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Critique de JulienDjeuks


Le sous-titre « ou sur la rhétorique, ou réfutatif » fait penser que le dialogue va avoir pour but de combattre contre la rhétorique sophistique de Gorgias. En fait, Gorgias n'est pas combattu en lui-même. le sophiste s'efface une fois qu'il a posé ce qu'il appelle rhétorique et qu'il a reconnu le danger de la rhétorique – le mauvais usage qui peut en être fait. Socrate ne conteste ni l'essence de la rhétorique, ni son efficacité de persuasion. Ce qu'il conteste, c'est l'importance qu'on accorde à son usage. En usant de rhétorique, on lutte et on peut vaincre dans la discussion une personne qui aura la science et la raison de son côté. En s'impliquant ainsi dans la politique, on risque plutôt de commettre une injustice. le vrai engagement politique consiste donc à détourner les hommes des croyances et à les diriger vers les sources de savoir. Platon justifie donc le bien-fondé de l'enseignement socratique – la recherche de la connaissance de soi, du monde et du bien par l'échange et la discussion – contre l'enseignement sophistique qui ne se soucie ni du juste ni de l'injuste. On pourrait y voir au passage un signe de la future expulsion des poètes de la République – les poètes et faiseurs d'histoire étant du côté de la croyance (cf. Todorov et sa dichotomie discours de la vérité (sciences) Vs. discours de croyance (littérature), dans Critique de la critique). Toutefois n'y a-t-il pas contradiction quand Socrate use pour convaincre ses interlocuteurs d'histoires et d'images – celle de l'homme qui remplit continuellement un tonneau percé en tentant de satisfaire ses désirs toujours renouvelés ; et le mythe du jugement des âmes après la mort pour montrer qu'il vaut mieux ne pas commettre d'injustice ? Il use ainsi de paraboles poétiques, donc d'une rhétorique. de même que c'est bien par la maîtrise du discours, des exemples, des parallèles, qu'il mène et domine ses réfutateurs – quand bien même on peut dire que c'est la simple avancée de la logique.
On remarque aussi que Platon répond surtout ici à des accusations formulées contre l'enseignement socratique. Platon met ainsi dans la bouche de Calliclès ces reproches sur l'incapacité de Socrate à se défendre (dans un hypothétique procès - procès qui va effectivement condamner Socrate) et sur l'apparente futilité à continuer à philosopher comme un jeune faisant ses classes, à discuter indéfiniment de tout, au lieu d'agir, de chercher à avoir une influence sur la vie politique là où les décisions sont prises. N'est-ce pas une perte pour la démocratie que de voir Socrate ne pas s'être investi dans le combat politique ? Selon ces reproches, la philosophie socratique mène également au malheur puisque le maître se retrouve victime de l'injustice, d'un jugement imbécile.A ces reproches légitimes, Platon veut montrer tout d'abord que le bonheur ne se trouve pas dans la fuite des malheurs et injustices pouvant éventuellement survenir. Si le malheur et l'injustice doivent arriver, comme la mort, ils arriveront de toute façon. le bonheur se trouve davantage dans la satisfaction d'avoir fait le bien autour de soi, d'avoir rendu les hommes autour de soi meilleurs. Or la politique par le combat des rhétoriciens ne consiste pour Platon qu'à se conformer et plaire, à « flatter ». La rhétorique provoque donc des disputes stériles où celui qui gagne n'est pas celui qui a raison mais celui qui parle mieux.
La vraie politique n'est pas dans l'arène politique. Elle serait plutôt dans l'enseignement et dans l'apprentissage tout au long de la vie. Platon cherche donc à détourner les hommes de cette lutte futile. La vraie politique étant l'influence quotidienne qu'il exerce sur les hommes et femmes par le dialogue.
On pourra cependant rétorquer que si la rhétorique est qualifiée de flatterie inutile puisqu'elle ne traite pas du bien et du mal, elle est en réalité très importante et très utile, pas pour le combat politique, mais justement pour l'enseignement. Illustrer, bien parler, démonter les croyances et idées infondées et erronées qui se dissimulent dans les discours, se répètent et se présentent comme dogmes, c'est tout un art de manipulation de la parole, pas seulement une démonstration logique. Sinon, Platon ne mettrait pas dans la bouche de Socrate de belles métaphores qui ont pour but, non pas d'argumenter, mais bien d'illustrer, d'adoucir la violence de la démonstration sur les croyances de ses interlocuteurs. À l'instar de nombreux personnages d'interlocuteurs de Socrate, Polos et Calliclès sont écoeurés de l'avancée logique : ils se font amers, vexés, ne participent plus à la discussion. C'est là où la rhétorique entre en scène, pour soutenir la science qui ne suffit pas.
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