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Monique Canto-Sperber (Traducteur)
EAN : 9782080705297
188 pages
Flammarion (01/01/1989)
3.48/5   32 notes
Résumé :
Dans l'Athènes du Vè siècle, la fonction du rhapsode, récitant attitré d'Homère, était de rendre la poésie homérique accessible et émouvante près de trois siècles après le moment de sa composition. Ce qui supposait un certain travail d'adaptation des poèmes homériques. Mais au rhapsode Ion, Socrate, le philosophe, reproche (comme il le reproche ailleurs à Homère) de parler de ce qu'il ignore. Ce face-à-face entre Ion et Socrate, présenté par Platon dans l'Ion, tend ... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (5) Ajouter une critique
Ion est un rhapsode (poète, ou plus exactement déclamateur de poésie ) ; il dialogue avec Socrate, et lui dit qu'il n'y a qu'Homère qu'il peut bien interpréter. Pour Hésiode, par exemple, il n'y arrive pas.
Socrate lui explique que certains poètes sont inspirés par les Muses, filles de Zeus : c'est une faveur divine. Homère est favorisé des dieux !
C'est normal, car dans « Apologie de Socrate », en buvant la ciguë, il se réjouit d'aller visiter Homère là-haut…

« Comme les prêtres Corybantes qui rentrent en transe en dansant, ainsi font les poètes lyriques : c'est quand ils n'ont plus leur raison qu'ils se mettent à composer ces beaux poèmes lyriques. »

Cependant, après avoir abondé dans le sens d'Ion, Socrate le teste :
Il lui sert une maïeutique à sa sauce, avec un système « algorithmique », des questions fermées avec deux réponses possibles ; il le pousse dans ses retranchements.
.
J'aime les dialogues de Socrate mis en scène par Platon, car il tourne autour du pot, autour du problème de son interlocuteur ;
en général, l'autre est orgueilleux, et avec sa maïeutique, Socrate arrive à le faire avouer qu'il est impossible qu'il soit supérieur en tout à tout le monde : ici, est-il supérieur au cocher concernant la conduite d'une voiture ? d'un pêcheur concernant l'attitude des poissons, etc.. ; cependant, exaspéré, l'orgueil de Ion se dévoile : il se déclare l'égal des meilleurs stratèges !
Alors Socrate lui pose la question qui tue :
Mais pourquoi donc la démocratie grecque, qui a tant besoin de stratèges, n'a-t-elle pas fait appel à toi ?
Coincé, Ion s'en tire par une pirouette … Et Socrate dit qu'il agit comme Protée qui change de forme quand il a un problème ( d'où, sans doute, le terme « protéiforme 😊 )
N'y a-t-il pas plein de personnes qui s'en tirent par des pirouettes ?
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Dans ce dialogue, Socrate veut prouver à Ion, rhapsode de son état, que ses talents ne sont ni le fruit d'un quelconque art ni d'une quelconque science. Il fait d'abord remarquer que l'art ou la science offre à son détenteur le pouvoir de juger le bon et le mauvais sur tous les objets de cet art ou de cette science. Or, le génie du rhapsode ne s'applique jamais sur la poésie en général, mais toujours sur des poètes particuliers (Homère dans le cas d'Ion).

Mais alors, demande Ion, à quoi est dû le talent du rhapsode, si ce n'est à l'art ou à la science ? Socrate répond par une métaphore sur une pierre magnétique capable de faire tenir entre eux des anneaux de métal. Par cette image, Socrate exprime que la poésie est d'origine divine, que la Muse (la pierre magnétique) s'empare du poète (le premier anneau) qui, par l'intermédiaire de rhapsodes eux aussi transcendés (les anneaux intermédiaires), la transmet au public (dernier anneau). D'ailleurs, quand ils récitent leurs textes, les rhapsodes ne sont-ils pas réellement emportés par les émotions fictives du poème, tout comme le spectateur, preuve de l'irrationalité de leur activité ?

Bien que flatté par l'idée d'être possédé par un être de nature divine, Ion reste convaincu qu'il y a de la science dans son activité. Quand Socrate lui demande sur quels objets de la poésie d'Homère sa prétendue science s'applique-t-elle, Ion répond "tous". Mais le philosophe lui fait observer que quand Homère parle de l'art des cochers dans ses poèmes, c'est au cocher et non au rhapsode d'y pouvoir juger. de même pour les médecins, les devins, les bouviers, et tout ce dont parle Homère, car tout est soumis à une science. Dans ses derniers retranchements, Ion déclare que la science du rhapsode est maîtresse dans l'art de commander aux hommes, car l'éloquence du rhapsode fait forcément de lui un bon général. Socrate désamorce ce dernier argument par une simple boutade, commandant à Ion, si bon rhapsode, d'aller de ce pas diriger les armées d'Athènes pour le bien de la Cité.

L'Ion éclaire les idées de Platon sur l'art poétique, dont il est si critique. Que sa métaphore de la chaîne d'anneaux soit l'expression de sa pensée propre ou un simple procédé dramatique permettant à Socrate de ménager son interlocuteur n'est pas très important. Dans les deux cas, Platon montre que la poésie est essentiellement irrationnelle. Si Homère peut se montrer convaincant dans sa description des divers arts comme celui du cocher, il y est arrivé par possession, ou par transe, et non par la science. Sans méthode, impossible d'approcher la Vérité, d'autant plus que l'oeuvre des poètes, eux-mêmes interprètes de la Muse, est ensuite interprétée par les rhapsodes, et donc bien peu fiable.

Pour le lecteur moderne, cette critique de la poésie peut paraître stupide et obsessionnelle. Ce serait oublier que dans la Grèce Antique, les poètes (et surtout Homère) jouaient un rôle considérable dans l'éducation des jeunes gens. Ainsi, pour le lecteur moderne, cette critique de la connaissance par le mythe (interprétation d'interprètes !) au profit d'une connaissance par la science devrait plutôt apparaître comme révolutionnaire et, aujourd'hui encore, de première importance.
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Ce dialogue de Platon est assez méconnu, sans doute parce que la théorie qui y est développée ici n'a pas la force des grands livres comme La République ou le Banquet et qu'elle peut même sembler assez anecdotique. Toutefois, cela reste un ouvrage très intéressant à découvrir, d'autant plus que la vision de l'art, et plus particulièrement du rôle de l'artiste, que donne ici Socrate est tout à fait en contradiction avec celle de notre société actuelle - en particulier avec l'art moderne qui a tendance à considérer très rapidement n'importe quelle initiative comme de l'art ! de plus, c'est un livre assez court et, comme la plupart des dialogues socratiques, dans lequel les idées sont abordées de manière assez simple et concrète.
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Platon dans tout son art. Un Ion particulièrement inapte à répondre correctement aux interrogations de Socrate (comme dans la plupart des discours socratique me direz-vous), pour progressivement démontrer la faiblesse de la création littéraire, et plus généralement de la création artistique. Il est vrais que, pour une passionnée d'art comme je suis, la pensée de ce livre est difficile à accepter. Mais il faut reconnaître que beaucoup d'arguments sont bel et bien fondés (qu'est l'artiste, si ce n'est qu'un simple imitateur ne maîtrisant que très peu les sujets dont il traite?). Il me semble qu'aimer la littérature n'empêche en rien d'ouvrir les yeux sur certaines réalités tels que celles-ci, et que même, au contraire, cela peut permettre de prendre un recul nécessaire pour encore mieux apprécier les oeuvres littéraires, et les oeuvres artistiques plus largement.
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En lisant ce très court ouvrage, je me suis dit qu'il ferait un excellent texte à traduire pour les étudiants de lettres classiques ou de philosophie apprenant le grec ancien. Il possède toutes les qualités de clarté nécessaires, et met merveilleusement à jour la méthode socratique.
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Citations et extraits (4) Ajouter une citation
Comme les prêtres Corybantes qui rentrent en transe en dansant, ainsi font les poètes lyriques : c’est quand ils n’ont plus leur raison qu’ils se mettent à composer ces beaux poèmes lyriques.
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"Socrate à Ion:

Nous disons donc, en résumé, que le même reconnaîtra toujours, entre plusieurs personnes parlant des mêmes sujets, qui en parle bien et qui mal; ou, s'il ne reconnaît pas qui parle mal, évidemment il ne reconnaîtra pas davantage qui parle bien, du moins sur le même sujet."
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Les poètes ne sont rien que les interprètes de dieu.
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Car c'est chose légère que le poète, ailée, sacrée.
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