« L'anthropologie et l'histoire nous apportent la preuve que d'autres voies sont possibles pour nous assembler et régler nos vies que celles qui nous sont familières en Occident, puisque certaines d'entre elles, aussi improbables qu'elles puissent paraître, ont été explorées et mises en pratique ailleurs. Elles montrent que l'avenir n'est pas un prolongement automatique de l'actuel, reconductible à intervalles réguliers, mais qu'il est ouvert à tous les possibles pour peu que nous sachions les imaginer. »
Ethnographies des mondes à venir,
Philippe Descola et
Alessandro Pignocchi @editionsduseuil
Voici un court essai anthropologique qui se présente comme une conversation entre les deux auteurs discutant du monde à créer pour demain, des possibilités qui sont à notre portée, des mentalités et concepts à modifier, des exemples dont on peut s'inspirer…
Avant toute chose, ce qui est primordial, c'est de modifier le regard que l'on porte sur les non-humains.
« Changer de régime implique de ne plus « socialiser les non-humains » de cette manière, c'est-à-dire comme des produits dérivés de l'existence sociale des humains, mais d'admettre au contraire leur autonomie, leur radicale indépendance, leur altérité, en les créditant de capacités de représentation politique. C'est déjà ce que font les zadistes lorsqu'ils disent « nous ne défendons pas la nature, nous sommes la nature qui se défend ». L'appropriation change de sens: les humains n'accaparent plus les non-humains dans leurs réseaux, ils en sont une émanation. »
Les zad sont présentées dans cet essai comme une piste de réflexion pour le futur…
« Mais tout d'abord, les zad ont une évidente dimension offensive. Elles entravent des grands projets étatiques, bien sûr, mais elles servent de base arrière pour lancer des actions contre l'écosystème capitaliste. Elles permettent d'alimenter, au sens propre comme au figuré, des luttes existantes et de penser de nouvelles formes de luttes et de nouveaux modes d'action. »
Mais qu'est-ce qu'une zad? C'est une zone à défendre, une manière de s'opposer à un projet d'aménagement… Cela rejoint la lutte de certains peuples autochtones, comme en Amazonie par exemple!
« En nous inspirant des luttes autochtones et des luttes territoriales, nous avons esquissé une perspective hybride, dans laquelle cette écologie prendrait d'abord forme sur des territoires, idéalement de plus en plus nombreux et fédérés en réseaux, qui exploreraient différentes formes d'autonomie et différents modes de relations avec les structures étatiques encore en place. L'existence de terres communalistes ne laisserait par les États avec lesquels elles cohabitent inchangés, loin de là. Elles pourraient par exemple contribuer à faire reconnaître une personnalité juridique aux milieux de vie, inversant ainsi de façon globale la perception que l'on a des relations entre humains et non-humains. »
Plus qu'un manifeste, ce livre est en quelque sorte un guide pour repenser notre société et créer le monde de demain…
« L'anthropologie devient un réservoir « d'outils de dérangement intellectuel » qui nous aident a nous penser nous-mêmes et à imaginer l'avenir comme un foisonnement de possibilités, et non plus comme un trajet unique et tout tracé vers le désastre. »
Un regard intéressant, une étude anthropologique de notre société!