On ne nous laissera pas souffrir en paix. Les vautours vont tous venir se repaître de notre malheur.
" - Nous allons encore devoir partager un petit lit, remarqua Charlotte.
- Ça ne me déplaît pas du tout, j'y prends goût. Nous devrions peut-être continuer quand nous serons mariés. "
" - Jure-moi que tu ne diras jamais à personne ce que tu sais. Bien sûr, tu peux apprendre à Bill que tu es au courant. Oui, c'est même nécessaire, mais il faut que ça en reste là. Ne dis rien à ton... à Roger. Ne lui dis rien, surtout, jure-le-moi.
- Mais nous allons nous marier !
- Je sais, mais imagine que vous divorciez un jour. Tout le monde ne se sépare pas dans d'aussi bonnes conditions que ton père et moi. Les gens se déchirent, ils cherchent souvent à se nuire quand ils se quittent.
- Nous ne divorcerons jamais, ça, je peux te le jurer!
- Charlotte, ne rêve pas, nous sommes en 1996, pas dans un conte de fées. "
Mais elle se souvint de l'anecdote qu'on lui avait racontée au restaurant et qui venait s'ajouter à ses propres observations : Roger était un homme sensible avec lequel elle pourrait devenir amie. Un jour, Elena s'était moquée d'elle :
« Des amitiés avec les hommes, tu veux rire ! On couche avec eux, ou on ne les revoit pas. » Mais Elena retardait un peu. En Amérique, on ne réagissait plus comme ça. Si finalement Roger Heywood cherchait plus qu'une amitié, elle ne souffrirait pas trop de ne plus le voir.
" Nous sommes complémentaires", se disait Charlotte qui nageait dans le bonheur.
( ...)
Elle savait qu'elle allait trouver des messages près du téléphone. Celui, anonyme, qui promettait simplement de rappeler plus tard serait celui de Peter, car ils avaient décidé d'un commun accord que leur aventure - si leur relation pouvait déjà se définir de cette manière - devait rester secrète.
" - Le week-end prochain, annonça Peter, tous mes colocataires seront absents. Les quatre collègues avec lesquels je partage la maison appartiennent au même club, celui qui organise colloque hors de la ville. Nous serons seuls pendant deux jours. "
En cours, Charlotte s'asseyait maintenant au dernier rang. Le désir brûlant qu'ils éprouvaient l'un pour l'autre, exacerbé par l'attente, les rendait incapables d'échanger le moindre regard en public. Lorsqu'elle était seule, elle reconnaissait avec une pointe d'ironie qu'elle devait ressentir à peu près la même émotion qu'une jeune fille du siècle passé la veille de son mariage.
" -Je voudrais voir Charlotte ! Je veux lui dire que.. je ne sais pas, mais j'ai envie de la voir. Nous étions tellement proches...
- Il n'en est pas question ! rétorqua Elena. Elle n'est pas en état.
- Elena a tout à fait raison, je suis désolé, intervint Bill. Et pour ce qui est de porter plainte... je ne sais pas ce que nous gagnerions à traîner Ted devant les tribunaux. Il faut plutôt lui faire suivre une thérapie de toute urgence. Soignez-le avant qu'il ne soit trop tard.
- Quoi ? s'écria Elena. Je n'y crois pas ! Tu veux le laisser s'en tirer comme ça ? Tu ne veux pas qu'il soit puni ? Tu es devenu fou !
- Non, réfléchis, pense à Charlotte. Tu te rends compte de ce qu'elle endurerait s'il fallait qu'elle se fasse interroger, d'abord par la police, et puis ensuite par des avocats ? Parce qu'il faudra bien que Ted soit défendu, c'est la loi. Est-ce que tu penses vraiment que nous pourrions garder cela secret ? Le nom de Charlotte ne restera pas dans l'ombre. Tu imagines le scandale ? Il faut absolument que nous étouffions l'affaire pour elle. "
Les gens ne s'intéressent qu'à l'argent et à ce qui s'achète.
Avec de l'argent, on peut acheter un passeport volé et le faire falsifier. On peut aussi, si on dispose de suffisamment d'argent, s'acheter un passage sur un cargo sans avoir besoin de papiers. Il est parfaitement possible de disparaître
pendant des années à l'autre bout du monde.
Quand on s'aime, on ne se remercie pas.
On ne peut pas tourner perpétuellement autour du pot.