AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
Citations sur Le conte de la lune non éteinte (12)

Et Popov racontait tous les petits riens des désaccords qui sont toujours si torturants justement à cause de leur insignifiance -cette insignifiance, cette futilité derrière laquelle on ne voit plus ce qui est grand.
p.49
Commenter  J’apprécie          340
Le professeur se tut.
-Il n'y a rien de pire qu'un conseil de médecins, Ekaterina Pavlovna. Moi, je ne veux pas offenser Anatoli Kouzmitch. Anatoli Kouzmitch, lui, ne veut pas m'offenser. Nous nous couvrons mutuellement de compliments, nous étalons notre science, quant au patient, on ne sait pas très bien ce qu'il vient faire là dedans, c'est comme dans les procès exemplaires des bolcheviks, une parade en fanfare - personne ne connaît vraiment le malade - "vous comprenez, Anatoli Kouzmitch - vous comprenez, herr Schieman"...
Le professeur se tut.
- Aujourd'hui, à l'hôpital, je vais assister un chirurgien pour l'opération d'un bolchevik, Gavrilov, le commandant des armées.
Commenter  J’apprécie          280
Il était déjà plus de dix heures du matin et le brouillard verdâtre du jour s'était déposé dans les rues, mais en fait ce dépôt verdâtre ne se voyait pas car sur ce lambeau de terre où l'on avait construit des maisons, la machine de la ville s'était mise en marche — une grande machine très complexe qui faisait tout tourner, qui vissait tout, depuis les carrioles, les tramways et les autobus, depuis les lits défaits dans les maisons — jusqu'aux soldats marchant au pas sur le quai, jusqu'au silence solennel
des salles aux hauts plafonds des services comptables et des cabinets de commissariats du peuple — cette machine compliquée de la ville qui envoyait des flots d'êtres humains devant des établis, devant des comptoirs, à des bureaux, dans des automobiles, dans les rues — une machine derrière laquelle on ne remarquait pas le ciel grisâtre, la bruine, la boue, le brouillard trouble et verdâtre du jour.
Commenter  J’apprécie          150
A l'aube, les sirènes des usines hurlaient au-dessus de la ville. Dans les ruelles se traînait un dépôt gris de brumes, de bruine et de nuit ; il se diluait dans l'aube --- il indiquait que l'aube serait morose, grise, bruineuse. Les sirènes hurlaient longuement, lentement --- une, deux, trois, beaucoup --- elles se confondaient en une plainte grise au-dessus de la ville : c'étaient les sirènes des usines qui hurlaient dans le silence du petit matin, mais des faubourgs montaient les sifflements stridents et lancinants des locomotives, des trains qui arrivaient et qui partaient --- et il était parfaitement clair que ce qui hurlait dans ces sirènes, c'était la ville, c'était son âme à présent entachée par ce dépôt de brouillard.
Commenter  J’apprécie          90
C'était un homme dont le nom évoquait l'esprit héroïque de toute la guerre civile, les milliers, les dizaines et les centaines de milliers d'hommes qui se tenaient derrière lui - un nom qui évoquait des centaines, des dizaines et des centaines de milliers de morts, de souffrances, de mutilations, le froid, la faim, les marches dans les frimas et la chaleur torride, un nom qui évoquait le fracas des canons, le sifflement des balles et des vents nocturnes, les feux de camp dans la nuit, les campagnes, les victoires et les déroutes, et - encore et toujours - la Mort. C'était un homme qui commandait à des armées, à des milliers de gens, un homme qui commandait aux victoires, à la mort - à la poudre, à la fumée, aux os brisés, aux chairs déchiquetées, à ces victoires dont on faisait si grand bruit à l'arrière avec des drapeaux rouges par centaines et des foules innombrables, ces victoires dont la radio inondait le monde et après lesquelles - sur les plaines sablonneuses de Russie - on creusait pour les cadavres des fosses profondes, des fosses dans lesquelles s'entassaient pêle-mêle des milliers de corps humains. C'était un homme dont le nom était chargé de légendes - sur la guerre, sur des vertus de stratège, sur une bravoure, une intrépidité et une fermeté sans bornes. C'était un homme qui avait le droit et le bon vouloir d'envoyer des êtres humains tuer leurs semblables - et mourir. Un homme venait d'entrer dans le salon, pas très grand, à la large carrure, avec un visage débonnaire et un peu fatigué de séminariste. Il marchait d'un pas vif, et sa démarche trahissait à la fois le cavalier et le civil, sans rien de militaire. Les trois officiers d'état-major se mirent au garde-à-vous devant lui: pour eux, il était l'homme qui se trouvait au gouvernail de l'énorme machine qu'on appelle l'armée, l'homme qui commandait à leur vie, surtout à leur vie, leurs réussites, à leur carrière, à leurs échecs, à leur vie, mais pas à leur mort. Le commandant s'arrêta devant eux, il ne leur tendit pas la main, il fit le geste qui les autorisait à se mettre au repos.
Commenter  J’apprécie          40
Natacha était debout sur le rebord de la fenêtre, et Popov la vit gonfler les joues et avancer les lèvres. Elle regardait la lune, elle la visait, elle soufflait dessus.
- Qu'est-ce que tu fais Natacha ? demanda son père.
- Je veux éteindre la lune, répondit Natacha.
La pleine lune, grosse épicière, flottait derrière les nuages, elle était fatiguée de courir.
Commenter  J’apprécie          20
A l'aube, les sirènes des usines hurlaient au-dessus de la ville. Dans les ruelles se traînait un dépôt gris de brumes, de bruine et de nuit ; il se diluait dans l'aube - il indiquait que l'aube serait morose, grise, bruineuse. Les sirènes hurlaient longuement, lentement - une, deux, trois, beaucoup - elles se confondaient en une plainte grise au-dessus de la ville : c'étaient les sirènes des usines qui hurlaient dans le silence du petit matin, mais des faubourgs montaient les sifflements stridents et lancinants des locomotives, des trains qui arrivaient et qui partaient - et il était parfaitement clair que ce qui hurlait dans ces sirènes, c'était la ville, c'était son âme à présent entachée par ce dépôt de brouillard.
Commenter  J’apprécie          10
4ème de couverture de l'édition Champ Libre 1972 :

Conte de la lune non éteinte laisse le lecteur convaincu que les circonstances dans lesquelles est mort le « commandant de l’armée », héros de l’histoire, correspondent aux circonstances et faits réels qui ont entouré la mort du camarade Frounzé. Pareille représentation d’un événement profondément affligeant et tragique constitue non seulement une falsification extrêmement grossière et injurieuse pour la mémoire du camarade Frounzé, mais aussi une calomnie délibérée de notre parti communiste bolchevik…
A. Voronski, Lettre à la rédaction de Novyï Mir

Il me paraît nécessaire de déclarer, en rétablissant les circonstances de l’écriture de ce récit, que n’ayant pas tenu compte des circonstances extérieures, je ne m’attendais nullement que ce récit pût, aux mains du petit bourgeois contre-révolutionnaire, être utilisé de manière particulièrement ignoble comme une arme contre le parti ; pas une fois, il ne m’est venu à l’esprit que je pouvais écrire une calomnie délibérée. Il m’apparaît maintenant que je me suis permis de très graves erreurs, dont je n’étais pas conscient lors de l’écriture de ce texte ; aujourd’hui je sais que nombre de choses écrites dans mon récit sont des inventions calomnieuses…
Boris Pilniak, Moscou, 25 novembre 1926
Commenter  J’apprécie          00




    Lecteurs (96) Voir plus



    Quiz Voir plus

    Les écrivains et le suicide

    En 1941, cette immense écrivaine, pensant devenir folle, va se jeter dans une rivière les poches pleine de pierres. Avant de mourir, elle écrit à son mari une lettre où elle dit prendre la meilleure décision qui soit.

    Virginia Woolf
    Marguerite Duras
    Sylvia Plath
    Victoria Ocampo

    8 questions
    1726 lecteurs ont répondu
    Thèmes : suicide , biographie , littératureCréer un quiz sur ce livre

    {* *}