-père…
- Oui, les choses sont restées en l’état parce que quelques-uns y ont tout intérêt. « La tyrannie a cette chance, entre autres, de dire et de faire ce qu’elle veut. »
Voilà comment mon père a volé la mort de mon frère. Et il y a tout ce que j’ignore … La tyrannie des barons, la tyrannie des Carboni … Alors quoi ? Et les autres ?
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"Il y a des parties de nos vies qu'il vaut mieux ne pas déballer une fois qu'on les a rangées, Libero, sans quoi on n'en finit plus de vivre dans le passé - 201
Je fis durer l'instant qui précède le plein éveil, celui où la conscience lambine et rechigne à quitter le lit d'un rêve. - 133
Je n'ai pas fait de grandes choses dans ma vie, mais je n'ai eu à rougir d'aucune de mes actions. J'ai pris soin des miens et je les ai défendus sans léser personne. J'ai rendu service aux gens de bien. Je n'ai demandé aucune faveur à ceux dont je ne voulais pas être redevable. Et je n'ai pas courbé l'échine, Darce que celui qui se penche trop, on lui voit la raie du cul. D'un Solimane, personne n'a jamais vu le cul, ni baron, ni bandit. - 120
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– Antigone était posé en évidence sur le bureau. J'ai pensé qu'il y avait glissé un mot, une explication... Mais non. Je ne sais même pas d’où sort ce bouquin, Libero, il n'était pas au programme...
Ne pas savoir, je le concevais mieux que quiconque constituait une torture. L'idée que Gabriele ait choisi un moyen aussi radical d'échapper à sa charge d'ainé m'effleura l'esprit, mais je la gardai pour moi.
– J'ai cherché des pages cornées, des passages soulignés.… Rien. Alors je l'ai lu. Je ne connaissais pas le texte. En découvrant qu'Antigone s'était pendue, j'ai réalisé que le livre était le message et que ce message s'adressait à notre père. J'ai abordé le sujet avec lui, mais il n’a pas voulu m’écouter. Nous n'évoquons jamais Gabriele à la maison. C’est comme s'il n'avait pas existé. Je ne sais pas pourquoi mon frère est mort, Libero, mais j'ai trouvé dans cette pièce assez de questions pour remplir toute une vie. Les personnages de Sophocle m'ont interrogé, c'est... comme s'ils m'avaient tendu un miroir.
La voix pleine de Raffaele s'éleva, résonna dans la grotte et me frappa au cœur.
– “Pour moi, celui qui dirige l'État et ne s'attaque pas aux résolutions les meilleures [...] est le pire des hommes.” Les meilleures, pour qui, Libero? Pour tous? Et qui décide de ce qui est le meilleur?
Je secouai la tête, désenchanté. p. 128
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Les hommes sont tous coulés dans le même moule, ce qui les différencie au départ n’est qu’un jeu de hasard, une combinaison d’opportunités plus ou moins heureuses. Mais dans le fond et pour ce qui est des questions de moralité, nous sommes tous logés à la même enseigne…
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Vidéo de Elena Piacentini
« Dans les entrailles de l'Argentu, le temps s'écoulait à l'échelle géologique, notre perception s'en trouvait faussée. Par la cheminée de la première salle, que mon grand-père avait baptisée la "Clairière", le monde extérieur se rappela à nous. Au-dessus de nos têtes, l'orage sévissait avec une force égale. » Elena Piacentini, **Les Silences d'Ogliano**
Plus d'informations sur le roman : https://www.actes-sud.fr/catalogue/litterature/les-silences-dogliano
#Rentreedhiver #RL2022
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