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Critique de entrecrituretlecture


La collection « Lettres gothiques » offre, une fois de plus, un magnifique ouvrage et un splendide témoignage d'une période médiévale (fin du Moyen-Age) avec cette auteure méconnue qu'est Christine de Pizan. Cette collection présente le texte dans son intégralité, dans une nouvelle édition et traduction. En effet, il ne s'agit pas d'un roman, le terme n'existe pas à cette époque, l'on parle plutôt de poème en vers : 6398 au total. Celui-ci est en ancien français traduit en langue française. C'est intéressant de découvrir le langage qui construisit le nôtre et la vie à cette époque. La collection donne, également, des clés de lecture pour une meilleure compréhension du texte et de la période historique grâce à une introduction et une préface richement documentées permettant de découvrir l'auteure de ces vers, les circonstances de sa production, la mentalité du 15e siècle au plan historique (politique et vie quotidienne). Enfin, les notes et références en bas de page enrichissent notre culture au plan historique, culturelle et littéraire. Les sources sont beaucoup empruntées à l'antiquité.

Que racontent t'ils ces vers ? Ils ont été écrit en 1402-1403. Christine de Pizan est la première femme de son temps à écrire et à vivre de son écriture. Veuve très jeune et mère de trois enfants, il lui faut gagner son pain. Erudite grâce à son père italien, homme de sciences et astrologue de Charles V, ayant accès à la cour du roi de France et à sa bibliothèque personnelle, Christine de Pizan donne de sa voix à ce siècle en fin de vie et à celui arrivant. En 1402, la France est engluée dans la guerre de cent ans depuis 1337, Jeanne d'Arc n'est pas encore là, Charles V a cédé sa place à son fils Charles VI qui sombre dans la folie, justifiant des guerres intestines pour accéder aux commandes du royaume, ses oncles ayant de grands appétits de pouvoir, menaçant une guerre civile. A l'extérieur, la dernière croisade de 1396 contre l'empire ottoman est un fiasco (bataille de Nicopolis), le sultan Bajazet est défait à Ankara par Tamerlan, et l'Eglise subit le schisme en 1378. C'est dans ce contexte troublé que Christine écrit.

S'appuyant sur son Savoir (Consolation de Boèce, Dante, Homère, Plutarque, Boccace ou encore Ovide et Virgile…), elle entreprend le chemin de longue étude, un long poème en vers, épique qui lui fait découvrir de monde à travers ses voyages en Europe, Orient et Asie. Un moment de découverte et de conquêtes à l'instars des grands conquistadors du siècle suivant ou précédents : Colomb, Magellan, Gama ou Cartier, Polo ou Ibn Battûta. le lecteur s'émerveille par son style et ses descriptions. le voyage est initiatique. Aidée et guidée par Sybille, la sage (une femme : mère et enseignante à la fois) comme nous le sommes par Christine de Pizan, nous sommes là pour voir et apprendre. Christine est en quête de savoir, d'apprentissage, de compréhension de son monde. Elle a soif de connaissances. L'étude est un chemin, une quête, une entreprise qu'il faut avoir et assouvir durant sa vie. C'est le message que délivre l'auteure, celui de toujours apprendre, comprendre, s'enrichir, évoluer, grandir. Elle se bat pour la condition féminine, en particulier, l'éducation des jeunes filles et femmes de son temps considérant que celle-ci à un rôle à jouer, pas seulement celle de donner la vie. Elle vouera une grande admiration à la fin de sa vie pour Jeanne d'Arc. Elle reste très moderne en cela et l'on pourrait la considérer comme étant la première féministe de l'Histoire. Ce penchant est accentué dans la seconde partie de son poème par le long débat qui oppose les principales vertus ou vices de l'Humanité. Elle pose, aussi, les conditions et les valeurs que doivent posséder un Prince pour gouverner un pays comme le monde. En cela, elle donne sa voix à la situation politique de son pays, la folie du roi Charles VI. L'époque est sombre et déclinante : fastes et fêtes de la cour de France, triomphe du mensonge, de la tricherie et de la manipulation, guerres et lâcheté, perversion…

A travers son ouvrage, elle cherche l'intégrité, le renouveau, la force, la grandeur pour ses contemporains comme pour son pays, elle, qui connut le grand siècle de Charles V et pose, ici, un regard féminin, lucide, intelligent, analytique, froid et maternelle sur son époque troublée.

Très belle lecture de ce livre. Une femme, un écrivain intéressant et impressionnant, d'une grandeur d'âme sans pareille.
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